Port de Marseille : Quels relais de croissance ?

Par quoi passe le renouveau portuaire ? C?était la thématique d?un ?breakfast? organisé ce vendredi 4 avril par l?agence de communication Encore Nous sur le Piana, dernier né et fleuron de la flotte de la Méridionale*. L?identification de nouvelles filières génératrices de valeur pour le port est connue mais l?intérêt était de réunir ses principaux promoteurs autour d'une même table.

En Méditerranée occidentale, face aux pressions de ses éternels rivaux Gênes et de Barcelone et plus globalement confronté à une compétition acharnée venant des ports d'Anvers et du Havre pour la conquête de l'arrière-pays, le port de Marseille-Fos, longtemps protégé par les rentrées de ses trafics pétroliers, n'a pas d'autres choix que de s'adapter, après s'être isolé de la compétition durant plusieurs décennies. Parmi les axes de diversification des activités du port en compensation de la chute des trafics de pétrole brut : le transport de passagers avec notamment la croisière ; le conteneur et le GNL, voie amorcée depuis les années 2000, le transport combiné et la logistique mais aussi la grande plaisance.
L'identification de nouvelles filières génératrices de valeur est d'autant plus nécessaire que le port phocéen devra faire face dans les années à venir à de lourds investissements dans un contexte financier tendu pour assurer les opérations d'aménagement prévus : conteneurs Fos 4XL, terminaux de transport combiné à Marseille comme à Fos et autres aménagements logistiques, terminal méthanier Faster et aménagement des bassins est de Marseille.

Le renouveau portuaire était au centre du débat organisé par l'agence Encore Nous ce vendredi 4 avril à bord du Piana, le dernier-né de la Méridionale, avec Jacques Truau, président-fondateur du Club de la Croisière Marseille-Provence, Laurent Vandamme, président de Marseille Centre, la fédération des commerces de centre-ville, Éric Foillard, associé et gérant de la compagnie d'investissement LC2I et Marie-Hélène Pasquier, secrétaire générale de l'Union maritime et fluvial. 

Croisières : un pari historique
150 000 passagers en 1999. 1 150 000 passagers en 2013. En moins de deux décennies, Marseille est entré dans le cénacle des ports de croisière au million de passagers. Et en un an, le port phocéen, qui a engrangé une croissance de 33 % en 2013, est passé de la 9e à la 6e place, derrière Barcelone, Civitavecchia, Venise, les îles Baléares et le Pirée, reléguant Naples à la 7e place dans le Top 10 des ports de croisières méditerranéens selon MedCruise l'association des ports méditerranéens de croisière. Un juste retour des choses pour Jacques Truau, président-fondateur du Club de la Croisière Marseille-Provence, qui vient de rentrer du grand rendez-vous de la profession, le Seatrade à Miami. "Au siècle dernier, les compagnies comme les Chargeurs réunis, les Messageries maritimes, Paquet... desservaient déjà les quais phocéens", précise l'ancien navigant de chez Paquet, qui a déjà raconté mille et une fois les débuts de l'aventure quand en 1992, alors membre élu de la Chambre de commerce et d'industrie Marseille-Provence, le président de l'époque, Henry Roux-Alezais, l'avait mandaté pour plancher sur l'attractivité du port de Marseille. Et comment il avait progressivement fédéré, autour du Club de la Croisière Marseille Provence et de ses trois fondateurs (la CCIMP, la ville de Marseille et le Grand port maritime de Marseille), les professionnels et institutionnels des secteurs portuaire et touristique. En 2014, Marseille, aidée par sa position géostratégique sur le littoral méditerranée, devrait atteindre 1,365 millions de croisiéristes et le curseur de croissance reste fixé à 1,6 million en 2015.

