L'EdTech, une filière pour se démarquer ?

Dans le grand chapitre du numérique, le sujet de l'éducation est peut-être tout nouveau pour le territoire, mais il est porteur d'une ambition : devenir le premier « cluster français ». Ça tombe bien, c'est aussi l'un des réseaux thématiques accordés à la French Tech Côte d'Azur.
« Notre réflexion s'est faite à partir de ce questionnement : quel sera le futur du territoire ? L'EdTech est un marché neuf, qui va exploser », estime Fabrice Moizan, rappelant que la formation en ligne représente 260 milliards de dollars en 2016 dans le monde, dont 1 milliard d'euros en France.

Si l'on considère que la smart city est une ville qui doit s'adresser au citoyen, on conviendra que la formation enrichie d'une bonne couche de numérique correspond bien à cette préoccupation de faire une cité adaptable aux besoins. Si ce n'est pas tout à fait de cette réflexion qu'est né le cluster EducAzur, il n'en reste pas moins que le résultat - ou plutôt l'objectif - est le même : prendre la place de numéro un de l'EdTech hexagonal.

Tout commence en 2013 lorsque Fabrice Moizan, venu diriger la division de Nvidia à Sophia-Antipolis, participe à Educloud06, un jeu éducatif 3D dédié aux élèves de sixième, né après qu'un groupe d'experts s'est uni pour mettre au point ce serious game plongeant dans l'histoire d'Antipolis (l'Antibes d'autrefois) permettant d'acquérir des connaissances en histoire de l'art, en art plastique, en lettres, en histoire-géographie et en technologie, le professeur pouvant le paramétrer en fonction des objectifs pédagogiques.

Alignement des planètes

Cette première expérience va pousser Fabrice Moizan à étudier d'un peu plus près un marché alors débutant mais apparemment prometteur, qui « émergeait aux États-Unis. Avec la personnalisation et l'intelligence artificielle, c'est un marché en pleine expansion ». Et la chance du territoire, c'est aussi d'avoir à domicile tout un panel de compétences.

« Ici, nous avons tout ce qu'il faut et de quoi faire un cluster qui comprend l'ensemble des acteurs, des industriels aux startups », note celui qui dirige désormais une jeune pousse spécialisée... dans ce secteur, Gayatech.

Il y a un an, en mars 2016, EducAzur est officiellement porté sur les fonts baptismaux. Il faut dire qu'entre-temps, il y a eu l'obtention du label Idex UCA Jedi par l'Université Nice Côte d'Azur. Le mouvement French Tech, lui, est en marche. C'est ce que l'on appelle un alignement des planètes. Le bon moment donc pour lancer un cluster réunissant entreprises, startups, université et aussi l'INRIA, dont le directeur du site Sophia-Antipolis-Méditerranée est également le directeur du programme d'éducation de l'université Côte d'Azur Jedi... Une boucle bouclée...

« C'est le moment de répondre à des enjeux fondamentaux de l'éducation de l'avenir, notamment la souveraineté de la maîtrise des contenus, la création et le développement des outils numériques. EducAzur a les moyens de ses ambitions pour dégager des synergies entre l'e-éducation et les EdTechs », dit alors Gérard Giraudon.

Douze mois plus tard, le cluster réunit 21 membres : des startups - Gayatech, Qwant, Tech on mars -, des entreprises - Atos, Crossknowledge - des organismes de recherche, l'université Côte d'Azur...

« L'objectif final, c'est d'avoir demain un collectif d'expérimentation, de l'université à l'entreprise. Et ce terrain d'expérimentation a déjà sept projets collaboratifs dans le 'pipe' », précise Fabrice Moizan.

GAFA vs startup ("L'EdTech est un marché neuf, qui va exploser ")

Si l'ambition affichée est d'être le premier cluster français dédié aux EdTechs, elle demande aussi à s'ouvrir, à l'international évidemment, pour comprendre ce qui se fait ailleurs afin d'être le plus pertinent possible. C'est à cela que doit notamment servir le rapprochement avec le cluster EdTech de Boston aux États-Unis, bien plus structuré, puisqu'il ne réunit pas moins de 300 startups, ou encore celui de l'Université de Laval, à Québec.

Tout cela doit nourrir le projet de création d'un master EdTech, opérationnel pour la rentrée 2018. Mais pourquoi s'être emparé d'un sujet quand bien d'autres secteurs sont identifiés ?

