"La smart city est un formidable outil de transformation du réel" Christian Estrosi

Depuis dix ans, Nice Côte d’Azur se veut intelligente et durable. Une sorte de mantra devenu une philosophie économico-politique. Entretien avec le précurseur et l'architecte de ce mouvement, Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côte d’Azur et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, premier adjoint au maire de Nice.
"À Nice, nous avons donc décidé d'épouser cette révolution numérique et de réussir ce pari d'une ville nouvelle qui réponde aux impératifs économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Et cela porte un nom : la smart city", explique Christian Estrosi, président de la métropole Nice Côte d’Azur et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

LA TRIBUNE - Il y a presque dix ans vous décidiez de faire de Nice un territoire "intelligent et durable". Comment cette orientation - très stratégique aujourd'hui, mais à l'avant-garde à l'époque - s'est-elle construite ?

CHRISTIAN ESTROSI - Précurseur, je crois en effet l'avoir été. Mais je n'ai pas eu une illumination subite. Cela a été le résultat d'une maturation, d'une réflexion approfondie sur l'avenir de cette terre qui est la mienne, sur le devenir des femmes et des hommes de ce territoire en ce XXIe siècle. Les faits m'ont donné raison. La smart city n'a pas tardé à se révéler un extraordinaire outil de transformation du réel, de gestion, de développement de nos territoires et de création d'emplois. Les innovations qui en découlent assurent notre essor et sont en même temps un moyen de mieux préserver les ressources et l'environnement de notre Métropole. Aujourd'hui, l'échelle régionale me permet de bâtir une chaîne de valeur inégalée pour assurer le développement de filières d'excellence portées par nos douze opérations d'intérêt régional (OIR). La Région est une formidable opportunité pour ­rassembler les compétences et les énergies des territoires qui la composent et dont les différences sont une richesse jusqu'alors mal exploitée. C'est ainsi que nous bâtissons la première smart région.

La smart city est une notion aujourd'hui connue, et présente dans tous les discours. Comment la définissez-vous ?

Nous sommes entrés dans un cycle de croissance et d'innovation sans doute unique dans l'Histoire. Mon devoir de responsable politique, c'est de mettre ces nouvelles ressources technologiques au service du territoire afin d'offrir à nos concitoyens une qualité de vie supérieure. À Nice, nous avons donc décidé d'épouser cette révolution numérique et de réussir ce pari d'une ville nouvelle qui réponde aux impératifs économiques, sociaux et environnementaux de notre temps. Et cela porte un nom : la smart city. De cette ville intelligente, je retiens deux traits fondamentaux : premièrement, elle va permettre d'assurer et d'accélérer la transition écologique, nous allons progressivement entrer dans l'ère du postcarbone. Deuxièmement, de nouveaux usages vont faciliter la vie quotidienne, notamment les déplacements urbains. C'est dans ce but que nous avons fait une priorité du monitoring urbain environnemental.

Nice Côte d'Azur, comme smart city, est-elle suffisamment reconnue en tant
que telle ? Le tourisme ne reste-t-il pas le premier vecteur d'attractivité ?

Il ne fait pas de doute que nous sommes perçus comme un territoire d'innovation de première grandeur. Sinon, les entreprises mondiales ne viendraient pas investir chez nous comme elles le font. Et le congrès Innovative City, qui se tient chaque année dans nos murs, n'aurait pas le même retentissement. Le classement mondial « Juniper Research », en février 2015, nous a placés à la quatrième place des smart cities. Pour amplifier encore le travail engagé collectivement, la Métropole Nice Côte d'Azur est par ailleurs candidate au prix de la « Capitale européenne de l'innovation 2017 ». Tout cela n'empêche pas que nous soyons toujours reconnus comme l'une des villes les plus attractives au monde pour la beauté de ses paysages, la splendeur de ses monuments, l'exceptionnelle diversité de son offre culturelle. Le tourisme demeurera l'une de nos principales richesses et, dans ce domaine aussi, l'innovation a tout son rôle à jouer.

Où en est aujourd'hui Nice Côte d'Azur, ville intelligente et durable ?