Méditerranée : épicentre de la bataille des ports

Sur le marché de la croisière, la bataille entre les ports se joue actuellement en Méditerranée. C'est là que s'arbitre la croissance et là que se nichent les marges de progrès. Sur les 21,3 millions de croisiéristes en 2013, précise Jacques Truau, il y avait 6,7 millions d'Européens (+12 %) dont 522 000 français (+ 11 %). 80 % des croisiéristes naviguent en Méditerranée. "D'où l'intérêt pour Marseille à se positionner", précise Jacques Truau. Véritable manne financière pour l'économie locale - la croisière aurait rapporté 163 M€ à Marseille et représenté 977 emplois équivalent temps plein en 2013 - les ports méditerranéens (Barcelone reste le leader avec 2,4 millions de croisièristes) surenchérissent dans les investissements pour figurer sur les écrans radars des plus grands opérateurs. Le port phocéen n'y échappe pas : il a prévu d'investir 35 M€ pour agrandir la passe nord de la Digue du Large (aménagement finalisé en 2016) pour être en mesure d'acceuillir les bateaux de grande capacité. C'est sur ses capacités techniques que la plateforme portuaire marseille veut marquer sa différence : son site de Léon Gouret, où l'ensemble de ses terminaux ont bénéficié dernièrement d'extension, est en mesure de traiter six paquebots de grande capacité en simultanée. Des atouts qui commencent à opérer puisque le géant mondial RCCI a enfin retenu Marseille comme destination avec 31 escales programmées en 2014.

Réparation navale : carte essentielle pour attirer les paquebots
Pour Jacques Truau, le développement d'une activité connexe de réparation navale "est une carte essentielle pour attirer les paquebots". Cette activité, qui dispose déjà des radoub 8 et 9, s'est vu renforcée en 2012 par la décision du GPMM de relancer la forme 10, outil portuaire en friche de 465 m de long et 85 m de large. Son exploitation a été confiée au consortium composé de Mariotti, de San Giorgio del Porto via sa filiale CNM, et de STX France. Le GPMM consacrera 21 M€ à cet outil qui sera en mesure de traiter des bateaux de 300 mètres et devrait être opérationnelle en 2015.

Renouveau portuaire à Fos
Rétrogradée dans sa place de premier port méditerranéen au profit d'Algésiras (90,9 Mt) en raison de la perte de la perte de trafics d'hydrocarbures et notamment d'une décision d'une raffinerie allemande de basculer ses trafics de Fos à Trieste, la principale porte d'entrée maritime des hydrocarbures en France mise désormais sur le conteneur. Avec 1,062 MEVP, soit deux à quatre fois moins que ses voisins de l'ouest méditerranéen, le trafic de conteneur est loin de compenser la perte dans les vracs liquides qui contribuent toujours à un peu plus de 60 % de son trafic. Mais la dynamique est enclenchée, souligne Marie-Hélène Pasquier, secrétaire générale de l'Union maritime et fluvial (UMF) qui oeuvre, au travers de l'association Via Marseille-Fos, pour la promotion de la place portuaire et la conquête de nouveaux trafics . "Le trafic de conteneur était en croissance de 6 % en 2013 après 16 % en 2012, alors que Barcelone (42,4 Mt) était en repli. Nous avons reconquis la totalité des clients que l'on avait perdus à cause des grèves répétées. Il faut désormais capter de nouveaux trafics maintenant que nous avons restauré la fiabilité de l'outil grâce à la réforme portuaire." Au Sud, Marseille veut notamment regagner les chargeurs de l'axe rhodanien, un arrière-pays autrefois captif pour Marseille-Fos, qui fait l'objet aujourd'hui d'une compétition accrue en provenance d'Anvers et Le Havre. Avec en prolongement de cet axe, les régions des pays limitrophes : Suisse, Allemagne ou Nord de l'Italie.

Attractivité logistique
Pour prouver, chiffres à l'appui, que Marseille Fos est, depuis la réforme portuaire de 2011, aussi compétitif et fiable que les autres ports européens, Via Marseille Fos a fait mesurer la performance du passage portuaire dans ses installations. Le bilan de cette initiative, diffusé à l'occasion du salon SITL qui s'est tenu du 1er au 4 avril 2014 à Paris-Villepinte, "montre que Marseille Fos est au niveau des standards européens pour le taux de productivité des portiques. Il atteint 29 mouvements/heure en moyenne nette et jusqu'à 45 mouvements en productivité maximale. Le temps de séjour moyen d'un conteneur sur le terminal à l'importation est passé de 6 jours en 2012 sous la barre des 4,5 jours en 2013". En revanche, le taux d'utilisation des procédures administratives ferro et fluvio maritimes a régressé de 25 % en 2012 à 22 % en 2013.
Si la compétitivité d'un port se mesure à l'aune de l'efficacité de ses outils, elle dépend aussi de la capacité logistique du port et de la densité des liaisons terrestres avec l'hinterland qui renchérissent ou non le coût du pré/post acheminement. Pour la secrétaire générale de l'UMF, l'attractivité logistique de Marseille-Fos se confirme, citant les installations, ces deux dernières années, de Maison du Monde, Mattel, Katoe Natie... Le groupe Charles André vient du reste d'annoncer aussi la semaine dernière qu'il envisageait de réaliser 34 000 m2 d'entrepôts destinés au stockage de produits dangereux à Distriport. Le logisticien de Montélimar (26) investirait plus de 20 M€ dans ce projet pour une mise en service à la fin 2015.

