Stade Vélodrome : quel modèle économique ?

Une aréna de nouvelle génération est-elle un moyen de sécuriser les ressources d?un club et soulager les finances publiques ? Avec 67 000 places, le Vélodrome assure une jauge de 60 000 places pour des concerts. L?exploitant place le curseur de sa rentabilité à 15 grands événements hors foot et 2 millions de spectateurs par an. Le club escompte 4 M? de ressources supplémentaires pour atteindre 29 M? de chiffre d?affaires annuel et porter son réseau d?entreprises partenaires à 600 contre 300 actuellement.

Une aréna de nouvelle génération est-elle un moyen de sécuriser les ressources d'un club et soulager les finances publiques ? Avec 67 000 places, le Vélodrome assure une jauge de 60 000 places pour des concerts. L'exploitant place le curseur de sa rentabilité à 15 grands événements hors foot et 2 millions de spectateurs par an. Le club attend, pour sa part, quelque 4 M€ de ressources supplémentaires, et espère aussi porter son réseau d'entreprises partenaires à 600 contre 300 actuellement.


À Marseille, rivalités et alliances ne cessent de s'inverser. Voilà que le stade Vélodrome, arbre magique de la Ville, se met à battre la guigne. Après trois années de travaux, l'un des totems de la cité portuaire, qui sera inauguré le 6 septembre, devait être dévoilé au grand public dans sa version rénovée, couverte et agrandie, le 17 août, à l'occasion du premier match "à domicile" de son prestigieux locataire, l'Olympique de Marseille. Or, le club phocéen vient de décider de fouler pour la première rencontre de sa saison les pelouses du Mosson, à Montpellier, dans la région voisine du Languedoc-Roussillon. Point d'acmé d'une tension entre le locataire et le propriétaire depuis le Conseil municipal du 30 juin, fixant à 381 000 € par match (et donc pour l'occupation de 19 à 25 jours par an) le tarif de location que la municipalité a revisité sur la base des nouvelles prestations offertes par sa nouvelle aréna. Au total, une facture de 8 M€ par saison* contre 1,5 M€ auparavant (cette redevance forfaitaire ayant été réduite à 50 K€ pendant la phase de transformation du stade).

Pourquoi l'affaire est-elle médiatisée seulement aujourd'hui ?

Si les négociations sont ardues depuis quelques semaines et que la presse s'en empare aujourd'hui, la question est pourtant discutée depuis quelques années dans la salle des séances du Conseil municipal. C'est en 2006 que la municipalité a engagé la réflexion sur la reconfiguration du Vélodrome et de ses abords. En 2008, le conseil municipal l'a votée à l'unanimité et en 2009, le lancement de l'opération et le recours au contrat de partenariat public privé ont été approuvés. Et depuis que l'équation du montage financier est connue - un coût de construction à 267,27 M€ (hors immobilier) dont 132,5 M€ de contributions publiques (67 % par la Ville de Marseille et à 33 % par les partenaires publics : État : 28 M€, CG13 : 30 M€, MPM : 20 M€ et Région : 12 M€) -, la majorité municipale UMP et l'opposition socialiste ferraillent à ce propos. Conçu en PPP, ce mode de financement astreint en effet la Ville, qui a souhaité rester propriétaire des lieux en refusant la possibilité d'un bail emphytéotique, à payer pendant 31 ans une redevance annuelle brute de 23,5 M€ (dont il faut déduire 12,5 M€ de recettes garanties par l'exploitant et le loyer payé par l'OM) à Arema, une filiale de Bouygues**, choisie pour exploiter le stade. Une facture que la collectivité cherche à alléger en ayant recours au naming (marque accolée au stade) garantissant 6 M€ de revenus et en revoyant donc son contrat avec son occupant, lequel aurait découvert le montant de sa nouvelle annuité il y a peu de temps (faire une telle annonce en période électorale n'aurait pas été très porteur !). Le club emblématique de Marseille estime qu'il perdrait dans ces conditions 3,5 M€ par an, encaissant 1,2 M€ de recettes par match (prix des places grand public allant de 190 € à 990 € et de 1 400 € à 8 500 € pour les entreprises).


