SNCM : Le redressement judiciaire permet-il d'échapper aux injonctions européennes ?

La direction, les syndicats et les représentants des actionnaires ont rendez-vous ce mardi 7 octobre en préfecture de PACA à Marseille pour une nouvelle réunion de médiation sous l?égide du médiateur de la République nommé par le gouvernement, Gilles Bélier. Ce sera l'avant-dernier rendez-vous avant la fin de partie prévue le 28 octobre. Seul le redressement judiciaire permettrait d'échapper au remboursement. C'est en tout cas la thèse défendue par les actionnaires, excepté les salariés. Mais la faisabilité juridique reste à démontrer.

On le sait depuis le départ de l'ex-président du directoire Marc Dufour : il n'est plus question du projet à long terme, qui avait pour hypothèse l'arrivée de quatre navires Ropax de dernière génération. C'est désormais de "discontinuité" dont il est question, sous entendu un redressement judiciaire et cession d'une partie de l'activité, selon l'équation défendue par la nouvelle direction : seul un passage par le redressement judiciaire permettrait d'échapper aux sanctions européennes. Et sans cette purge, pas de repreneurs possibles. Olivier Diehl, arrivé fin mai à la tête du directoire de la SNCM, ne cherche d'ailleurs pas à cacher la nouvelle option, soutenue par un alignement (récent) des positions des actionnaires tant privé que public, Transdev-Veolia et l'État. Ce n'est juridiquement pas si automatique selon les spécialistes du droit. Seule la disparition de l'activité économique de la SNCM (autrement dit la liquidation) mettrait fin à l'obligation de récupération des 220 M€ d'aides jugées illégales.


Fin de partie le 28 octobre

La direction, les syndicats et les représentants des actionnaires ont rendez-vous en préfecture de PACA à Marseille pour une nouvelle réunion de médiation ce mardi 7 octobre sous l'égide du médiateur de la République nommé par le gouvernement Gilles Bélier. Ce sera l'antépénultième rendez-vous avant la fin de partie prévue le 28 octobre, conformément aux termes de l'accord en forme de moratoire qui avait permis de mettre fin à la grève en juillet dernier.

Si à l'ordre du jour de la feuille de route figurent un certain nombre de points dont celui de trouver un avenir pérenne à l'entreprise, c'est l'épineuse question des contentieux européens qui subordonne tout le reste alors que les différentes approches juridiques de la France pour échapper au couperet bruxellois ne semblent pas aboutir.


La discontinuité permet-elle d'assurer le maintien de la DSP ?
La question est d'une grande complexité juridique. Une chose est admise : les offres de reprise seront conditionnées par le maintien de la DSP actuelle et son transfert (voire l'obtention d'une nouvelle DSP) avec la garantie que le repreneur ne trouve pas, dans la corbeille, l'obligation de rembourser. Selon les spécialistes du droit, tout l'enjeu sera de veiller à ce que la Commission ne puisse pas considérer qu'il y ait "continuité de l'activité économique" de la SNCM. Le périmètre de reprise devra donc être inférieur à celui de l'activité actuelle, à la fois en termes d'actifs, de CA, de salariés et de valorisation comptable.
La SNCM tire aujourd'hui ses ressources de trois activités : la desserte maritime de la Corse au départ du port de Marseille en DSP (activité mobilisant quatre navires, représentant 66 M€ de CA et 604 emplois dont 489 CDI), trafic vers le Maghreb (deux navires, 50 M€ du CA et 328 emplois dont 215 CDI) et enfin, le transport vers la Corse depuis Nice et Toulon, Sardaigne hors DSP (42 M€ de CA et 1 035 emplois dont 787 CDI). Le repreneur éventuel devra donc très certainement faire l'impasse sur le marché du Maghreb et se limiter à la seule DSP.


Jurisprudence européenne
La jurisprudence européenne (cas de Sernam, Alitalia et Olympic Airways) indique que lorsqu'une cession en bloc des actifs s'accompagne d'une reprise de la majorité des passifs, elle est considérée comme une continuité économique. "Le repreneur éventuel de Sernam, placé alors en redressement judiciaire, ne sera pas redevable des 642 M€ d'aides d'État dont a bénéficié le groupe dans les années 2000," avait indiqué la Commission européenne le 4 avril 2012, estimant que "la marque, le réseau, la flotte et les alliances commerciales disparaîtront et qu'une seule une partie limitée de ses actifs sera reprise".


Le transfert de la DSP n'est pas non plus une affaire simple
À la lumière également de la jurisprudence européenne, le risque existe que le changement de cocontractant exige une nouvelle mise en concurrence. Dans ce cas, et dans la mesure où les offres seraient subordonnées à l'attribution de la nouvelle DSP, l'appel d'offres devra avoir abouti avant l'audience devant le tribunal examinant les offres. En clair, que son calendrier soit compatible avec celui du redressement judiciaire ! Une autre problématique se pose : quid de la position de La Méridionale, codélégataire de l'actuelle DSP, qui pourrait s'opposer à la résiliation du contrat ? L'ensemble de ces contraintes allonge, de surcroît, la période d'observation d'une entreprise, hautement tributaire des réservations, lesquelles seront inéluctablement impactées par la situation.

La Corse, acquéreur des navires
Dans le cas de l'attribution d'une nouvelle DSP, il ne faut pas non plus exclure que l'exécutif corse, via ou non une SEM, se porte acquéreur des navires de la SNCM pour les confier au délégataire de la nouvelle DSP de pure exploitation. Paul Giacobbi, le président PS du Conseil exécutif corse a réitéré, lors de la dernière session de l'assemblée, sa position sur le sujet.

Casse sociale
Des différentes hypothèses envisagées - que ce soit la reprise par un seul repreneur de l'activité de la DSP et des lignes vers le Maghreb ou de la reprise des activités par des repreneurs différents ou bien de la reprise de la seule DSP avec les salariés ou encore de la seule reprise des actifs de la DSP sans les salariés, ou enfin, de la liquidation de l'ensemble des actifs avec vente aux enchères des navires -, les mieux disantes parviendraient à préserver 36 % des effectifs tandis que le seul maintien de la DSP se solderait par la suppression de la moitié des emplois actuels (2 030). Sans parler des impacts collatéraux : la sous-traitance est estimée à 1 200 emplois sur Marseille et 800 en Corse. Le PSE coûterait alors, selon les options, entre 118 et 223,7 M€.

Trafic en berne
Pendant ce temps, la SNCM, qui affiche un déficit d'exploitation de l'ordre de 40 M€ par an, a présenté un trafic en repli en Corse de 7,2 % dans un marché en baisse de 4 %. Sur la haute saison, de mai à août, la SNCM a perdu 281 074 pax par rapport à la même période de 2013. Ses parts de marché sur la Corse s'établissent désormais à 15,8 % contre 24,9 % en 2013 tandis que sa concurrente opérant au départ de Toulon s'arroge désormais 66,8 %, gagnant plus de 7 points sur un an.

 A.D

Photo : ©Terzian


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