IT et recrutement : pourquoi ça coince ?

Postes non pourvus, candidatures que les entreprises recherchent désespérément, si le secteur du numérique va bien, il peine à recruter. Une problématique qui dure. Et la raison n'est pas forcément celle que l'on croit.

Le numérique va bien. Ce sont les différentes notes de conjoncture qui l'attestent, dont celle du Syntec numérique qui indique une croissance au niveau national de 12 % en 2016, de 30% sur les deux dernières années et de 14, 8 % sur cette même période en Provence-Alpes Côte d'Azur. De quoi mettre du baume au cœur des entreprises et des écosystèmes. Oui, mais... non.

Car si les projets se réalisent et les carnets de commande se remplissent, la pierre d'achoppement, celle qui fait faire grise mine c'est la difficulté à recruter. Une réalité et un vrai problème qui à tendance à durer.

Moins que plus

"Nous avons une création nette de 1 000 emplois par an à Sophia-Antipolis" annonce précisément Pascal Vignon, le co-président de Telecom Valley, le cluster en charge du numérique azuréen. Et de soumettre l'équation suivante : "200 ingénieurs sont formés ici chaque année, nous faisons donc face à un déficit de 800 emplois" ajoute celui qui est aussi le dirigeant d'Agiltech. "Sans compter que 50 % d'une promotion de Polytech part hors du département", précise Pascal Flamand, vice-président en charge de la stratégie. Autant dire que recruter relève davantage du parcours du combattant que d'un long fleuve tranquille et tout cela dans un contexte où les territoires - Sophia-Antipolis comme Aix-Marseille - veulent être reconnus comme la Silicon Valley de l'Europe et jouent sur la carte attractivité.

"Certaines entreprises n'arrivent même pas à trouver des stagiaires", rajoute Pascal Flamand qui le vit dans sa propre entreprise, Janua. Une situation qui n'étonne pas Samuel Masson. Le dirigeant du cabinet Omniciel, spécialisé dans le recrutement IT et basé à Marseille, atteste que "la sphère du digital à des besoins en recrutement croissants, malgré les écoles et les formations, c'est une constante que l'on voyait arriver". Organisateur du Forum MedinJob à la fois à Aix-en-Provence et à Marseille, il dit aussi que c'est là une façon d'échanger les bonnes pratiques. "Les besoins en compétences augmentent, mais comme l'offre n'y répond pas et ne suit pas la même courbe haussière, le marché devient pénurique".

Réponse adaptée

Si le constat est clairement fait, remédier au manque n'est pas aisé. A Sophia-Antipolis, Telecom Valley s'est emparé de la problématique à sa façon en organisant un IT Job Forum qui s'est tenu début octobre dans les locaux de Skema Business School. Et pour l'organiser, il a fallu sortir des sentiers battus. Et ne pas y aller seul. "Nous avons compris qu'il fallait le faire avec d'autres partenaires" explique Elisabeth Geofroy, responsable de la commission Emploi-Formation au sein du cluster. Ce sera la CCI Nice Côte d'Azur, Pôle Emploi, l'Apec et donc Skema. "Nous voulions toucher des candidats au plan national et européen. Et pas uniquement des développeurs. Nous avons réfléchi à un format double, en présentiel et en virtuel". L'initiative s'est largement fait dépasser par son succès. Car tout ce que le territoire compte de PME, grands groupes, startups, cabinets de recrutement a convergé vers Sophia-Antipolis. Si seules 22 entreprises - Air France, Bemore, LudoTIC, Supralog, et même le gouvernement monégasque - ont pu recruter sur place et rencontrer les 300 candidats présents, elles étaient bien plus nombreuses à vouloir y participer.

Soit bien le signe d'un manque qui se fait cruellement ressentir.

