CMA CGM : Pour ses 35 ans, la compagnie s ? offre un 3e méga porte-conteneur

La compagnie maritime, dont le siège social est à Marseille, va fêter ce mardi 4 juin son 35e anniversaire et l?entrée en flotte de son porte-conteneur Jules Verne, le troisième dans la catégorie des plus de 16 000 EVP, en présence du président de la République, en escale à Marseille pour inaugurer le MuCem. L?enregistrement sous pavillon français n?est pas anodin dans un contexte anxiogène pour l?emploi.

La compagnie maritime, dont le siège social est à Marseille, va fêter ce mardi 4 juin son 35e anniversaire et l'entrée en flotte de son porte-conteneur Jules Vernes, le troisième dans la catégorie des plus de 16 000 EVP, en présence du président de la République, qui fait escale à Marseille pour inaugurer le MuCem. L'enregistrement sous pavillon français n'est pas anodin dans un contexte anxiogène pour l'emploi.

Est-ce parce François Hollande lui accordera un peu de temps dans sa journée marseillaise que le nouveau porte-conteneur battant pavillon CMA CGM Jules Verne bénéficiera d'une telle exposition médiatique ? Toujours est-il le président de la République, en visite ce mardi 4 juin dans la cité phocéenne pour inaugurer le MuCem et la Villa Méditerranée, est annoncé pour le baptême d'un navire que la presse consacre comme le plus grand porte-conteneur du monde alors que ses deux sisterships : le Marco Polo, entré en service le 5 novembre 2012 et le Alexander Von Humboldt, reçu en avril 2013, disposent d'une capacité similaire de 16 020 EVP (unité de mesure d'un conteneur, soit 16 020 "boîtes"). Le dernier né de la famille - le Jules Verne - également livré par les chantiers sud-coréens Daewoo, a débuté le 3 mai son service entre l'Asie et l'Europe.

Un enregistrement sous pavillon tricolore

Pour qui connaît le secteur maritime, célébrer le record d'un bateau - qui en l'occurrence pour le Jules Verne affiche 396 m de long et 53,6 m de large avec un tirant d'eau de 16 m (ce qui ne permet pas son accueil dans tous les ports) - n'a pas grand sens. Car la course au gigantisme dans la conteneurisation est à l'oeuvre depuis de bien nombreuses années. Et dans quelques semaines, ce record sera lui même effacé par la mise en service du premier des 20 navires de classe "EEE" (400 mètres de long, 18 270 EVP) armé par le danois et numéro un mondial Maersk Line. L'information liée au navire est ailleurs : le Jules Verne sera immatriculé sous le régime français, ce qui n'est pas anodin. Pour information, le nombre de porte-conteneurs français de CMA CGM représente à ce jour 5,5 % d'une flotte composée de 414 navires dont 84 en propriété. Choisir un pavillon français revient à adopter un ensemble de règles allant des formalités administratives au régime fiscal pour les salaires mais aussi respecter un nombre de navigants nationaux.
Et inutile de préciser que le pavillon national n'est pas d'un point de vue économique (notamment le coût d'équipage) le plus attractif pour les armateurs, qui sont de surcroît libres de choisir d'enregistrer leurs bateaux là où bon leur semble, y compris dans ces États que l'on dit exotiques (Bahamas, Libéria...).Jacques Saadé, le patron historique de la compagnie maritime marseillaise, envoie donc un signal fort aux pouvoirs publics français dans un contexte où la préoccupation majeure est l'emploi. Si la CMA CGM affiche fièrement ses 23 navires aux couleurs tricolores, elle ne dit pas que l'entrée du Jules Verne va aussi entraîner le "dépavillonnement" des "Chopin" et "Puccini", qui vont être ré-immatriculés à l'étranger en raison de la fin de l'ancien dispositif de GIE fiscal. Selon Fille Jeux de Moto Jeux de Guerre un accord avec la direction, les emplois français seraient transférés sur le Jules Verne et sur deux autres porte-conteneurs battant pavillon tricolore.

La CGT des marins du Grand Ouest s'étonne pour sa partv dans une lettre ouverte à François Hollande (diffusée le 30 mai), de sa présence à l'inauguration du CMA CGM Jules Verne estimant ainsi que le président de la République cautionne "l'embauche des marins étrangers sur des navires largement financés par le contribuable français", mais aussi "la construction de navires dans des chantiers hors de l'Union européenne".

