Un cerveau virtuel pour décrypter l’épilepsie

Obtenir une médecine personnalisée du cerveau et une réponse thérapeutique plus adaptée à chaque patient : c’est la vocation du cerveau virtuel conçu par une équipe de chercheurs emmenée par Viktor Jirsa, directeur de l’Institut de Neurosciences des Systèmes sis à Marseille. Un projet international du nom de The Virtual Brain, qui devrait prochainement converger vers une commercialisation de ses solutions.

Cette innovation-là risque de révolutionner la prise en charge de nombre de pathologies neurologiques. En gestation depuis plus de 10 ans, elle a vu le jour à la faveur d'un projet développé dans le domaine des neurosciences à l'échelle internationale, du nom de TVB, pour The Virtual Brain. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : concevoir un cerveau virtuel de base, personnalisable ensuite en fonction des données propres à chaque patient, obtenues par le moyen d'IRM, d'électroencéphalographie (EEG) ou de magnétoencéphalographie (MEG). La vocation de ce projet ? Mieux décrypter ce qu'il se passe dans le cerveau du patient atteint de pathologie neurologique. Ce cerveau modélisable va de pair avec un simulateur de fonctionnement, consistant en des algorithmes mathématiques, qui introduisent des signaux dans une zone du cerveau afin d'observer quelles sont les impacts sur ce dernier. "Il s'agit d'une approche macroscopique, phénoménologique. L'important étant de considérer l'ensemble des neurones. Pour donner une image, lorsqu'il se produit un incident sur une autoroute, cela ne va pas seulement affecter la zone de l'incident, mais tout ou une grande partie du réseau autoroutier. Pour le cerveau, c'est exactement la même chose", illustre Viktor Jirsa, chef de file du projet TVB et directeur de recherche à l'institut de neurosciences des systèmes (INS, Aix-Marseille Université Inserm), sis à la faculté de médecine de Marseille.

Une meilleure prédictibilité

Un projet qui a fait intervenir, outre l'institut dirigé par Viktor Jirsa, le Centre de résonance magnétique biologique et médicale, le département épileptologie et le département neurophysiologie clinique de l'AP-HM, ainsi que l'Epilepsy Center de Cleveland. Les travaux de recherche ayant été réalisés au sein de la Fédération hospitalo-universitaire Epinext. Car c'est en effet sur l'épilepsie que s'est tout d'abord penchée l'équipe de recherche. La prégnance de cette pathologie se trouve en effet préoccupante : près d'un pour cent de la population mondiale en souffre. "En France, cela représente quelque 700 000 patients", ajoute le Professeur Fabrice Bartoloméi, chef de service Neurophysiologie Clinique et Epileptologie, avançant par ailleurs le taux de 30 % de patients épileptiques ne répondant pas aux médicaments. Le cerveau virtuel permettrait une avancée notable dans la prise en charge des malades, de par son caractère non invasif... A savoir que pour mesurer l'activité électrique dans les zones suspectées épileptogènes, on s'en tient encore aujourd'hui à l'implantation d'électrodes dans le cerveau. "Ce qui a ses limites, puisque l'on ne peut en mettre partout". Par ailleurs, la chirurgie, lorsqu'elle s'impose, "s'ensuit parfois d'un certain nombre d'échecs difficiles à prévoir. Ce peut être dû au fait que la zone suspectée d'épilepsie a été mal estimée, mal explorée, que le volume à enlever a été sous-estimé aussi", poursuit le professeur. D'où l'intérêt du cerveau virtuel : les algorithmes mathématiques vont simuler une crise dans le cerveau du patient, et permettre de regarder comment elle se propage chez lui, dans la mesure où la trajectoire de la crise simulée sera liée à ses propres schémas de connectivité. "A terme, cela vise à obtenir une plus grande prédictibilité en termes de chirurgie", conclut le professeur.

Bientôt une start-up

Les chercheurs ont d'ores et déjà mis en ligne pour la communauté scientifique une plateforme de modélisation  leur permettant d'utiliser ce cerveau virtuel. Le fruit de plus de 10 de travaux (réalisés par un collectif de chercheurs, mais aussi par des partenaires privés, à l'instar de la société allemande Code Box, qui s'est chargée de l'encodage) soutenues de façon notable par diverses entités, dont la James Mc Donnell Foundation, qui a mis par deux fois de l'argent sur la table (8 millions de dollars, puis 6), "ce qui n'arrive en principe jamais", avance Viktor Jirsa. L'Agence Nationale de la Recherche (ANR) a de son côté financé elle aussi le projet, à hauteur de 630 K€. "Nous avons travaillé ensemble, chercheurs et industriels. Nous avons déposé trois brevets. Nous oeuvrons à présent à commercialiser notre solution, via la création d'une start-up". Car si la plateforme est téléchargeable gratuitement sur le net, l'équipe de Viktor Jirsa projette de proposer aux cliniques des fonctionnalités payantes, associées au cerveau virtuel pour chaque pathologie neurologique. En effet l'équipe, loin de s'en tenir à l'épilepsie, ouvrent d'ores et déjà le champ à de futures applications. En première ligne desquelles, l'AVC, Alzheimer, les maladies neuro-dégénératives ou la sclérose en plaques. "Nous avons aussi lancé l'idée de fonctionner selon une logique de service, et de réaliser nous-mêmes les prestations au sein de la future start-up. Le modèle économique est encore à l'étude". Pour créer cette entreprise, l'équipe de Viktor Jirsa cherche dès aujourd'hui à lever des fonds. Ce notamment en candidatant auprès du programme européen H2020 (Horizon 2020). "Nous venons de recevoir une première enveloppe de l'ANR, qui va nous permettre de constituer un consortium afin de répondre à cet appel d'offres, d'ici mars 2017".

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