Rapport Duron : Nécessaire ou pas, la réalisation de la Ligne Nouvelle de Provence Côte d'Azur ?

Le rapport Duron, qui doit hiérarchiser les 70 projets retenus en 2007 au regard des contraintes budgétaires, doit être remis cette semaine, le 27 juin, au gouvernement. Dans la région, plusieurs infrastructures sont concernées. Rappel des faits et des enjeux.


Nécessaire ou pas, la réalisation de la Ligne Nouvelle de Provence Côte d'Azur ? Réponse dans quelques jours quand la commission Mobilité 21 aura rendu son rapport. Dirigée par le député socialiste du Calvados Philippe Duron, la commission composée de 6 parlementaires (dont Louis Nègre, sénateur UMP des Alpes-Maritimes) et de 4 personnalités qualifiées*, a été mandatée par le gouvernement pour revoir complètement le catalogue des 70 projets contenus dans le Schéma national des infrastructures de transport (Snit) élaboré sous le gouvernement Fillon. Mission : dresser une liste "crédible, réaliste et réalisable" des "projets de premières priorité" à "engager avant 2030". Sachant que la marge de manœuvre sera limitée à l'enveloppe disponible sur cette période. L'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), que préside aussi Philippe Duron, disposerait de 2 à 2,5 Mds € pour de nouveaux projets, ce qui compte tenu des autres cofinancements, permettrait d'atteindre une capacité de 8 Mds € de réalisations. Les 70 projets représentaient pour leur part une masse financière de 245 Mds €.


La région est concernée par plusieurs de ses projets
À commencer par la Ligne Nouvelle ferroviaire Provence Côte d'Azur (LN PCA), qui a remplacé la défunte LGV Paca, privilégiant la desserte de proximité à l'intérieur de la région (il ne s'agit plus, comme il en était question à la genèse, de la construction d'une ligne à grande vitesse). Mais dans cette liste figure aussi l'aménagement à 2x2 voies de l'A56, entre le port de Fos et Salon-de-Provence, un itinéraire de 25 kilomètres très fréquentés par les camions.
Jean-Michel Charrier, chef de mission du projet chez RFF, rappelle que "les préconisations de Philippe Duron ne présagent pas des décisions politiques à venir", qu'il ne s'agit que d'un avis et que les décisions seront probablement prises très rapidement. Tout en rappelant que les élus régionaux ont eu l'occasion de défendre leur projet lors du passage de la commission 21 à Marseille et à Nice en avril.


LN Paca répond aux critères de sélection
Lors de l'audition (ouverte à la presse) de Philippe Duron à l'Assemblée nationale en juin, LN PCA a été évoquée à plusieurs reprises. Il semblerait qu'elle soit dans les clous des critères de sélection et hiérarchisation du gouvernement. Pour résumer, en amarrant la 5e ville française (Nice) au réseau grande vitesse, elle sert la compétitivité économique nationale, en désenclavant l'Est de la région, elle réduit les inégalités territoriales et elle répond à l'objectif de mobilité de proximité en développant l'offre TER. Les études démontrent que grâce au doublement des capacités ferroviaires entre Marseille et Nice et une liaison en 1 heure, cela permettrait un gain de 15 millions de passagers par an à l'horizon de sa réalisation, dont 8 millions dans les TGV et 7 millions dans les TER.
Sans parler de la composante fret appréhendée dans la LN PCA qui promet de retirer 8 millions de déplacements routiers et 1 millions de déplacements aériens.
Or, note RFF, dans les tronçons les plus encombrés de l'autoroute Cannes-Nice, la part des poids lourds ne dépasse pas 7%, dont moins de 4% sont des poids lourds en transit, susceptibles de basculer sur le fer. L'essentiel du trafic poids lourds correspond à du trafic local (56 Mt/an interne PACA contre 7 Mt/an entrant/ sortant de l'Est de la région et 18 Mt/an de trafic en transit) pour lequel le fer n'est pas un mode compétitif.


Priorité à la traversée souterraine de la gare de Marseille St Charles
Reste à savoir si le rapport donnera la même priorité à la traversée souterraine de la gare de Marseille St Charles (un investissement estimé à 2,5 Mds €) qu'au contournement d'Arles par l'A54 ou la fin de voie de contournement d'Avignon (Est-Ouest), qui sont des composantes du projet initial. Et qui du coup surenchérissent la facture, estimée entre 9,5 à 12 Mds €.
Aussi, dans l'option basse, il est à craindre que seule la traversée souterraine de Marseille puisse voir le jour d'ici à 2030 pour désaturer le noeud ferroviaire Marseillais. Et du coup fasse l'impasse sur la saturation de l'axe littoral Cannes-Antibes-Nice. La topographie des Alpes-Maritimes rendra nécessaire la construction de tunnels dont on connaît le coût particulièrement élevé (jusqu'à 120 M€ par km). La mise à 3 voies de la section Antibes-Cagnes-sur-Mer, doit être livrée en décembre 2013, permettra l'augmentation du cadencement TER au départ d'Antibes vers Nice et l'Italie mais ne pourra pas constituer une réponse de long terme, défend-on du côté des Alpes-Maritimes.


