MPM : L ? auditéite aiguë

L?audit, élu produit phare des mandatures, qu'elles soient de droite ou de gauche. Guy Teissier a amorcé sa présidence en commandant un état des lieux sur la situation financière et budgétaire de l'institution. Eugène Caselli avait fait de même. Six ans entre les deux pour parvenir au même constat : l'iniquité de la Communauté urbaine marseille-Provence.

En 2008, l'intercommunalité était épinglée par la Chambre régionale des comptes qui dressait un constat sévère des années 2001-2006 (sous la gouvernance Gaudin). Eugène Caselli, président socialiste alors fraîchement élu et arrivé par surprise à la tête de l'une des plus grosses intercommunalités de France, annonçait derechef un audit et la rigueur face à une situation financière jugée "très préoccupante". L'élu se présentait alors comme l'héritier d'une ambitieuse politique d'investissement (1,5 Md€ investi entre 2001 et 2008), revendiquée d'ailleurs par Jean-Claude Gaudin, et d'une situation financière où le taux d'épargne était limité à 7 %, la capacité de désendettement s'étalait sur trente ans et d'une dette qui atteignait alors 1 Md€.

Audit, outil miracle
Estimant que MPM "ne pouvait pas vivre plus longtemps à crédit", Eugène Caselli avait alors commandé un audit extérieur sur les finances, puis un autre sur l'incinérateur de Fos, puis encore un sur la collecte des déchets. "Au final beaucoup de temps perdu et un million d'euros dépensés", ne s'était pas privé de condamner alors l'UMP Renaud Muselier, candidat malheureux de la présidence volée (il devait se faire élire président de MPM si deux voix de droite n'avaient pas crédité l'adversaire socialiste). Autant d'audits pour un constat : un endettement d'1,2 Md€, lequel a débouché sur une décision : ne pas augmenter la fiscalité, décision rendue possible grâce à "la solidarité" du Département : 250 M€ sur cinq ans pour investir dans la propreté, les transports, le cadre de vie et la voirie.

Dette préoccupante

2014 : Remake. Guy Teissier, élu triomphalement président de la même communauté urbaine le 7 avril dernier, a fait réaliser un nouvel état des lieux par le même cabinet Kalyps. Nouvelle alerte : une dette "préoccupante" de 1,52 Md€, des dépenses de fonctionnement supérieures de 37,6 M€ aux recettes, des dépenses d'équipement qui s'élèvent à 400 M€, "alors que l'enveloppe soutenable pour notre collectivité est de 250 M€", affirme Jean Montagnac, maire de Carry-le-Rouet, en charge des finances à MPM, des opérations programmées et non financées s'élevant à plus de 2,4 Md€, une épargne dégradée (16 ans d'épargne pour résorber en totalité l'encours de dette)... Reste qu'il faut construire un budget sur ces bases et en tenant compte des limites du levier fiscal (celle de la soutenabilité du contribuable !), de la baisse des dotations de l'État (qui fournissent aujourd'hui 34 % des recettes) et d'une plus grande contrainte dans l'accès à l'emprunt (aujourd'hui 52 % de ses recettes), règle d'or oblige (budget à l'équilibre).

Agir simultanément sur plusieurs leviers

Pour sa part, Guy Teissier a décidé d'agir "simultanément sur plusieurs leviers" : maîtriser les dépenses de fonctionnement, hiérarchiser les projets d'investissement et réduire le train de vie de l'institution. Si la décision modificative du budget n'interviendra qu'à l'orée de l'été - "ce budget n'est pas le mien, il aurait été impossible de le faire en trois semaines", il annonce d'emblée une augmentation des impôts en 2014 à hauteur de 2 points sur la taxe d'habitation et de 2 points sur la taxe foncière. Soit 34 M€ supplémentaires prélevés dès cette année sur les ménages des 18 communes de MPM.

Arbitrages contestés

Des arbitrages contestés par Vincent Coulomb, l'ex élu (PS) aux finances, qui est intervenu vendredi au cours du premier conseil communautaire de MPM pour "dire sa surprise face à la surprise" du nouveau président de découvrir le déficit structurel (problème de bases fiscales) de l'institution. "Tout ce que vous semblez découvrir aujourd'hui a été voté sans opposition. Attention aux postures qui consistent à exploiter cette situation à des fins politiques." L'élu a rappelé que l'encours de la dette est passé de 22 à 16 ans et que l'augmentation des dépenses du personnel répond à des logiques de transfert de charges pour gagner en autonomie et en qualité de service dans le fonctionnement.

Trancher entre les besoins des populations et la capacité d'investissement

Eugène Caselli a rappelé que "son" audit faisait déjà état de cette situation budgétaire et financière contrainte, tout en renvoyant la majorité à ses votes : "fallait-il renoncer à rénover le Vieux-Port, à participer à la reconstruction du Stade Vélodrome, aux transports ..." rappelant que certains de ces projets (tramway circulant rue de Rome) qui n'avaient pas forcément sa préférence, avaient été votés à l'unanimité ou à une très forte majorité durant la mandature précédente. "Notre problématique est celle de l'iniquité de notre collectivité. Du fait du manque de recettes lié à la pauvreté du territoire et des dépenses incompressibles, vous aurez en permanence à trancher entre les besoins des populations et notre capacité d'investissement." Les socialistes auraient sans doute préféré "faire appel un peu à la fiscalité des entreprises, qui baisse d'ailleurs mécaniquement de 7 M€ suite à une modification du mode de calcul au niveau national". La fiscalité sur les entreprises représente aujourd'hui 342,3 M€ (soit quasiment la moitié du produit fiscal total).


Orientations budgétaires

En anticipant sur les comptes administratifs futurs, le cabinet d'audit émet trois hypothèses : maintien des tendances actuelles en fonctionnement (+ 3,3 % en moyenne en dépenses hors intérêts de la dette, + 2,6 % en recettes), investissement de 300 M€ par an, avec l'emprunt comme seule variable d'ajustement; ou stabilisation de l'encours de dette par réduction des investissements ou enfin, reconstitution de l'épargne par des solutions draconiennes en fonctionnement. "Les deux premières simulations montrent que l'effort doit porter en priorité, et en urgence, sur la section de fonctionnement, pour éviter une dégradation prononcée de l'autofinancement. Ainsi, pour éviter que l'épargne nette (après remboursement de la dette) devienne négative dès 2014, une augmentation de la fiscalité apparaît difficilement évitable. Le maintien d'une stratégie d'investissement à 300 M€ par an, et la stabilisation de la dette, impliquent l'augmentation de la fiscalité, l'adaptation de la masse salariale, le freinage des dépenses de fonctionnement liées à la sous-traitance et aux DSP (transports, déchets ...). L'analyse montre qu'aucun de ces leviers ne peut être utilisé seul, car il faudrait par exemple augmenter la pression fiscale en moyenne de près de 50 % ...ou bien réduire la masse salariale de 10 % par an...ou bien réduire le coût de la sous-traitance et des DSP de près de 15 %."

Transformer ces orientations en politiques publiques ? Les 138 élus communautaires n'ont pas vraiment le choix.

Adeline Descamps

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