Les grands chantiers militants du BTP 13

Et voilà que la directive Bolkenstein refait surface. Peut-on admettre que des ouvriers roumains travaillent en France au tarif roumain ? Évidemment non, a rappelé la fédération du BTP 13 à l?occasion d?un point de conjoncture ce jeudi 17 juillet. Concurrence déloyale et offres anormalement basses menacent de déstructurer le secteur, qui représente 10 % de l?emploi salarié du département.

Concurrence déloyale des entreprises étrangères et des travailleurs détachés. Lutte contre le travail illégal. Sensibilisation des maîtres d'ouvrage au juste prix. Nécessaire solidarité entre entreprises générales et sous-traitants. Impact pour l'investissement local de la baisse des dotations des collectivités locales ... Les chantiers de la filière du BTP sont nombreux et les inquiétudes sont vives. Elles ont été largement exprimées ce jeudi 17 juillet à l'occasion d'un point conjoncture présenté par la fédération du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône. Il faut dire que les professionnels du secteur s'accommodent difficilement de leur présent à la conjoncture contrariée. Avec 8 192 unités (20 124 en région), les ouvertures de chantier dans le logement neuf affichent un nouveau recul entre avril 2013 à avril 2014 de 3,3 %. Le nombre de chantiers autorisés (11 629) est également en retrait de 9,7 % (29 713 en Paca, - 18,9 %). Sur le front social, à fin 2013, le nombre d'emplois salariés dans la construction s'élèverait à 41 783 postes dans les Bouches-du-Rhône (- 1,1 %). L'intérim dégringole de 6 % dans le bâtiment et de 0,4 % dans les travaux publics tandis que le bataillon des demandeurs d'emplois s'étoffe de 4 %. En termes d'entreprises, on note une hausse de 7,1 % des défaillances au niveau local, qui toucheraient désormais des entreprises plus importantes, de l'ordre de 20 à 40 salariés. La filière locale représente 12 000 entreprises, 5 Md€ HT de chiffre d'affaires et 47 000 salariés.


Distorsion

C'est dans ce contexte que le BTP expérimente les effets secondaires de la "directive Bolkenstein", du nom de l'ancien commissaire européen néerlandais Frits Bolkestein, fervent libéral, et auteur de la fameuse "directive services" permettant aux travailleurs de l'UE de travailler partout aux conditions sociales de leur pays d'origine. Une mouture qui, après avoir été fortement décriée et passée à la moulinette, avait finalement été transposée en 2009 dans le droit français, assortie de quelques amendements : les entreprises  peuvent faire appel à des prestataires de services étrangers - les cotisations sociales sont alors versées aux conditions du pays d'origine - mais doivent les rémunérer au salaire légal français. "On est en train de mesurer les impacts", explique Johan Bencivenga, précisant que les acteurs du BTP n'ont rien contre l'ouverture des frontières aux travailleurs des autres pays européens dès lors que tout le monde est placé dans les mêmes conditions. "Quand la loi est respectée, elle est injuste et quand elle ne l'est pas, elle est déloyale", résume le président de BTP 13.


La faim fait sortir le loup du bois

Il y aurait en France 330 000 salariés européens employés sous contrat avec des entreprises de leur pays d'origine qui ne seraient pas toujours payés au salaire minimum français. Il étaient 5 600 tous métiers confondus en 2008. "Cela reste marginal mais notre crainte est que l'accès à cette main d'œuvre devienne explosive, par forcément par perversité, mais par effet induit de la crise et obligation économique", indique-t-il. "La faim fait sortir le loup du bois", ajoute Philippe Meiffren, conseiller du président, qui expose un autre combat : la lutte contre les offres anormalement basses, laquelle implique une responsabilisation à tous les niveaux de la chaîne. À cet égard, la fédération a initié la convention "Objectif croissance, qualité et emploi" par laquelle les signataires s'engagent à refuser la course aux prix bas et le recours au détachement frauduleux. 13 maîtres d'ouvrage majeurs auraient à ce jour paraphé le document.


Sanctions
Pour lutter, "nous avons fait pression pour obtenir un renforcement des contrôles des chantiers et une surveillance accrue des situations de détachements. Nous allons jusqu'à nous porter partie civile auprès des administrations contre les entreprises qui s'engagent volontairement dans des pratiques illégales. Nous avons mis en œuvre un système de signalements de chantiers douteux." Reste le lobbying à Bruxelles ... qui finirait par payer. "Nous avons obtenu un durcissement des conditions de détachement ainsi que le droit pour chaque Etat de fixer ses propres barrières et contrôles. Le préfet de région prévoit à la rentrée prochaine l'organisation d'un séminaire BTP qui réunira les maîtres d'ouvrage publics du territoire et aura pour but leur faire identifier les dérives et adopter les bonnes pratiques correctives", ajoute Johan Bencivenga.

Disette budgétaire
Faire comprendre aux collectivités que c'est risqué de faire appel à des entreprises qui pratiquent des prix anormalement bas est une gageure dans un contexte de baisse des dotations de l'État aux collectivités locales (11 Md€ d'économies budgétaires demandées d'ici la fin du quinquennat). "L'investissement public, c'est du bon cholestérol. On espère que ce sont dans les dépenses de fonctionnement que l'État puisera pour générer des économies. Mais ce n'est visiblement pas la tendance : on nous annonce localement une baisse de 20 % des investissements publics. Mécaniquement, cela tirer les prix vers le bas." Pour rappel, les collectivités territoriales sont à l'origine de près de 70 % de l'investissement public en France, et a commande publique assure 30 % de l'activité des entreprises du bâtiment, et 70 % de celle des travaux publics.


A.D

Photo ©almodovar


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