« Notre réflexion s'est faite à partir de ce questionnement : quel sera le futur du territoire ? L'EdTech est un marché neuf, qui va exploser », estime Fabrice Moizan, rappelant que la formation en ligne représente 260 milliards de dollars en 2016 dans le monde, dont 1 milliard d'euros en France.

« Comment peut-on participer à cet engouement ? Car la véritable problématique est bien plus large. Si nous ne faisons rien, ce sont les Gafa qui enseigneront à nos enfants », prévient le dirigeant de Gayatech.

Google déjà lancé dans la course

On sait en effet que Google, via Google Ventures, a investi dans Duolingo, spécialisée dans l'apprentissage des langues, ou que l'Américaine AltSchool a levé 100 millions de dollars auprès, entre autres, de Silicon Valley Community Fondation d'un certain... Mark Zuckerberg. Pour Jean-Baptiste Piacentino, directeur général adjoint de Qwant et chargé de Qwant Junior, le moteur de recherche destiné aux enfants, il faut profiter de l'environnement propice qu'offre la Côte d'Azur.

« Nous nous appuyons sur les compétences de l'écosystème. Cela nous permet également d'anticiper les tendances. Il n'y a vraisemblablement pas de géant de l'EdTech en Europe, mais plutôt des petites structures », poursuit Jean-Baptiste Piacentino.

Savoir anticiper

C'est la volonté de travailler sur l'école de l'avenir qui a ainsi poussé Atos à s'engager dans EducAzur. D'autant que l'entreprise que dirige Thierry Breton gère l'ensemble des ENT pour les lycées de Provence-Alpes-Côte d'Azur. « Plutôt que de partir d'un produit sur l'étagère, nous préférons partir d'un besoin exprimé », dit Jacky Cinquin, directeur de projet. Et l'intérêt est de savoir, encore une fois, anticiper :

« Nous essayons de préfigurer ce que sera l'enseignement. La réalité augmentée et la réalité virtuelle permettent par exemple aux élèves, via des lunettes, de "vivre" la géographie ou l'anatomie. »

Avec ses startups innovantes, EducAzur représente un intérêt certain pour Atos : « Notre volonté est d'être un intégrateur de briques technologiques clés en main ». Et la région « est reconnue comme un catalyseur d'idées innovantes ». Tout pour être le premier de la classe. D'autant plus que Fabrice Moizan l'assure : « Les entreprises qui feront l'éducation de demain, ce sont les startups ».

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ENCADRE

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Ces startup de l'EdTech

  • Gayatech se veut... Incollables

La startup basée à Sophia-Antipolis oriente son business-modèle depuis l'arrivée de Fabrice Moizan aux commandes. D'abord positionnée comme produisant des jeux vidéo 3D pour les écoles, la jeune pousse est aujourd'hui une plateforme capable de générer des quizz automatiques et des jeux, avec un plus pas anodin, celui d'intégrer le moteur de recherche Qwant Junior. « Le quizz est le mode privilégié utilisé pour évaluer les compétences acquises ». Le développement d'un jeu 3D basé sur les célèbres Incollables de PlayBac a été un POC grandeur nature pour celle qui intègre Web sémantique et intelligence artificielle, ce qui permet un jeu personnalisé, capable de réagir en fonction des réponses données. L'autre segment que Gayatech observe est celui de la formation professionnelle. « Des partenariats stratégiques sont signés en ce moment », dit Fabrice Moizan. Gayatech emploie huit personnes, dont sept en R&D.

  • Teach On Mars s'impose sur le marché du « mobile warning »

L'éditeur de logiciels, installé à Sophia-Antipolis, s'est imposé en quatre ans dans le secteur de la formation via mobile. Pour son premier client, Psychologie Magazine, elle crée l'application Zéro Stress. Puis enchaîne les contrats, toujours en B to B pour Clarins, L'Oréal Luxe, Saint-Gobain, Vinci ou encore Bouygues Telecom.

« Nous formons des top managers, des commerciaux... », explique le PDG Vincent Desnot.

« Le contenu des formations est produit par nos clients, ou les partenaires de nos clients, auxquels nous apprenons à faire du contenu adapté. Nous avons pris de l'avance mais il nous faut continuer à développer le volet commercial et la R&D (qui réunit dix personnes, Ndlr) ».

Une impulsion que la levée de fonds en cours de finalisation, pour un montant de 2,20 M€, va permettre. Car l'ambition de la startup sophipolitaine est d'étendre son modèle à l'Europe, même si au travers de ses clients elle y est, bien sûr, déjà présente.

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