Les transports : enjeu structurant de la "métropolisation" marseillaise

La problématique accapare tous les débats actuels ayant trait de près ou de loin à la métropole. En initiant les Ateliers de la Métropole, une série de rendez-vous programmant des rencontres avec des experts, la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence reprend la main sur les thématiques clés de la future organisation du territoire. Elle organise ce jeudi 11 juillet au Palais de la Bourse un premier atelier sur le thème : ?Transports et déplacements : le chantier prioritaire?.

Imaginer ce que serait l'organisation des transports sur un territoire structuré en métropole et qui de fait serait invité à la gestion concertée et à la vision partagée. Et inversement, anticiper sur ce que serait l'avenir du territoire si rien ne change. La CCI Marseille Provence reprend la main sur le débat en posant l'organisation des transports comme le fil rouge du renouveau métropolitain. Avec pour ambition "de décrypter les grands enjeux économiques, sociaux et culturels d'Aix-Marseille Provence".


En quoi la métropole peut répondre aux défis de la mobilité urbaine plus qu'une structure intercommunale ou un pôle métropolitain ?
Pour y répondre, la Chambre a opté pour les benchmarking convoquant des intervenants de Lille, Lyon, Barcelone *... pour qu'ils fassent part de leur expérience sur leurs territoires respectifs en matière d'organisation des transports : le prix à payer pour des services de transport, les coûts générés par l'absence de planification concertée (étalement urbain, séparation des activités, allongement des distances et des déplacements), les bénéfices induits par une organisation unique (tarification unique, mutualisation des dépenses et des investissements, amélioration des dessertes ...), les solutions innovantes en matière de financement (compte tenu des limites budgétaires des finances locales). Il faut garder en tête que c'est toujours l'individu - via son statut de voyageur, et/ou de salarié, et/ou de contribuable - qui assume le financement. Selon une étude réalisée en 2010 par l'Union des Transports publics portant sur 130 réseaux français de province, les recettes commerciales participaient en moyenne à 34,4 %, avec des variables importantes entre les réseaux desservant plus de 250 000 habitants (autour de 40 %) et de moins de 100 000 habitants (23,2 %). Et il ne faut pas perdre de vue non plus que le projet de loi de décentralisation propose la création d'un versement transport "interstitiel" qui taxerait les entreprises situées hors du périmètre des transports urbains (sur lequel est actuellement prélevé le VT), mais dont les salariés utilisent le réseau de transport public pour se rendre au travail. À un taux de 0,6 %, cela rapporterait 450 M€, et 900 millions si le taux est de 1 %.


Saturation des axes routiers

47 000 actifs circulent chaque jour entre Aix et Marseille. La part des actifs qui travaillent sur la Communauté du Pays d'Aix et domiciliés sur MPM a augmenté de 76 % en 10 ans. Selon l'Agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise (Agam) et le Cete Méditerranée,  la métropole Marseille Provence devrait accueillir 200 000 nouveaux habitants d'ici 2020, soit 10 % de population en plus par rapport à aujourd'hui. Le temps de parcours entre Aix-en-Provence et Marseille devrait augmenter de 60 % d'ici 2020 et de 36 % entre Aubagne et Marseille. La saturation du réseau de transports atteindrait entre 60 et 80 % en 2020 entre Aix-en-Provence et Marseille (contre 5 à 20 % en 2004) et entre 80 et 100% entre Aubagne et Marseille en 2020.

En 2011, ils étaient 33 % à estimer que la métropole pourrait rendre l'action publique plus efficace
Selon le sondage, réalisé en octobre 2011 par Opinionway mandaté par les milieux économiques (Upe 13, CCIMP, Chambre des métiers...), auprès d'un échantillon de 602 salariés du secteur privé, 59 % des actifs travaillaient dans une autre commune que leurs structures intercommunales et 71% des conjoints travaillaient dans une autre commune. La voiture était le mode de transport le plus utilisé, à 66 % (quasiment invariable d'ailleurs s'ils travaillent ou non dans leur commune de résidence). Parmi les raisons invoquées à la non utilisation des transports collectifs : le manque d'offre, le gain de temps insignifiant, le prix (pour se rendre d'Aix-en-Provence à Martigues, soit 48 km, un usager paie 11 euros et peut passer jusqu'à deux heures et demie dans les transports en commun).
Et à la question : Pour rendre plus efficace l'action publique en matière de transport, logement, aménagements en général, quelle solution aurait votre préférence...? Ils répondent à 41 % "conserver le schéma actuel : communes, intercommunalités, département, région" et à 33 % "créer une métropole, structure politique élue au suffrage universel, qui se substitue aux intercommunalités existantes" et à 15 % "créer un pôle métropolitain, structure politique réunissant les élus qui vient s'ajouter aux structures existantes".


Des transports collectifs cloisonnés et mal répartis

Alors que dans d'autres métropoles françaises (Lyon, Lille par exemple) et européennes (Manchester, Francfort, Stuttgart, Milan, Valence, Barcelone), les transports collectifs sont chapeautés par une seule et même structure avec un tarif unique, sur le territoire Marseille Provence, 11 autorités organisatrices de transports (AOT) interviennent, chacune ayant un réseau autonome. Du coup, certaines parties clés du territoire ne sont pas desservies. Aussi, alors qu'elle figure parmi celles qui ont le nombre de kms de transport en site propre le plus élevé (558 km derrière Francfort avec 1 683 km), elle ne propose pas le ticket unique.


Comment font les autres ?
C'est l'une des valeurs ajoutées du débat qui s'annonce. Donner à voir ce qui se fait ailleurs ... Comme à Lyon, où le Sytral, Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise, regroupe la Communauté urbaine de Lyon et le Conseil général du Rhône et qui est en train d'instaurer une "carte orange" sur le modèle parisien : un billet unique valable dans les autocars, métro, bus et trains du réseau TER en région.
Plus près de nous, mais pas à la table du débat, Nice s'est illustrée avec son Pass Azur. Depuis le 1er janvier 2008, toutes les lignes de transports publics urbaines et interurbaines de tram et bus des Alpes-Maritimes, sont accessibles avec le même "Pass Azur" à 1 euro. À l'exception des stations de ski et de l'aéroport. Le dispositif est le fruit d'un accord passé entre l'ensemble des AOT du département. Le nouveau matériel de billettique nécessaire a représenté un investissement de 12 M€ financés à 50 % par le Conseil général et à 50 % par les diverses AOT.


Vision stratégique

Outre la gestion concertée, reste la vision stratégique : la fameuse ambition commune pour un territoire qui n'est pas ce qu'il devrait être. Car les débats aboutiront sans surprise à l'inévitable constat : la coopération est plus que nécessaire. Une nouvelle gouvernance dans les transports s'impose. Pour s'en convaincre, il faudrait calculer ce que coûterait la non réalisation des projets. À la manière de ce qu'a fait Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, estimant que la non réalisation du projet du Grand Paris priverait le PIB français d'environ 144 à 208 Mds € à l'horizon 2030.

A.D

Méridien Mag est partenaire de l'opération. Le débat fera intervenir :
Jean Haëntjens, directeur agence Urbatopie. Coproduction de la stratégie 2000-2009 de la métropole Nantes Saint-Nazaire
Gilles Chomat, chargé de projets gouvernance et systèmes de transports au CERTU de Lyon
Francis Ampe, consultant, ancien Directeur de l'Agence d'urbanisme de Lille
Jordi Fuster, directeur des infrastructures de Transports, agence de développement Barcelona Regional
Julie Rieg, Groupe Chronos, professeur Management et veille de projets, La Sorbonne Paris IV


Photo :
© Claude Almodovar


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