Racines du mal

Mais pourquoi un tel déficit ? "On ne forme pas suffisamment d'ingénieurs" souligne Olivier Cazzulo, le délégué régional PACA du Syntec numérique. "On a mis du temps à bousculer les programmes et à s'adapter aux marchés. On ne s'est pas assez rabattus sur les bacs +2 et +3 qui sont d'excellents profils. La prise de conscience est tardive au regard de la vague de déferlement". Sensibiliser les jeunes est une piste à explorer selon Samuel Masson. "Il faut encourager l'orientation de ceux qui sont en cours de choix vers cette filière" dit le dirigeant d'Omniciel. Surtout "arrêter d'envoyer les jeunes en médecine ou en psychologie", ajoute Pascal Vignon. Et encore insister sur la nécessité de féminiser le métier, un cheval de bataille du Syntec numérique. Quand on sait que le taux de féminisation des écoles d'ingénieurs est de 17 % en France et de 40 % dans les pays méditerranéens (Maroc, Algérie, Tunisie), de 50 % en Chine, on mesure le chemin à parcourir.

"Il existe un réel souci de vocation", reconnaît Pascal Vignon. "Les prépas ne sont pas pleines, il existe une désaffection pour les filières scientifiques et techniques". Et puis il faudrait en finir avec la volonté de "fabriquer une élite artificielle", poursuit le co-président de Telecom Valley. Car dans les filières présentées comme d'excellence, la stratégie d'enseignement n'est peut-être pas celle qui porte le plus ses fruits. "A trop dévaloriser les étudiants, ils n'ont plus envie d'y aller". Et puis, quid de "l'alternance, totalement oubliée des voies d'excellence", pointe Jean-François Carrasco, spécialiste du big data et du numérique à Sophia-Antipolis.

Attractif, vraiment ?

Quant à attirer les talents qui viennent d'ailleurs, encore faudrait-il être réellement séduisant. Et à tous les points de vue. Et c'est là que reviennent les deux plaies du territoire, les transports inadaptés et le logement, aux prix élevés. "En Ile-de-France, les salariés se déplacent grâce aux réseaux de transports proposés par les collectivités. Or dans notre région si l'on n'est pas véhiculé, on ne peut se déplacer de manière autonome. C'est donc une dépense supplémentaire à ajouter au budget familial. Cela pose la question de la rémunération, qui pèse dans les décisions de venir s'installer ici", insiste Olivier Cazzulo. Sans compter qu'un talent qui s'installe en PACA ne s'installe pas seul mais avec bagages et famille. "Sommes nous assez attractifs pour permettre à un conjoint de trouver lui aussi un nouvel emploi ?"

Pour Pascal Flamand, la problématique va aussi très rapidement être ailleurs : "l'industrie se numérise et va donc se battre aussi pour attirer les mêmes profils".

Pendant ce temps, l'IT Job Forum version virtuelle démarre ce 19 octobre via la plateforme 48h pour l'emploi de Pôle Emploi. Avec 30 entreprises et 200 offres d'emploi dans son escarcelle. A Marseille, le Forum MedinJob promet ce 19 octobre 500 CDI proposés par 70 entreprises. De quoi combler une partie du manque, mais une partie seulement...

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Commentaires 4
à écrit le 23/10/2017 à 15:49
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Donner des salaires décents voire corrects dans une profession où les marchands de viande sont encore légion!

à écrit le 18/10/2017 à 21:31
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Difficile de recruter des ingénieurs ? Commencez par remplacer les RH de vos entreprises Messieurs et profitez-en pour qu'ils changent leurs manières de recruter. Des ingénieurs, comme moi, qui ont un travail alimentaire depuis plus de 10 ans ne son...

à écrit le 18/10/2017 à 18:25
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Au 31 août 2017 en France, dans les métiers de l'informatique, il y avait 57980 demandeurs d'emploi de catégorie A (statistique la plus récente). Cf le chiffre de la dares http://statistiques.pole-emploi.org/stmt/defm?ff=A&fn=I1401,M1801,M1802,M18...

à écrit le 17/10/2017 à 22:17
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Désolé de faire de la pub pour un autre site, mais il faudrait voir à arrêter les fausses informations : il y a surtout un problème de sociétés informatiques cherchant un mouton à 5 pattes sans vouloir faire l'effort de formation nécessaire : http...

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