SNCM/ Corsica Ferries : Deux batailles différentes

Retenant une partie des arguments de Corsica Ferries (et de la CGPME), le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération de la collectivité corse de novembre 2012, qui fixait les règles du jeu des obligations de services publiques entre les ports du Continent et de Corse. Acculée par Bruxelles à rembourser 220 M?, en grande difficulté financières, visiblement pas aidée par ses actionnaires, la SNCM a ouvert une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce de Marseille pour récupérer des créances.

tenant une partie des arguments de Corsica Ferries (et de la CGPME), le tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération de la collectivité corse de novembre 2012, qui fixait les règles du jeu des obligations de services publiques entre les ports du Continent et de Corse. Acculée par Bruxelles à rembourser 220 M€, en grande difficulté financières, visiblement pas aidée par ses actionnaires, la SNCM a ouvert une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce de Marseille pour récupérer des créances.

Deux informations se sont télescopées la semaine dernière illustrant l'écheveau juridique, politique et in fine économique dans lequel naviguent actuellement les deux compagnies maritimes concurrentes - l'italienne Corsica Ferries et la marseillaise SNCM - dans le marché de la desserte maritime corse. Un dossier au long cours qui n'en finit plus de rebondir. La première information est tombée jeudi dernier, le 17 octobre, et concerne les OSP, obligations de service public. Alors que le tandem SNCM / La Méridionale vient d'être reconduit dans le cadre de la délégation de service public pour la desserte maritime de la Corse à partir de Marseille, le tribunal administratif de Bastia, qui avait été saisi par Corsica Ferries et la CGPME, vient d'annuler la délibération du 9 novembre 2012 de l'Assemblée territoriale de Corse qui fixait le régime des OSP.


Irrégularité de procédure
Dans son Jugement (n° 1300012 et 1300014), le rapporteur public Christine Castany accède donc à certaines demandes des deux requérants. Sur la forme, elle note une irrégularité de procédure. "Le code général des collectivités territoriales et le règlement intérieur de l'Assemblée ne permettant pas de voter par groupe, le fait qu'un conseiller d'un groupe politique ait voté pour l'ensemble des membres de son groupe non présents a été considéré comme une irrégularité présentant un caractère substantiel".
Sur le fond, la délibération attaquée "prévoyait la mise en place, à compter du 1er janvier 2014, d'un régime d'autorisation préalable, au terme duquel toute compagnie désirant assurer des liaisons entre les ports de Corse et ceux du continent devait soumettre un projet de service et signer avec l'Office des transports de Corse une convention annuelle avant de commencer à opérer. L'instauration de ce régime, plus restrictif que le précédent qui reposait sur un simple régime de déclaration, a été jugée illégale". Charge donc aujourd'hui à la collectivité territoriale de Corse de prouver que ce durcissement des conditions était rendu nécessaire par l'existence d'un besoin réel de service public résultant de l'insuffisance des services de transports réguliers. La juridiction de Bastia a estimé que "le pouvoir donné à l'Office des transports de Corse de modifier le programme et de limiter les capacités des compagnies soumises au régime des obligations de service public limite la liberté du commerce et de l'industrie des compagnies concernées".


Régime des pénalités
Aussi, le rapporteur public reconnaît que la réglementation tarifaire (le tarif plancher pour les passagers non-résidents fixé par référence aux tarifs fixés pour la DSP et le tarif plancher pour le transport de fret roulant qui est égal au tarif plafond de la DSP) "avait pour conséquence d'avantager les titulaires de la DSP au détriment des compagnies soumises au régime des OSP et d'exclure toute concurrence par les prix entre les compagnies maritimes".
Enfin, le régime des pénalités prévues en cas de manquement "a été considéré comme méconnaissant le principe de proportionnalité des peines, dès lors qu'il était prévu qu'une pénalité de 2 M€ s'appliquerait quels que soient la durée et les motifs du manquement". Lire : le régime de pénalités établit des sanctions pécuniaires d'un montant disproportionné par rapport aux manquements que la collectivité entend réprimer.