Cette ville intelligente et durable avance à grand pas. Il y a quelques mois, nous avons franchi une étape importante en achevant l'implantation de 3 .000 capteurs dans l'Éco-Vallée. Il s'agit là de l'un des plus vastes déploiements de capteurs numériques en Europe. Nous allons pouvoir mesurer en temps réel et gérer dans l'instant avec le maximum d'efficacité le trafic routier, l'éclairage public, la qualité de l'air, le bruit, l'arrosage des espaces verts, le rendement du réseau d'eau, jusqu'au remplissage des bacs à déchets... Sur les 10. 000 hectares de notre opération d'intérêt national (OIN), la nouvelle Nice se développe à vive allure. À l'horizon 2020, le quartier d'affaires du Grand Arénas va accueillir un pôle d'échanges multimodal qui sera l'un des plus grands d'Europe. Il y a quelques semaines, au Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim), nous avons ­présenté de nouvelles opérations immobilières toutes astreintes à un strict cahier des charges en matière de performance environnementale. Et je veux souligner que nous sommes devenus l'une des vitrines européennes des réseaux électriques intelligents.

On sait qu'une smart city réussie passe par l'engagement des citoyens. Que faut-il faire pour les intéresser ? Même ceux pour lesquels cela reste encore un concept "flou".

La Métropole est devenue le chef d'orchestre d'une innovation territoriale dont les citoyens sont bénéficiaires, mais aussi parties prenantes. C'est dans ce contexte que la Métropole Nice Côte d'Azur est candidate au prix européen « iCapital 2017 ». Ce prix récompense une ville prête à se proposer comme territoire d'expérimentation avec pour objectif la coordination et la mise en place d'initiatives innovantes axées vers les citoyens. Dans le cadre de sa candidature, la Métropole a organisé le colloque « Les citoyens dans la ville intelligente » le 2 mars dernier à Nice, qui a permis de renforcer la démarche initiée par la Métropole de développer un modèle collaboratif fondé sur l'implication des citoyens dans la politique d'innovation sur le territoire. Volonté traduite par le lancement en novembre 2016 de l'expérimentation « Civocracy », plateforme numérique de démocratie participative innovante, visant à rapprocher les citoyens de l'action publique.

La CDC a défini Nice comme l'un des huit territoires démonstrateurs de la ville intelligente. Concrètement, cela se traduit de quelle façon ?

Le Groupe Caisse des dépôts (CDC) a constaté que de nombreux projets d'expérimentation portés par des collectivités ne se concrétisaient pas par un déploiement opérationnel, et donc par la possibilité de les répliquer sur d'autres territoires. Notre choix de faire de la Métropole Nice Côte d'Azur un lieu d'expérimentation grandeur nature de l'innovation, ce qu'on appelle familièrement un « laboratoire vivant » ou « living lab », a conduit la CDC à retenir notre territoire pour des projets portant des défis économiques, juridiques, réglementaires. Ainsi, dix projets ont été retenus, dont quatre sont dès à présent à l'étude, avec un cofinancement de la CDC et de ses partenaires industriels.

Autre problématique, celle de la sécurité et de la sûreté. On l'a vu, c'est un enjeu essentiel, notamment au regard des objets connectés. Comment doit-on conjuguer innovation et sécurité, ne pas faire en sorte de brider la première au nom de la seconde ?

On ne peut concevoir de smart city, d'Internet des objets ou de numérisation de la société sans sécurité. La protection des données de la smart city et des données personnelles des citoyens et, par là-même de leur vie privée, n'est pas négociable. Les capteurs et les actionneurs de la ville intelligente, et les objets connectés en général, doivent donc être conçus dès le départ avec un objectif de sécurité. C'est ce qu'on appelle la sécurité par défaut. Heureusement, les concepteurs d'objets connectés ne sont pas seuls devant leur page blanche : ils peuvent bénéficier de la grande expérience des informaticiens dans le domaine de la sécurité pour les aider à concevoir des systèmes à la fois sûrs, simples, peu chers, peu gourmands en énergie et rapides à déployer. Quant au time to market, bien qu'il soit essentiel à une startup innovante pour mettre sur le marché un nouvel équipement, il doit être le plus court possible, mais pas au détriment de la sécurité de cet équipement et des données qu'il manipule. Même si, bien sûr, la sécurité à 100 % n'existe pas.

Faire en sorte de réunir grandes entreprises, PME, startups, chercheurs... c'est cela, la chaîne de l'innovation parfaite ?