Appel à projets
"Jacques Truau a combattu le principal ennemi de Marseille : cela ne marchera jamais", lance le sémillant Éric Foillard, fondateur et associé gérant de La Compagnie Financière d'Investissement LC2I, le (ré)aménageur de la rue de la République et des Voûtes de la Major. La société s'est associée à Marinov, filiale de Suez spécialisée dans la gestion des ports, pour répondre aux deux appels à projets lancés par le Grand Port Maritime de Marseille pour aménager les espaces mis à disposition dans le cadre de la charte ville port. Il s'agit de l'ancien hanger portuaire "J1", transformé le temps de MP 2013 en lieu d'exposition, et de ses abords immédiats. Soit au total : 21 000 m2 de bâtiment, 10 000 m2 de terre-plein, 750 mètres linéaires de quai et un plan d'eau de près de 4 ha. Les candidats retenus concluront avec le GPMM une convention d'occupation temporaire du domaine public de longue durée, le début de l'exécution de la délégation est prévu en 2018. À ce jour, aucun calendrier n'est strictement défini.

Yachting, relais de croissance
"Nous avons déposé une offre pour l'ensemble".  L'ancien sous-marinier défend un projet de développement axé sur la "grande plaisance" pour accueillir des yachts de plus de 30 m. Selon des estimations concordantes, la flotte mondiale de méga-yachts s'élèverait à 4 700 navires. Il manquerait à ce jour 250 anneaux pour des unités de plus de 40 m en méditerranée occidentale. "Les bassins de la Joliette peuvent accueillir 40 méga yachts, ce qui représenterait un chiffre d'affaires de 94 M€. Un anneau en méditerranée française coûte 50 K€ / ml et le budget de dépenses annuelles locales est estimé à 120 M€", détaille rapidement Éric Foillard, qui estime à 1 250 emplois le nombre d'emplois générés par cette activité.

Entretien d'une quarantaine de capitaines
"Nous avons interrogé une quarantaine de capitaines de méga yachts. Nous avons pu ainsi déterminer le processus de décision qui guide les choix d'implantation. Il s'avère qu'il est double : le propriétaire est souvent un décideur économique majeur, choisit son bateau mais ne s'implique que dans le choix de l'aménagement intérieur. C'est le capitaine qui est le décideur du choix du port d'attache. C'est lui aussi qui gère l'entretien et les réparations (11 semaines en moyenne par an en chantier !)." Fort de ces arguments, le porteur du projet estime que Marseille présente bien des atouts, à commencer par sa proximité immédiate des outils de réparation navale mais aussi sa position centrale dans le polygone Baléares - Porto Cervo - Capri - Monaco/St Tropez et son accessibilité par air et par fer. Mais "nous avons aussi de sévères concurrents : l'instabilité fiscale française, la concurrence de l'Italie et de la Croatie, son image insécure, sa faible culture du luxe et l'absence de vie nocturne, sans oublier que le port fait encore figure de place sociale agitée", poursuit-il.

En l'occurrence, le représentant CGT du port, Pascal Galéoté, a déjà eu l'occasion de dire tout ce qu'il pensait de l'arrivée dans le Vieux-Port de mégayachts et de ses milliardaires.

A.D

*Méridien Mag était partenaire



Photo : Éric Foillard, associé et gérant de la compagnie d'investissement LC2I et Marie-Hélène Pasquier, secrétaire générale de l'Union maritime et fluvial.

Dossier spécial Grande Plaisance dans le magazine, en kiosque le 11 avril.

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