35 ans

Reste l'autre information : les 35 ans consacrés par la société, née de la cession par l'État de la Compagnie Générale Maritime (CGM, elle-même issue de la fusion de la Compagnie Générale Transatlantique et des Messageries Maritimes) à la Compagnie Maritime d'Affrètement (CMA), fondée en 1978 par Jacques Saadé, qui préside depuis cet ensemble avec à ses côtés son fils, Rodolphe, à la direction générale déléguée. L'homme, dont on connaît l'histoire (la famille Saadé, qui produisait et exportait de l'huile d'olive, du coton, de l'alcool, sera ruinée à la suite de la nationalisation des biens et services), a quitté le Liban sous les bombes pour amarrer à Marseille où il a fondé ce qui est devenu le numéro 3 du transport maritime conteneurisé avec 8 % de parts de marché derrière le danois Maersk (16 % de PDM estimés) et le Suisse MSC (12 % de PDM). Un parcours qui aide aussi à comprendre son acharnement à défendre un certain capitalisme familial. Cela fut d'autant plus flagrant quand il a dû  affronter en 2009 les 72 banques créancières d'une dette colossale accumulée notamment par des commandes de bateaux qui n'avaient pas anticipé le retournement de conjoncture.

Profitabilité retrouvée

Cette date anniversaire tombe donc à pic pour saluer le retour de l'entreprise aux profits après quelques années difficiles pour un secteur dont la vivacité dépend directement de la dynamique des échanges internationaux (90 % des marchandises mondiales se transportent par bateaux). Après un exercice 2011 affichant 32 M USD de pertes, 2012 s'est soldée par un résultat net de 361 M USD avec un C.A en hausse de 7 % (15,9 Mds USD). 2012 a également été celle de la restructuration de sa dette et de la recomposition de son capital. La cession de 49 % de sa filiale qui opère des terminaux portuaires (Terminal Link) pour 400 M€ au conglomérat chinois CMHI et l'injection de nouveaux fonds propres de la famille Saadé ont permis au groupe d'assainir sa situation.
Quant à son capital, il est désormais partagé entre la famille Saadé, le Fonds stratégique d'investissement (FSI), qui a investi 150 M$ sous forme d'obligations remboursables en actions (ORA), lui donnant 6 % du capital et le groupe turc Yildirim, qui a porté sa participation de 20 à 24 % en injectant 100 M$, également sous forme d'ORA. Une profitabilité retrouvée qui doit préparer une entrée en bourse en 2014. À condition que 2013 s'aligne sur les mêmes performances dont dépendent la restauration des taux de fret et la demande internationale.

Consolidation à terme

Sur un plan commercial, le n°3 voit aussi son horizon se dégager suite à l'annonce de Maersk Line de se désengager de son activité de transport maritime conteneurisé pour se recentrer sur le offshore. La question centrale demeure : comment les compagnies maritimes supportent les années difficiles d'activité depuis 2011 - en clair la surcapacité et le marché difficile - tout en renforçant leur flotte opérationnelle ? Les milieux maritimes s'interrogent sur des rapprochements au delà des coopérations opérationnelles déjà l'œuvre.

En attendant, à l'issue de son baptême à Marseille le 4 juin, le Jules Verne appareillera le 6 juin pour gagner Tanger et suivre sa route vers Ningbo. Rien ne filtre sur l'identité de la marraine : CMA CGM a l'habitude de proposer le titre de marraine à des femmes politiques ou des épouses de ministres (Christine Lagarde pour le Christophe Colomb, Corinne Perben pour le Medea) ou encore à Laurence Parisot, l'ancienne patronne du Medef, pour le Titan.

Sur les 18 000 personnes qu'emploie la compagnie maritime, 2 400 sont localisées au siège social à Marseille dans la seule et unique skyline de la ville et 4 700 en France. La société a réalisé en 2012 un chiffre d'affaires de 15,9 Mds USD et revendique avoir transporté 10,6 million d'EVP (Equivalent vingt pieds, unité de mesure).


Adeline DESCAMPS



Photo : À l'issue de son baptême à Marseille le 4 juin, le Jules Verne appareillera le 6 juin pour gagner Tanger et suivre sa route vers Ningbo.


Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.