Bruno Nivière : "Le chef d'entreprise craint encore de venir consulter en amont"

J21, formation des juges, loi Macron, réforme des droits des contrats… Les sujets de réforme ne manquent pas. Ce qui remet en cause, voire bouleverse l'organisation interne du tribunal de commerce de Marseille, le deuxième de France, comme l'explique son président. Sans parler de la prévention des difficultés des entreprises.

Entré officiellement en fonction le 1er janvier dernier, Bruno Nivière préside depuis cette date le tribunal de commerce de Marseille. Un tribunal, second de France après Paris, qui a eu à traiter des dossiers aussi lourds et complexes que la reprise de la SNCM. Une mise pour l'occasion sous les feux des projecteurs de juges dont la fonction n'est pas toujours bien comprise, du grand public d'abord, mais même du chef d'entreprise souvent. Un juge qui est lui-même, dans le civil, chef d'entreprise. Et qui est donc a même de comprendre, décrypter et analyser les problématiques du dirigeant. Un juge non professionnel qui n'en subit pas moins les réformes imposées par les lois initiées notamment par l'ancienne Garde des Sceaux, Christiane Taubira et même par celle d'Emmanuel Macron.

Connue sous le raccourci de J21, la loi Justice du 21ème siècle n'a pas été sans provoquer un certain mécontentement...

Cela a été la principale pierre d'achoppement. Malgré le départ du gouvernement de Christiane Taubira, cette réforme va se mettre en place. Elle prévoit notamment que les juges âgés de 70 ans soient démissionnaires. Or, on devient souvent juge consulaire lorsque l'on est installé dans la vie, professionnellement et financièrement. Par conséquence, cela nous fait perdre de la connaissance et de l'expérience. Ce que nous aimerions obtenir c'est que 70 ans soit l'âge de la dernière élection possible.

La formation des juges a aussi été un sujet d'échanges vifs...

C'est une bonne pratique qui devient obligatoire et qui est assurée par l'Ecole nationale de la magistrature. Au tribunal de commerce de Marseille, cela fait longtemps que nous avons anticipé cela. Nous ne présentons pas un juge en renouvellement de mandat (les juges sont élus pour un mandat de deux ans qui peut être renouvelé successivement pour trois mandats de quatre ans NDLR). Chaque année nous avons plus de candidats que de postes. Le recrutement passe par l'UPE 13 et la CGPME 13. Cette année, lors de la rentrée solennelle de janvier, nous avons accueillis 13 nouveaux juges sur un effectif de 80.

Le tribunal de Marseille dispose d'une spécificité qui est de disposer d'une chambre de la concurrence.

Le tribunal dispose de 12 chambres : 7 chambres de contentieux général dont une chambre spécialisé dans la concurrence, 3 chambres de procédure collective, un chambre du droit des transports et une chambre d'appel des causes. Huit tribunaux de commerce sur 134 en France, disposent d'une chambre de la concurrence, qui s'occupe notamment de concurrence déloyale. Autre spécificité depuis le 1er mars, suite à la loi Macron, le tribunal de commerce de Marseille est l'un des 18 tribunaux de commerce que compte l'Hexagone a avoir la compétence pour les grosses procédures collectives, celles qui concernent les entreprises dépassant un effectif de 250 salariés ou 40 M€ de chiffre d'affaires et implantées dans un périmètre comprenant les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes de Haute-Provence.

La réforme - en cours - du droit des contrats est un sujet qui va impacter le tribunal de commerce.

Cette réforme mobilise le monde des tribunaux de commerce. C'est la première réforme importante du Code civil de Napoléon (une ordonnance a été promulguée le 10 février dernier. Elle vise à faciliter les échanges entre acteurs économiques et introduit des modifications qui ont des conséquences sur la négociation et la rédaction des contrats NDLR) et elle est applicable au 1er octobre prochain. C'est un sujet qui touche également les avocats et les juristes d'entreprise. Les mentions des contrats seront très peu des dispositions impératives, elles seront plutôt supplétives, laissant davantage la part au parties. Certains parlent d'américanisation du droit. C'est une réforme majeure.

Les présidents des tribunaux de commerce exhortent les chefs d'entreprises à venir expliquer leurs difficultés, et ce, le plus tôt possible. Ce comportement est-il enfin rentré dans les mentalités ?

Malheureusement non. La cellule de prévention des difficultés intervient soit sur indication du greffe, soit suite à une procédure d'alerte du commissaire aux comptes, soit encore parce que le chef d'entreprise lui-même entreprend la démarche de venir au tribunal. Il y a un travail de fond des métiers du chiffre et du droit qui tentent de convaincre leurs clients de venir en amont expliquer leurs difficultés au tribunal. Dans l'esprit latin, une difficulté d'entreprise est un échec. Dans l'esprit anglo-saxon, on dit au contraire que l'on n'a pas réussi dans la vie si l'on n'a pas connu au moins un échec...

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