En tout cas, c'est la clé du succès ! Nous faisons appel aux géants de la nouvelle économie, aux plus grands architectes, aux startups que nous encourageons et hébergeons dans plusieurs structures. Pour que cela porte ses fruits, il faut une recherche dynamique, une université conquérante. Nous avons la chance de les avoir sur notre territoire métropolitain. C'est essentiel, puisque la nouvelle économie repose sur la connaissance. Le Smart City Innovation Center ouvert à Nice Méridia est une plateforme collaborative unique en France. Les acteurs de la ville intelligente peuvent mettre ici en commun leurs données et leur savoir, multipliant ainsi les possibilités d'expérimentation de nouveaux usages et de nouveaux services. Ce n'est pas un hasard si ce centre est installé au sein de l'Institut méditerranéen du risque, de l'environnement et du développement durable (Imredd). Cet organisme est la première pierre du futur Éco-Campus spécialisé dans les technologies vertes.

Quels sont les prochains défis de la métropole comme smart city ? Comment conserver l'avance prise il y a dix ans ?

Nos prochains défis seront avant tout d'ordres territorial et sociétal : nous devons faire de l'innovation un outil d'équité territoriale, sociale et générationnelle en répondant précisément aux attentes, tant des citadins qu'à celles des habitants de nos moyen et haut pays, et éviter tout risque de fracture numérique. La clé du succès de notre démarche réside dans l'intégration du citoyen dans le processus d'innovation, à la fois comme concepteur mais aussi acteur de sa ville. Nous resterons aux premiers rangs en faisant de la Métropole une smart city collaborative où chacun - citoyen, entrepreneur, chercheur - a sa place et joue un rôle actif.

Comment imaginez-vous Nice Côte d'Azur à l'horizon 2030 ?

En 2030, l'Éco-Vallée est devenue l'une des principales pourvoyeuses d'emplois et de richesses dans notre Région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les écoquartiers de la plaine du Var sont cités en exemple. Les nouvelles lignes du tram, l'essor des déplacements doux, les progrès décisifs engendrés par le monitoring urbain environnemental et plus généralement les nouvelles technologies, ont permis de supprimer nombre de nuisances urbaines. La Promenade du Paillon a déroulé son fleuve vert plus en amont, pour la joie des citadins et le bonheur des oiseaux. En 2030, Nice est redevenue la ville-jardin qu'elle a été, en même temps qu'elle est célébrée pour ses innovations. En 2030, nous serons la capitale verte de la Méditerranée.

Propos recueillis par Laurence Bottero

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ENCADRE

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Nice Côte d'Azur, capitale de l'innovation ?

En déposant sa candidature pour être labellisée "iCapital", la Métropole veut faire reconnaître sa politique en la matière et consacrer sa stratégie, notamment de smart city. Parce que c'est toujours une question d'attractivité renforcée. Les critères d'obtention (le résultat sera connu fin juin) semblent dire que oui. D'autant que le label 2017 ira à la ville capable de se livrer à l'expérimentation, avec comme objectif de déployer des initiatives tournées vers les citoyens. Nice Côte d'Azur a déjà des succès à montrer, ceux issus de Nice Grid ou du monitoring urbain environnemental. Mais il lui faut aussi démontrer que toute la politique menée a non seulement engendré un retour sur investissement, en termes de données et d'efficacité opérationnelle, mais qu'elle a également généré un effet de levier. Des conséquences inattendues et porteuses d'efficacité. Une sorte de cercle vertueux, en somme.

Quel enjeu ?

Être labellisée capitale européenne de l'innovation, c'est bien,  mais pour quoi ? La reconnaissance à un niveau européen n'est jamais négligeable, surtout que sur ce périmètre la concurrence est large. Sans oublier les dotations financières : 1 million d'euros consacrés au financement de projets d'innovation. Soit, permettre de continuer ce qui a été engagé, voire de développer d'autres segments de la ville intelligente. Quoi qu'il en soit, c'est bon pour le moral, l'image, l'attractivité, les entreprises... On ne doute pas que c'est toujours mieux pour alimenter les discours de marketing territorial. Une sorte d'oscar de l'innovation. Comme pour les acteurs, cela fait grimper la cote. Sauf que là, c'est tout sauf du cinéma. L.B.

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Commentaires 2
à écrit le 25/04/2017 à 9:51
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Nice pas si smart que ça ,1 ere ville criminelle ,insecurité dans tous les quartiers ,immigration incontrolée en provenance de l italie ,ville trés endettée ,impots foncier indecent,taxe d habitation elevée ,ect ect ...,1ere ville fournisseuse de dj...

à écrit le 24/04/2017 à 22:35
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Visiblement retourner sa veste permet aussi de transformer le réel...ou d'y faire croire, en tous cas.

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