thecamp : une « singularity university » à l'européenne ?

Projet alternatif et disruptif d’université du futur, que peut-on attendre de ce tiers-lieu à la fois public et privé, porté par l'entrepreneur Frédéric Chevalier ? Quelle est sa philosophie ? C'est aussi le thème des Rencontres du Forum Smart City Marseille Méditerranée qui se tiennent le 27 avril à Aix-en-Provence.

LA TRIBUNE - Comment s'est forgée l'idée de thecamp ?


Frédéric Chevalier - Cette idée, je la porte depuis longtemps. Elle est née lorsque, à 19 ans, j'ai visité les campus américains. J'ai gardé de ce passage un souvenir ému, parce que j'y ai ressenti une énergie créatrice incroyable ! Et de manière très forte, la puissance de cette dimension transdiciplinaire, culturelle, sectorielle, générationnelle, qui manque tant en France - et plus particulièrement aujourd'hui -, où chacun évolue encore en silo et où les campus ne sont pas des lieux de vie. Cette émotion intense m'a toujours habité. C'était la graine.

Puis, il y a un peu plus de trois ans, j'ai ressenti, comme un caractère d'urgence, des sentiments puissants d'inquiétude, de pessimisme, mais aussi d'excitation et d'optimisme ! J'ai essayé de comprendre. De ce travail d'analyse personnel, j'ai tiré plusieurs conclusions. Le monde n'est plus dans une croissance linéaire et prévisible. Le monde est devenu complexe ! Nous faisons face à l'émergence de technologies qui, seules ou dans le cadre de convergences, disruptent tous nos modèles. Certaines de ces technologies sont entrées dans une phase exponentielle, ce qui veut dire que le progrès va plus vite que notre pensée elle-même. Ces technologies émergentes ont la capacité, dans un temps très court, de changer l'avenir de l'humanité, pour le meilleur ou pour le pire... Nos élites ou leaders des secteurs privé et public, et ce quelles que soient leurs qualités, ne sont, pour la plupart, pas en mesure de gérer ces ruptures et transformations, sur- tout quand on intègre la brutalité de celles-ci eu égard à la vitesse des changements !

Les lieux installés, légitimes pour suivre ces sujets-là, ne sont pas, pour la plupart et pour de multiples raisons, en mesure d'accompagner nos leaders ou futurs leaders. C'est dans ce contexte que j'ai décidé de créer thecamp. Il s'agit d'un lieu alternatif, un tiers-lieu privé et public, imaginé pour faire face à de nouvelles exigences, à la transformation et l'accélération du monde, et pour accompagner les élites et les futures élites dans cette période où les enjeux sont si importants. Il existe un réel décalage entre la réalité du monde, telle qu'elle se dessine, et la capacité de nos élites à relever les défis qui s'annoncent. Dans le privé comme le public.

thecamp sera opérationnel à l'automne. Comment va-t-il fonctionner ?


Il s'agit d'un écosystème ouvert totalement nouveau, un laboratoire d'intelligence collective. Un tiers-lieu unissant privé et public, à savoir grands groupes, startups, PME, ETI, collectivités, institutions publiques, associations, ONG... tous ceux qui participent à changer le monde ! Le monde ne doit pas être l'entre-soi de quelques leaders. thecamp sera un lieu d'inspiration, de formation, d'innovation, d'expérimentation et d'accélération.

Cet écosystème innovant doit permettre de répondre aux enjeux de rupture et de transformations necessaires de nos leaders et de leurs organisations, leur permettre de penser le monde autrement. D'innover autrement et avec d'autres, en sortant de leur entreprise. Nous sommes passés d'une innovation égocentrique à une innovation écocentrique. La concurrence, les dangers, ne sont plus identifiables comme avant. Les innovations, les partenariats, les associations de demain seront improbables. Cet écosystème doit leur permettre d'étudier et la complexité du monde qui vient. L'éco- système et les programmes que nous construisons au sein de thecamp intègrent pleinement ces deux dimensions.

thecamp développe un modèle que certains comparent à la Singularity University.
Sauf que thecamp, ce n'est pas tout à fait cela...

Oui, il y a des résonances entre thecamp et la Singularity University. Sur la mission d'abord ! Les deux entités veulent avoir une influence positive sur le monde. Elles veulent accompagner les entreprises et les institutions soucieuses de leurs impacts social et environnemental. Nous pensons, comme eux, que les technologies exponentielles vont changer le monde, qu'on le veuille ou non. La Singularity University a été visionnaire sur le sujet, puisque leur initiative date de 2009. Il est urgent de mieux comprendre ces technologies émergentes ou exponentielles, de les domestiquer. Nous partageons également l'idée qu'accompagner la transformation du monde passe par de nouveaux écosystèmes, de nouveaux lieux - iconiques ou totémiques -, une nouvelle approche de la formation, de l'innovation. Mais aussi par la création de nouvelles communautés, le développement de la philanthropie...

Pour les différences, la Singularity University, installée au cœur de la Silicon Valley, a, de façon logique, une approche culturelle très pragmatique par rapport aux nouvelles technologies. La technologie, ce n'est ni bien ni mal en soi. C'est ce que l'on en fait qui est bien ou mal. J'avoue partager ce pragmatisme.

Mais en Europe, l'approche est souvent et culturellement plus réflexive. thecamp sera également assez pragmatique malgré tout, mais assumera sa culture européenne en travaillant concrètement sur ces grandes questions philosophiques et éthiques autour de l'utilisation de certaines technologies. Certaines peuvent faire basculer le concept même de l'humain tel qu'on le définit aujourd'hui ! Parlons-en ! Définissons des règles, des limites... Le statut privé-public de thecamp facilitera ce dialogue nécessaire. Pour nous, la technologie doit être un moyen au service de l'humain et de la planète, pas une finalité ! Pas d'enthousiasme débordant donc à l'idée de coloniser Mars ! Chez nous, à thecamp, la priorité, c'est la Terre. Et par ailleurs les ruptures à venir ne sont pas que technologiques ! À thecamp nous étudieront toutes les formes de ruptures qui sont de nature à changer le monde ! Nous allons investir en particulier tout ce qui est nature à rendre le monde plus humain et durable !

Avoir choisi la Provence comme lieu d'implantation fait également partie
du concept de thecamp...


Oui, c'est un vrai choix ! Car thecamp est un lieu de destination. Par destination j'entends un endroit privilégié ou l'on pense le monde, l'avenir, on travaille les ruptures, on innove et on expérimente... J'ai considéré que la Provence était l'une des déstinations les plus attractives au monde. Et elle l'est ! Elle participera, avec l'architecture, dans cet écosystème totalement disruptif que nous construisons, à l'expérience extraordinaire qui sera vécue à thecamp !

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Les Rencontres du Forum Smart City Marseille Méditerranée se tiennent ce jeudi 27 avril à Aix-en-Provence à la brasserie Les 2 Garçons à partir de 8h30. Les Rencontres sont organisées par La Tribune, la Ville de Marseille et la Métropole Aix-Marseille Provence.

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