Philippe Stéfanini, directeur de Provence Promotion : ? Il y a eu, en 2013, 63 projets portés par des investisseurs étrangers ?

Bilan des investissements étrangers dans les Bouches-du-Rhône, candidature de la French Tech, ratage du dossier Hexcel, concurrentes territoriales de Marseille ... Entretien avec Philippe Stefanini, directeur de Provence Promotion, l'agence chargée d'accompagner les porteurs de projets français ou étrangères dans leur démarche d?investissement dans les Bouches-du-Rhône.

Selon les données publiées fin janvier par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), les investissements directs étrangers (IDE) en France ont chuté de 77 % en 2013, pour tomber à 4,1 Md€. Quelle lecture faites-vous de ce bilan ?

Philippe Stefanini : Les données de la CNUCED sont importantes pour analyser les flux de capitaux mais il s'agit d'opérations financières, telles que les fusions et acquisitions, les flux financiers intra-groupes, les prises de participation, les alliances et les investissements purement financiers. Elle ne reflétent qu'une partie des mouvements des actifs français. C'est pourquoi, les agences de promotion de l'investissement étranger, telle que l'Agence française pour les investissements internationaux (Afii), concentrent leurs bilans sur les projets d'investissement physique permettant de créer ou de sauvegarder de l'emploi. Le bilan de 2013 sera connu en mars* mais les données sont quasi-stables. On a globalement chaque année de l'ordre de 600 entreprises étrangères qui ouvrent des établissements ou investissent dans des extensions en France. Cela m'étonnerait qu'il en soit radicalement différent cette année. En tout cas, dans les Bouches-du-Rhône, en 2012, nous avions une cinquantaine d'investissements pour un peu plus de 1 000 emplois. En 2013, il y a eu 63 projets aboutis générant 2 092 emplois. Et pour la deuxième année consécutive, les entreprises étrangères ont contribué à la moitié, là où habituellement, elles faisaient un tiers. Elles n'ont pas boudé le département et c'est bon signe pour le reste de la France.


Comment expliquer l'attractivité visiblement plus forte des Bouches-du-Rhône auprès des entreprises étrangères ?
P.S. :
35 % des 63 projets aboutis l'ont été dans les TIC et 20 % dans l'aéronautique. Deux secteurs pour lesquels on a un projet structurant, l'un autour du pôle de compétitivité SCS, l'autre autour du Technoparc des Florides à Marignane avec le projet Henri Fabre.
L'entreprise ne raisonne pas par entité géographique mais cherche un écosystème dans lequel elle va s'insérer. Nos résultats montrent que nous avons une offre à maturité dans un certain nombre de secteurs. On a par exemple attiré en 2013 Archo Solutions, une société brésilienne d'ingénierie aéronautique, qui a ouvert sa première antenne européenne sur le Technoparc des Florides à Marignane, pour participer à la dynamique du projet Henri Fabre. Dans notre feuille de route des trois prochaines années, une de nos priorités sera précisément de mieux coupler la prospection avec l'offre du territoire et notamment en fonction des grands projets emblématiques du département en faisant le plus possible remonter vers les aménageurs, les collectivités, les pôles de compétititivé ... les attentes notifiées  par les prospects extérieurs de manière à adapter en permanence notre offre. L'agence pourra ainsi suivre pas à pas pour capter au bon moment leurs projets d'investissement.

Les facteurs, qui président aux décisions d'implantation, sont-ils toujours les mêmes en dépit de la conjoncture ?
P.S. : Les décideurs classent, en tête de leurs critères de choix d'un territoire, la réactivité et la solidité de son offre et notamment son vivier de recrutements, ses sites d'activité, son écosystème de financements et d'incitations. Les entreprises demandent à ce qu'on les insère dans un écosystème dans lequel elles vont trouver des compétences locales, des fournisseurs, sous-traitants ou partenaires avec qui elles vont partager des technologies ou des équipements, et surtout d'être facilement identifiées par de potentiels clients.


Quand un décideur hésite : quelle est la principale concurrente de la métropole Aix-Marseille ?
P.S : Pour une entreprise étrangère, Paris reste la solution la plus simple. Un Conseil d'administration reprochera moins à un directeur d'avoir choisi Paris pour la France qu'une autre destination. Quand la capitale n'est pas essentielle, on se retrouve alors dans un jeu plus ouvert et là, on est clairement en concurrence avec Lyon. On ne l'est pas, contrairement à ce qui est souvent dit, avec Nice, qui a un tropisme fort sur les entreprises nord-américaines en R&D dans les secteurs de la microélectronique et des logiciels.

