Déconstruction navale : La région se positionne

Vers l?ouverture d?une activité industrielle en Paca ? La région Paca, qui a réalisé une étude de faisabilité sur la création d?une filière régionale de déconstruction navale, et que défend depuis quelques années déjà la CGT au sein du Conseil économique et social (CESE), évoque La Seyne-Sur-Mer et Martigues-Caronte comme sites possibles d'accueil.

Vers l'ouverture d'une activité industrielle en Paca ? La Région, qui a réalisé une étude de faisabilité sur la création d'une filière régionale de déconstruction navale, et que défend depuis quelques années déjà la CGT au sein du Conseil économique et social (CESE), évoque La Seyne-Sur-Mer et Martigues-Caronte comme sites possibles d'accueil.


L'idée est séduisante dans une région où le paysage industriel est en pleine évolution. Elle n'est pas complètement fantasque au regard des potentialités (et atouts) de ce territoire. Après la réparation navale - une filière qui est en train de prendre forme à Marseille et à La Ciotat - la région pourrait aussi accueillir une filière de déconstruction de bateaux en fin de vie (âge moyen de 31 ans). Ou du moins, c'est ce que soutiennent les promoteurs du projet. Au premier rang desquels, l'on retrouve Bernard Morel, vice-président à l'emploi et au développement économique à la Région et Jean-Louis Horon, le conseiller CGT au Conseil économique social et environnemental régional, qui milite pour cette idée depuis 2005.

Première condition au développement d'une filière : traiter ce qui va être déconstruit

Pour ce faire, il y a de nombreux critères à satisfaire, au-delà des sites, équipements et personnel qualifié. Car la démolition impose inévitablement de se pencher sur le traitement de "ce qui va être déconstruit" c'est-à-dire les déchets. Et c'est précisément pour répondre à cette problématique que Bruxelles, qui défend depuis quelques années l'idée d'une réimplantation de cette activité en Europe (aujourd'hui, essentiellement l'apanage des chantiers de l'Asie du Sud-est dont on connaît les conditions de travail de ses ouvriers), a décidé d'agréer des sites intéressés pour  des "cimetières" pour bateaux.

Non seulement, la Région espère que l'un de ses sites ou tous ses sites puissent être labellisés mais y voit aussi la possibilité de développer une filière innovante autour de la valorisation des déchets, estimant avoir in situ les laboratoires et les compétences qui travailleraient déjà sur une solution de désamantiage par la robotique. Elle a lancé un appel à projets dans ce sens et deux groupements d'entreprises y ont répondu (c.f article : deux groupements d'entreprises intéressés).

Aujourd'hui, aucune des transactions internationales, liant les armateurs européens à des chantiers de démolition extra-européens, n'est précédée d'un désamiantage ou accompagnée de notifications relatives à l'exportation de déchets, telles qu'elles sont mises en œuvre dans le cadre de la Convention de Bâle*, qui a toujours été ignorée. Pourtant, presque tous les navires condamnés à être démantelés contiennent des substances nocives telles que l'amiante, le plomb, les hydrocarbures, les métaux lourds (cadmium et arsenic) mais aussi des biocides toxiques et des PCB ...La Convention de Hong Kong pour un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires a bien été adoptée en 2009 mais aucun pays ne l'a ratifiée.

Deuxième condition : les ressources et la rentabilité

Les ressources existent : selon le dernier rapport de l'ONG Robin des Bois, 1 328 navires ont été démantelés en 2012 (+ 30 % en raison notamment du retrait progressif des pétroliers à simple coque et des surcapacités de la marine marchande du fait de la crise économique) dont 94 % en Asie du Sud dans des installations qui ne répondent pas aux normes. Le premier chantier européen est danois et ne recueille que 2 % du volume annuel. Les raisons dépassent la seule appréciation du coût. Le démantèlement d'un bateau est une affaire complexe pour des raisons d'abord juridiques.

350 et 400 euros par tonne de fer
De sa construction jusqu'à son démantèlement, il sera soumis à plusieurs statuts. Dans un premier temps, l'embarcation va acquérir la qualification de navire, il sera alors assujetti aux normes nationales, européennes et internationales qui régissent le transport maritime.
Avant son démantèlement, le navire sera subordonné cumulativement aux régimex des navires et des déchets. Et ce n'est qu'une fois qualifié de déchet qu'il entre dans le giron de la Convention sur les mouvements transfrontiers de déchets dangereux. Cette déchéance (les propriétaires de chantiers achètent les navires en fin de vie, soit directement aux armateurs, soit par le biais de courtiers spécialisés dans la vente de navires à démanteler) se matérialisera par la volonté du propriétaire, qui lui même se décidera en fonction d'autres considérations : les tonnages envoyés à la casse sont liés au cours de l'acier et plus encore aux taux de fret qui, lorsqu'ils sont élevés, incitent les armateurs à conserver leurs navires en service. Ainsi, s'ils peuvent espérer récupérer entre 350 et 400 euros par tonne de fer sur un chantier asiatique, ils atteignent à peine les 100 euros sur les rares chantiers européens.

Taxe prélevée aux armateurs pour financer le recyclage des bateaux ?

Reste que la commission environnement du Parlement européen a voté le 26 mars dernier, par 60 voix pour et 2 voix contre, une proposition de règlement de la Commission européenne visant à rendre plus propre le marché du démontage des navires. Avec comme arme principale : une taxe prélevée aux armateurs pour financer le recyclage des bateaux. Or, les députés européens, réunis en séance plénière la semaine dernière, ont rejeté l'idée par 299 contre et 292. La taxe devait permettre de dégager 150 M€ par an et subventionner les chantiers de démantèlement considérés comme propres. Le Parlement a voté un amendement invitant la Commission à lui proposer un nouveau dispositif incitatif d'ici fin 2015 avec le même objectif : le démantèlement des navires respectueux de la santé humaine et de l'environnement.

A.DESCAMPS

 *La convention de Bâle fixe des règles visant à contrôler, au niveau international, les mouvements transfrontières et l'élimination des déchets dangereux pour la santé humaine et l'environnement. Cette convention est entrée en vigueur pour l'Union européenne le 7 février 1994.

Photo : Les députés européens, réunis en séance plénière fin avril, ont rejeté l'idée d'une taxe prélevée aux armateurs pour subventionner les chantiers de démantèlement considérés comme propres.

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