Conjoncture : vraie reprise… ou pas ?

Les indicateurs de croissance, d'emploi, de production ou des transactions semblent être tous être passés au vert. Et ça dure. Un frémissement annonciateur de reprise tangible ou fragile ?

L'embellie, voilà le maître-mot qui résume le territoire en 2017, confirmant la séquence d'amélioration déjà observée en 2016. Deux ans d'embellie conjoncturelle, c'était du plus vu... depuis 2010... "Cela fait plusieurs années que nous encouragions le monde économique à ne pas se désespérer. Aujourd'hui nous retrouvons des niveaux d'inflation qui permettent de mettre du lubrifiant dans cette reprise. Nous ne sommes certes pas aux 2 % espérés par la Banque Centrale Européenne, mais nous nous situons dans des taux au-delà de 1 %. Il fallait sortir de ces zones rouges... La reprise se confirme donc dans le monde, en France et en Provence-Alpes Côte d'Azur", affirme Jean-Jacques Cambounet, le directeur régional de la Banque de France.

Plus, plus, plus

Car à l'échelle régionale en effet, les prévisions des 1 000 chefs d'entreprises interrogés en début d'année par l'établissement public, déjà optimistes, ont été revues à la hausse. Les indicateurs ne connaissent désormais qu'une seule couleur, ils se mettent tous au vert. C'est le cas dans le domaine des services marchands, et ce malgré les effets des attentats de Nice, avec des transactions qui progressent de 6,2 % dans celui de l'industrie, avec une croissance de 4,7 %... mais aussi dans le secteur de la construction, qui se redresse enfin sensiblement, avec une progression de 3,4 %. A Nice, la Fédération du BTP indique une hausse des mises en chantier de plus de 30 % par rapport à 2016, tout comme une hausse enregistrée dans la consommation des matériaux de construction, notamment pour ce qui est du ciment et du béton prêt à l'emploi. Du côté de la CCI Nice Côte d'Azur, l'étude menée sur le premier trimestre de l'année fait part d'une économie azuréenne qui respire mieux et affiche 1% de croissance, alors même que l'attentat du 14 juillet 2016 a évidemment laissé des traces. C'est même l'industrie qui mène le jeu, les entreprises avec un effectif inférieur à 50 salariés voyant leur chiffre d'affaires engendrer un +5 % du meilleur effet.

Une envie d'investir

Ces mêmes tendances s'observent aussi via les chiffres du baromètre Eco-Expert analysés par Lionel Canesi, président de l'Ordre des experts-comptables Marseille PACA. "Nous sentons notamment une envie d'investir. L'an dernier le sur-amortissement avait engendré un effet d'aubaine. Or cette année, cette mesure est caduque et pourtant, les entrepreneurs continuent d'investir". Et s'ils n'hésitent pas à mettre la main au porte-monnaie pour moderniser ou doper leurs capacités de production, c'est bien parce que tous les éléments moteurs sont réunis pour cela, analyse à son tour Maurice Wolff, vice-président de la CCI Marseille Provence délégué aux filières et grands projets métropolitains. "La recette de la croissance, c'est deux éléments : un carnet de commande et de la confiance. Aujourd'hui, nous avons les deux. Cette confiance est insufflée sur le plan national, avec des outils qui se mettent en place, comme ceux posés sur la table via la Loi travail. Et ce qui a été positionné par le président parle à toutes les entreprises".

Libéralisation et simplification

C'est effectivement l'avis de Lionel Canesi, qui n'hésite pas à égrener les impacts positifs qu'elle pourrait engendrer. "Licencier est toujours très douloureux. Avant d'en venir à cela, le chef d'entreprise baisse son salaire ou refuse des chantiers". Ainsi, la flexibilité insufflée par la loi travail, notamment à travers des dispositifs tels que le contrat de chantier, permettrait de décrisper les choses et d'embaucher lorsque l'activité le nécessite. "Si chaque PME ou TPE françaises recrutait ne serait-ce qu'un salarié, cela résoudrait déjà en grande partie le problème du chômage"... Autre mesure qui permettrait aussi de lever un frein à l'embauche, la fusion des organes de représentation du personnel. "Beaucoup d'entreprises ne veulent pas dépasser le seuil de 10 ou 50 salariés et ne font pas croître leur masse salariale à cause de ça. Et après, on se plaint que l'on n'a pas assez d'ETI... Il faut aller dans le sens de la libéralisation et de la simplification".

Des bémols, malgré tout

Mais il faut toutefois rester nuancé. Outre les incertitudes d'ordre géopolitique, les facteurs exogènes liés à la parité euro/dollar, pouvant peser sur l'inflation, "l'évolution de la dette publique reste problématique, elle en est aujourd'hui à 230 % du PIB. Ce peut être synonyme de risques de tensions sur les marchés. On vient de vivre une période où l'endettement était quelque chose d'indolore, un Etat comme la France pouvait s'endetter à un intérêt négatif. Si on est sur une reprise réelle, les taux d'intérêt vont remonter et ce qui ne coûtait rien va coûter quelque chose, ce qui peut être gênant", avance notamment Jean-Jacques Cambounet.

Et puis, la confiance des entrepreneurs, c'est quelque chose de volatile. Elle peut vite s'altérer sous le coup de décisions jugées néfastes pour le monde économique. "La loi de finances 2018 avance des facteurs d'attractivité pour le territoire France. Il faut vraiment que l'on atteigne le but de ces marqueurs-là, et ne pas dériver vers des choses qui vont faire du mal aux entreprises. Exemple avec la baisse du taux du CICE de 7 à 6% de la masse salariale... Nous serons vigilants sur l'impact que cela va occasionner en termes de hausse du coût du travail", martèle Maurice Wolff.

Jean-Pierre Savarino, le président de la CCI Nice Côte d'Azur ne dit pas autre chose et fait appel à son "pragmatisme" de chef d'entreprise, espérant que la "mobilisation" activée pour les réformes ait vraiment été entendue. "Le moral des chefs d'entreprises est bon mais sous certaines conditions". Et de dire que la disparition du CICE est une fausse bonne nouvelle, car "nous ne retrouverons pas le même volume en baisse de charges". Et si certaines entreprises ont certes retrouvé des couleurs, elles ne doivent pas être l'arbre qui cache la forêt de celles qui sont encore à la peine. "Il est essentiel de travailler sur des solutions à moyen et court terme pour combattre le chômage, pouvoir embaucher et croître".

Lionel Canesi, enfin, montre du doigt le facteur temps : "l'élection d'Emmanuel Macron a été suivi d'une espèce de béatitude. Il est vrai que l'entrepreneur a envie d'avancer à un moment, donc d'y croire. Mais si le président n'insuffle pas de mesures concrètes dans les trois mois à venir, cet enthousiasme peut tout aussi vite retomber. Pour garder sa confiance, un dirigeant a besoin de visibilité".

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