Etude socio-économique
Avec près de 5 millions d'habitants, la région Paca possède 7 km de voies ferrées exploitées pour 100 000 habitants, contre une moyenne supérieure à 50 km dans les autres régions. Chacun des 223 km de l'A8 voit circuler en moyenne plus de 21 millions de véhicules par an (recensement Escota 2011 sur les sections payantes, qui a, dans son ensemble, enregistré 253 millions de transactions).L'unique ligne ferroviaire littorale (Marseille-Toulon-Nice-Italie) a très peu évolué depuis 1860 alors que la population a été multipliée par 3. La gare de Marseille Saint-Charles (qui a accueilli 12 millions de voyageurs en 2012 contre 7,7 millions en 2002) ne peut plus accueillir de trains supplémentaires. La ligne TER Cannes-Monaco ne peut plus recevoir de trafic supplémentaire aux heures de pointe. Sa fréquentation journalière serait du même ordre de grandeur qu'une ligne de RER de la région parisienne.

12,4 Mds €
Pour intégrer les contraintes budgétaires, le Comité de Pilotage (COPIL), qui réunit l'ensemble des co-financeurs, a présenté à la Commission 21 lors de son passage en avril dernier un phasage qui "prévoit de réaliser des sections permettant de résorber les bouchons ferroviaires de Marseille, Toulon et Nice et d'assurer plus de 80 % des gains de trafic escomptés avec le projet complet, et près de 90 % des gains de temps avec moins de 75% de l'investissement nécessaire au projet".
Soit une facture de 12,6 Mds € dont 2,5 milliards pour la traversée de Marseille avec la gare souterraine ; 4 milliards pour la section Aubagne - Toulon incluant la gare de Toulon ; 3,7 milliards pour Cannes - Nice ; 1,9 milliards pour Roquebrune - Cannes ; 0,3 milliard pour la 4e voie Huveaune ; 0,2 milliard pour la Gare Est Var.


Parvenir à mettre le dossier sur le dessus de la pile
Nécessaire ou pas, la réalisation de la Ligne Nouvelle de Provence Côte d'Azur ? Elle aura intérêt à l'être au risque de voir passer le train ! puisque 3 temporalités ont été évoquées : les projets à réaliser avant 2030 dont les études doivent être accélérées, ceux après 2030 dont il faut poursuivre les études et enfin, ceux après 2050 dont il faut interrompre les études car ça coûte cher. Même si parvenir à mettre le dossier sur le dessus de la pile n'est pas une fin en soi, encore faut-il ensuite que les projets retenus restent prioritaires jusqu'en 2030 tout en résistant aux changements de gouvernement, de majorité, et autres aléas de la vie politique.


Adeline Descamps


*Liste de la composition de la Commission Mobilité 21


Parlementaires :
André Chassaigne - Député du Puy-de-Dôme (Parti Communiste), membre de la commission des affaires économiques, président du groupe Gauche démocrate et républicaine
Michel Delebarre - Sénateur du Nord (Parti Socialiste), ancien ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer
Philippe Duron - Député du Calvados (Parti Socialiste), membre de la commission du développement durable, président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France
Louis Nègre - Sénateur des Alpes Maritimes (Union pour un Mouvement Populaire), commission du développement durable, président du groupe de suivi du SNIT au Sénat
Bertrand Pancher - Député de la Meuse (Union des démocrates et indépendants),
commission du développement durable, co-rapporteur du Grenelle à l'Assemblée
Eva Sas - Députée de l'Essonne (Europe Ecologie - les Verts), vice-présidente de la commission des finances

Personnes qualifiées :
Jean-Michel Charpin - Inspecteur général des finances, ancien commissaire au Plan, ancien directeur général de l'INSEE
Yves Crozet - Économiste, professeur à l'Université de Lyon II et président du laboratoire d'économie des transports
Marie-Line Meaux - Inspectrice générale de l'administration et du développement durable, présidente de la 4ème section « risques, sécurité, sûreté » au Conseil général de l'environnement et du développement durable au ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
Patrice Parisé - Ingénieur général des ponts et chaussées, est président de la 5e section "sciences et techniques" au Conseil général de l'environnement et du développement durable au ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie

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