Autant dire que le jugement avalise la plupart des arguments (de discrimination) défendus depuis toujours par le directeur général de Corsica Ferries, Pierre Mattéi, pour lequel les règles du jeu actuelles ne sont pas conformes à la libre concurrence au regard du droit européen voire qu'elles sont construites pour légitimer les actuels délégataires dans leur exercice. "Le Tribunal précise une nouvelle fois que le service public ne peut se concevoir que s'il est précisément et dûment justifié par une insuffisance des services des compagnies présentes sur la desserte maritime Corse/Continent. Or, l'offre de services des trois compagnies présentes est jugée très largement supérieure à la demande, ce que Corsica Ferries affirme depuis longtemps (...) Au-delà et c'est le sens de l'arrêt de ce jour, la concurrence doit s'exercer équitablement pour proposer des services adaptés et à bon marché", a-t-il réagi dans un communiqué. Et c'est d'ailleurs au titre de ce dernier argument que la CGPME, représentée par Me Sabine Nauges, s'est associée à ce combat.


La SNCM en procédure de conciliation
C'est sur un autre plan que se bat la principale accusée. À quelques heures de la tenue d'un Conseil de surveillance de la société à Paris ce vendredi 18 octobre, Marc Dufour, le président du directoire, a reconnu en conférence de presse que la SNCM avait ouvert mi octobre une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce de Marseille "pour récupérer des créances en attendant notre retour à l'équilibre prévu d'ici à deux ans." Un bruit qui courait depuis quelques jours et qu'avait avivé la CFE-CGC en annonçant dans le journal Le Marin "une possible organisation de la mise en défaillance de la SNCM par le groupe Veolia Environnement". Mais que ne voulait pas confirmer le Tribunal de commerce de Marseille en raison du "caractère confidentiel" de la procédure (contrairement à la procédure de sauvegarde). Pour rappel, précisent les greffes de Marseille, la conciliation ne conduit pas nécessairement à un dépôt de bilan (c.f un article du Monde du 18 octobre qui titrait "vers un dépôt de bilan") même si elle ne mène pas forcément à une issue favorable. Et l'entreprise n'est pas encore en cessation de paiement sinon elle ne serait pas recevable. Le conciliateur aura donc pour mission de récupérer des créances, "qui sont de deux ordres", explique le directeur de communication de la compagnie Pierre Jaumain, les premières auprès des autorités publiques corses : 23 M€ liés aux surcharges fuel que la Corse n'auraient pas payées depuis 2011. Et 19 millions au titre des subventions publiques au titre de l'actuelle DSP. Les secondes concernent une demande exceptionnelle de trésorerie pour couvrir ses besoins de financement de court terme : une somme de 30 M€ que Jean-Marc Janaillac, le P-d.g de Transdev (filiale transports de Veolia, son principal actionnaire à hauteur de 66 %), se serait engagé à verser "dès lors qu'un plan crédible assurant le retour à l'équilibre de l'activité aura été approuvé par le conseil de surveillance". Et celui-ci, qui prévoit la suppression à terme de près de 600 postes et le renouvellement d'une partie de la flotte, fut avalisé lors du dernier Conseil de surveillance avant l'été. Mais, selon la CFE CGC, le conseil d'administration du groupe Veolia le 27 septembre dernier aurait refusé ce soutien en raison notamment des démêlées judiciaires de la société (elle est sommée par Bruxelles de rembourser 220 M€ de subventions publiques jugées trop perçues dans le cadre de la DSP 2007-2013) et par crainte d'être taxée de "soutien abusif" et/ou "gestion de fait". Lors de la conférence de presse, Marc Dufour a donc insisté sur l'urgence de la situation. La société perd plus d'1 M€ par mois. En 2012, elle affichait un résultat en négatif de 14,2 M€. Pour un chiffre d'affaires de 191,5 M€.

A.D

©Terzian

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