Pourquoi a-t-on loupé le dossier de la société américaine Hexcel, spécialisée dans le fibre de carbone, qui cherchait à créer une nouvelle unité en Europe, et qui a finalement choisi la région lyonnaise ?
P.S : Il ne s'agit pas d'un défaut de jeu collectif. En plus de 20 ans, je n'ai jamais vu une telle équipe-projet avec une implication des deux écosystèmes concernés par ce dossier en amont et en aval, les secteurs chimique et aéronautique. Mais notre offre n'était pas prête. Nous sommes en train de développer une plate-forme chimique à Fos-sur-Mer, comme ce qu'aurait aimé trouvé Hexcel, c'est-à-dire un lieu où les industriels peuvent trouver une offre "plug and play", partager l'accès à des commodités ... Cette plate-forme existe déjà en Rhône-Alpes. Hexcel va négocier jusqu'à la dernière minute les prix de sa fibre de carbone avec son client Airbus et lorsque les deux parties se seront mises d'accord, il faudra très vite répondre à la demande et respecter les délais. L'Américain ne peut pas donc prendre le risque d'attendre que la plate-forme soit opérationnelle. Profitant de cette expérience, nous savons que nous devons anticiper pour être en mesure au moins de dire : quand elle est livrable, à tel coût et avec tels services disponibles.

Où en est-on du dossier de candidature pour la French Tech ? (appel à labellisation de quelques métropoles porteuses d'un écosystème numérique de niveau international, NDLR).
P.S : On devrait figurer parmi les territoires premiers labellisés, ce qui nous permettra de rentrer dans la prospection. On a identifié nos techs champions (Voyage-privé.com, Jaguar Network, Gemalto...) qui vont être des porte-drapeaux et attirer à elles, grâce à leurs projets d'accélérateurs, d'autres entreprises. On est en train d'affûter nos propositions. Un premier jury devrait choisir en milieu d'année une première salve de territoires labellisés. Il se réunira ensuite tous les six mois mais on travaille pour que notre offre soit prête pour la tenue du premier jury.

Quel est le taux de transformation de votre prospection ?
P.S : Il est de 10 % et à peu près égal à ce qui constate dans les autres agences. D'où l'intérêt de bien concilier les projets d'entreprise avec l'offre du territoire. L'origine des projets provient à 50 % du réseau des entrepreneurs provençaux actifs à l'international, à 30 % de nos actions directes (en tout 500 à 600 rendez-vous par an en détection de projets, NDLR) et le reste, des 25 bureaux Invest in France dans le monde qui ouvrent à l'agence leurs contacts.


Sait-on si les entreprises exogènes se développent plus vite ou créent davantage d'emplois ?
P.S : Tout ce que l'on peut constater, c'est que lors des premières années d'implantation, elles ont une croissance importante de leurs effectifs, souvent conformes à ce qu'elles avaient programmé. Mais sur une période plus longue, nous n'avons pas les indicateurs pour le mesurer. On ne gère pas, par ailleurs, la partie sortante mais on va faire la recherche de repreneurs. Par exemple, cette année, sur les 63 projets, 16 % correspondent à des investissements de reprise pour lesquels on a assuré la pérennité (en PACA, la reprise de 9 entreprises en difficulté par des sociétés étrangères a préservé 927 emplois, Kem One comptabilisant à elle seule 746 emplois, NDLR).


Vous devez être satisfait à l'idée que les principaux candidats en lice pour les municipales ont fait du marketing territorial un des arguments de leur campagne.

P.S : C'est une bonne chose que de se préoccuper de l'image que les entreprises ont de notre territoire. Cette image a un rôle particulier dans la décision ou pas de nous confier un projet. Le capter est un autre step mais être sur la carte de leurs intérêts est déjà en soi un atout.


Vous étiez directeur de l'agence de promotion niçoise : vous serez l'homme orchestre d'une plus grande collaboration entre les deux agences ?
P.S :
Ces dernières années, on a fait des choses ensemble et notamment dans le domaine des biotechs en Californie où l'on a établi une représentation commune, ce qui a permis à une quinzaine d'entreprises d'avoir des projets en commun. En juin, une douzaine d'entreprises américaines ont fait le déplacement à Nice et Marseille. On a initié des rapprochements autour d'ITER. On a bien l'intention de le développer sur d'autres filières.

Propos recueillis par Adeline Descamps

* Le bilan national des investissements étrangers pour l'année 2013 n'était pas connu au moment de l'entretien, le 17 février. Il l'a été depuis : il fait état de 685 nouveaux investissements étrangers à l'origine de 29 631 emplois au niveau national. En région, la MDER enregistre 69 nouveaux investissements par des entreprises étrangères qui vont "générer et sauvegarder 3 538 emplois sur l'ensemble du territoire régional."
Plus de 60 % des projets recensés en 2013 sont des créations d'entités nouvelles (porteurs de près de 1 400 emplois), 26 % relèvent de décisions d'extensions par des entreprises internationales déjà implantées. Plus de 75 % des nouveaux investissements de l'année sont portés par des entreprises nord-américaines (11 projets) et européennes. En nombre de projets, les quatre secteurs des TIC, du conseil, de la distribution et de la chimie, constituent la moitié des implantations. Ils devancent l'énergie et la logistique.


Quelques implantations marquantes en 2013 :
- Samsung, Huawei Technologies, Magnetti Marelli et Freescale Semiconductor se sont implantées dans les Alpes-Maritimes reprenant une grande partie du personnel hautement qualifié de Texas instruments.
- Implantation de la société américaine Aéro Surveillance spécialiste des drones (20 emplois à 3 ans) dans le Var
- Installation de la société italienne EmmegiBelt spécialisée dans la production de tapis roulants à destination des remontées mécaniques dans la pépinière Altipolis dans les Hautes‐Alpes.



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