Coup de bluff ?
"Cette décision coûtera en réalité 1,1 M€ à l'OM en coûts d'organisation, de perte de billetterie, de déplacements...", a réagi par communiqué Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, à la décision du club de se délocaliser. Le bras de fer OM/Ville ne trompe pas les avisés, qui pronostiquent un dénouement "heureux" assez rapidement : "la mairie abdiquera et le contribuable paiera car ils sont condamnés à s'entendre. Les positions ne sont pas tenables", témoigne le directeur de communication d'une entreprise partenaire de l'OM sous couvert de l'anonymat. Et d'ailleurs, dans le même communiqué, le sénateur Gaudin tente déjà la médiation : "la Ville pourrait proposer d'appliquer les conditions de mise à disposition du Stade Pierre Mauroy au LOSC à Lille. Soit 5 M€ de part fixe, une part variable de 20 % déclenchée à partir de 17,5 M€ de billetterie et l'application de la taxe sur les spectacles à hauteur de 8 %."


Diversifier et maximiser les revenus les jours de relâche sportive

Au-delà de la polémique, une aréna de nouvelle génération est-elle un moyen de sécuriser les ressources d'un club et soulager les finances publiques ? C'est ce que défend Roland Blum, l'adjoint au maire en charge du développement économique, qui attend de l'exploitant-gestionnaire Arema l'optimisation de l'investissement avec l'organisation de concerts, de spectacles et d'événementiels les jours de relâche sportive... Avec 67 000 places, le Vélodrome (deuxième de l'Hexagone après le Stade de France) assure une jauge de 60 000 places pour des concerts. L'exploitant place le curseur de sa rentabilité à 15 grands événements hors foot et deux millions de spectateurs par an.
Au club, la nouvelle enceinte offre 6 000 places VIP soit 3 500 de plus qu'avant, avec 57 loges (de 8 à 30 places) et 8 500 m2 d'espaces privatisables (en sus d'une table gastronomique et d'un bar VIP) à un tarif affiché de 64 400 € à 150 000 € HT. Une nouvelle capacité sur laquelle le club gage pour tirer 4 M€ de ressources supplémentaires, tablant ainsi sur un chiffre d'affaires généré par le business entreprises de 29 M€, tout en doublant son réseau d'entreprises partenaires (600 contre 300 actuellement). L'OM, dont le chiffre d'affaires consolidé s'établissait à 90,3 M€ fin juin 2013, tire ses ressources à 60 % des droits TV et à 40 % avec la billetterie, le sponsoring et le merchandising.

Folie des grandeurs ?
En termes de programmation, pour l'heure, il est question des six matches de l'Euro 2016, trois rencontres de la tournée de novembre du XV de France, dont les joueurs n'avaient plus joué à Marseille depuis cinq ans et de deux à trois présences du Rugby club toulonnais (RCT) par an. Quant aux événementiels, la question est jugée prématurée par les services de la ville, qui comptent néanmoins faire de ce nouvel équipement un point névralgique de l'Écoquartier qui doit sortir de terre sur 100 000 m² avec un centre commercial, deux hôtels, une clinique, des bureaux et quelque 600 appartements entre le stade et le lit de l'Huveaune dont les berges seront aménagées.

Paré de toutes les vertus, la ville de Marseille gage aussi sur son "nouvel objet-monde", après le MuCem, pour servir de levier en vue du titre de Capitale européenne du Sport en 2017 (la Française devrait savoir le 6 novembre si elle l'emporte sur la bulgare Sophia). Et ainsi entretenir son capital de notoriété acquis avec le label Ville européenne de la Culture en 2013.

 

Adeline Descamps

* La Ville suit en cela la recommandation de la Chambre régionale des comptes, qui dans un rapport à charge publié en octobre 2013, dénonçait un "agrandissement (qui) excède largement les besoins habituels de la ville" et des conditions de location du stade à l'OM en deçà de la somme réglementaire à acquitter en comparaison des tarifs pratiqués par d'autres clubs français.

** Arema est en charge de la rénovation et restructuration (via sa filiale, GFC Construction), de la maintenance et de l'exploitation du stade.

Photo d'archives : Le stade vélodrome au fil de sa construction

© Almodovar


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