Jean-Luc Monteil – Medef PACA : "Les entrepreneurs ont besoin d’un moratoire fiscal"

En publiant un baromètre de la fiscalité locale, le syndicat patronal et son président veulent montrer comment le poids des taxes et autres impôts contraignent le développement des entreprises. Car c'est aussi une question de compétitivité à plus grande échelle.

Quel est le but de ce baromètre ? Signifier concrètement le poids de la fiscalité locale ? Les entrepreneurs en ont-ils conscience ?

L'objectif est double : tirer la sonnette d'alarme et engager un dialogue à la fois constructif et à bâtons rompus avec les pouvoirs publics ! Assise sur des bases différentes, émiettée entre différents échelons administratifs, embrumée dans un épais brouillard d'acronymes incompréhensibles pour le commun des mortels (CFE, CVAE, TASCOM, TEOM, etc.), la fiscalité économique locale est complexe voire opaque. Cette opacité fait que son impact réel et son poids demeurent quasiment inconnus du grand public comme des chefs d'entreprise eux-mêmes.

Pourtant, avec 37 milliards d'euros en 2014, la fiscalité locale supportée par les entreprises pèse plus que l'impôt sur les sociétés (35 milliards d'euros), si souvent pointé du doigt. Son incidence sur les créations d'emplois et sur le développement économique d'une manière générale n'est donc pas neutre - bien au contraire - et mérite que les entrepreneurs, qui sont les premiers concernés par ce matraquage fiscal, l'observent enfin à la loupe.

Le poids de cette fiscalité augmente plus vite que la croissance et l'inflation, avec quelles conséquences pour le développement des entreprises ?

En PACA, le montant de la fiscalité économique locale pèse plus que le budget du Conseil régional et représente 2,6 milliards d'euros (soit 2 142 € par salarié), en progression de 13,3 % entre 2011 et 2014, et ce alors que sur la même période la croissance dépassait péniblement 1,1 % et l'inflation plafonnait à 3,4 %. Si la contribution des entreprises au financement des services publics locaux est bien évidemment légitime et ne saurait souffrir d'aucune contestation possible chez les entrepreneurs, le poids de la fiscalité ainsi que les inégalités entre les territoires - beaucoup trop significatives pour être bien fondées - atteignent aujourd'hui un tel degré qu'elles n'ont pour autre résultat que d'entraver la reprise et obérer les créations d'emplois. Autrement dit, cette asphyxie fiscale, de plus en plus métastasée, nuit gravement à la santé économique régionale. Pour paraphraser la formule attribuée à Karl Marx, "il n'y a qu'une seule façon de tuer nos entreprises : des impôts, des impôts et toujours plus d'impôts".

Les départements subissent de manière inégale ce poids. Cela a-t-il une conséquente mesurable sur l'attractivité d'une part et sur le maintien des entreprises sur les différents territoires d'autre part ?

Incontestablement, le levier fiscal est un facteur majeur d'attractivité ou de non-attractivité territoriale. Le jeu de concurrence entre les territoires est, à cette aune, le reflet de l'importance de la fiscalité locale. Ce constat apparaît frappé au coin du bon sens. En revanche, comme le soulignait la Cour des Comptes dans un rapport publié sur le sujet en janvier 2014, la fiscalité ne fait pas tout. L'offre foncière, la qualité de la main d'œuvre ou encore les infrastructures sont autant de facteurs d'attractivité territoriale. Dit autrement, au-delà du gel fiscal, c'est une politique globale que les territoires doivent mener pour attirer des entreprises, des centres de R&D, des cadres, des chercheurs, des étudiants... Sur ces différents terrains, PACA n'est pas à la traîne mais nous ne sommes pas en pointe non plus !

Au-delà du constat, ce baromètre est aussi un outil. Comptez-vous vous appuyer sur lui pour dialoguer avec les élus ? Vont-ils ou sont-ils déjà sensibilisés à ces résultats ? Que faudrait-il pour que la fiscalité locale ne contraigne pas le développement des entreprises ?

Nous ne voulons ni renverser la table ni casser la vaisselle. La plupart des élus locaux sont exsangues face à la baisse drastique des dotations de l'État et les collectivités locales sont à la recherche permanente de financements. Nous le savons et le comprenons parfaitement. En revanche, attention : la réduction des dotations de l'État ne doit pas conduire à une augmentation à "bas bruit" de la fiscalité locale assujettie aux entreprises ni, par effet pendulaire, à une contraction des dépenses d'investissements. Or, malheureusement, la France est accro aux fonctionnaires. Avec 5,64 millions d'agents publics en 2015 (dans les trois fonctions publiques réunies), nous sommes champions d'Europe en la matière. À titre de comparaison, l'Allemagne n'en compte que 4,9 millions pour une population supérieure à la nôtre, contre 2,75 millions au Royaume-Uni ou encore 2,5 millions en Espagne. Et je ne crois pas que nos services publics soient plus compétitifs et plus efficaces que leurs homologues européens ! Grosso modo, il y a des dérives auxquelles il convient de mettre un terme : les impôts des entreprises ne peuvent continuer à supporter des gestions publiques parfois hasardeuses... Les collectivités locales ont dès lors un rôle crucial à jouer dans le retour à la croissance et l'emploi. Car désormais, toute hausse de la fiscalité entraine du chômage. Dans ce contexte, en plus de la lisibilité et de la stabilité, les entrepreneurs ont absolument besoin d'un moratoire fiscal !

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