L'Italian Sounding ou l'effet "Canada Dry"

Ils en ont le nom, l'aspect, parfois le goût mais pas l'origine : en créant la confusion, ces produits se présentant comme transalpins portent tort à ceux qui le sont vraiment. Une distorsion de concurrence qui agace de l'autre côté des Alpes et dont s'empare la CCItalienne de Nice.
(Crédits : DR)

Ils font pour la plupart partie de la conscience collective, surfant allégrement sur ce qu'un produit à consonance italienne évoque pour le consommateur : du bon, du vrai, de la qualité. Mais en fait, ils sont une sorte d'effet Canada Dry, du nom de cette boisson américaine très en vogue dans les années 80 et dont le slogan lui faisait dire qu'elle avait la couleur et le goût de l'alcool sans être... de l'alcool.

Pas tout à fait du pareil au même

C'est le cas par exemple des pâtes Panzani, de la liqueur Sorrentini ou de la mozzarella Maestrella... Des noms qui "sonnent" italien alors qu'en fait, il n'en n'est rien. Les premières sont espagnoles, produites par le groupe Ebro, la seconde bien française et la troisième, nantaise. Une confusion sciemment entretenue qui trompe le consommateur au moins sur l'origine du produit mais qui surtout cause du tort aux producteurs italiens, qui eux, respectent les conditions du Made in Italy.

Et c'est exactement ce qui provoque l'ire des professionnels de l'agro-alimentaire et avec eux le Ministère italien du développement économique qui a décidé de passer à l'offensive en organisant une série d'événements destinés à sensibiliser le client final, c'est-à-dire le consommateur. Une façon de le prendre à témoin en lui demandant de faire les bons choix, dès l'achat.

Sur le terrain ce sont les chambres de commerce italiennes qui sont chargés d'aller porter la bonne parole à coup de rencontres, de conférences, d'animations... Toute une panoplie d'actions concrètes pour démontrer, expliquer, faire goûter ce que sont les vrais produits italiens, cuisinés ou concoctés dans les règles de l'art. C'est-à-dire  selon les recettes reconnues.

A titre d'exemple, moins de 30 restaurants sont labellisés Ospitalità Italiana dans les Alpes-Maritimes. Les 5 critères exigés pour être ainsi estampillés sont en effet stricts, exigeant que le personnel parle italien, que les ¾ des vins soient d'origine transalpine comme les ¾ des plats, que le chef ait étudié ou revendique une expérience importante en Italie et que l'huile d'olive qui ne manque pas d'être servie provienne... d'olives italiennes.

Il est bon, mon produit...

Sensibiliser les consommateurs c'est en fait une autre façon de combattre la distorsion de concurrence. Car du côté des producteurs, c'est un véritable coup de Trafalgar économique. Ainsi selon une étude, 6 produits sur 10 vendus à l'étranger n'ont rien d'italien dans leur origine. C'est donc toute une partie du marché de l'approvisionnement en produits made in Italy qui est "enlevée" aux producteurs italiens.

C'est ce qu'explique Enrico Bardini, le président d'Agrimontana, entreprise basée dans le Piémont et à Monaco et qui fournit deux gammes de produits, l'une pour les particuliers et l'autre destinée aux chefs pâtissiers et chocolatiers avec des fruits confits et marrons italiens. Depuis 5 ans, elle fournit aussi les ingrédients pour le fameux "gelato". Cette glace à l'italienne copiée et recopiée mais sans la qualité et la recette originelle. Et c'est là que le bât blesse. Car certains fournisseurs proposent des produits qui n'ont de gelato que le nom. "Notre arrivée sur ce marché est récente mais le problème auquel nous sommes confrontés est bien plus ancien", explique Enrico Bardini.

La solution ? Peut-être un début de réponse existe-t-il avec Artisti di Gelato, une association qui réunit les 50 à 60 meilleurs glaciers respectueux du cahier des charges définissant ce qu'est le gelato... Car pour Enrico Bardini, ceux capables de défendre les valeurs du produit transalpin, ce sont les artisans eux-mêmes, "pas un organisme national qui édicte les règles".

Ambrogio Invernizzi, le patron d'Inalpi, producteur de lait, poudre de lait et fromage qui emploie 130 salariés pour un chiffre d'affaires de 145 M€ indique que le "Made in Italy" est très recherché. Et que la demande est tellement forte qu'il est difficile de lui répondre intégralement. Ce qui laisse des brèches pour les non-italiens. Celui qui est aussi fournisseur de Ferrero plaide pour une loi qui permettrait de donner la bonne et juste information au consommateur. Et qu'à l'instar du slow food, peut-être créer un symbole. Mais évidemment, "il faut donner la bonne éducation au consommateur".

BtoB aussi

Une loi, c'est justement ce qui est en préparation au niveau de la législation européenne. Sauf qu'elle ne pourra sanctionner que l'effet de concurrence déloyale. D'où les actions menées par les CCI italiennes à l'étranger : convaincre et prouver par les papilles. Mais aussi organiser des rencontres BtoB entre producteurs et distributeurs français et italiens, les uns devant mieux connaître les produits d'excellence des autres.

Un workshop organisé à l'automne à Milan a déjà permis à 104 producteurs de rencontrer 16 distributeurs européens. En mars, c'est à Bologne que la même rencontre au sommet va être menée avec 105 entreprises italiennes engagées, 80 % d'entre elles étant labellisées bio.

"Cette opération permet de redonner de la visibilité à l'Italie", reconnaît Agostino Pesce, le directeur de la CCItalienne à Nice, qui explique aussi que cela n'est que la partie émergée de l'iceberg. Que plus on s'éloigne de la Botte, plus la "contrefaçon" est élevée. "Plus on s'éloigne de l'Italie, plus la réponse à la demande est remplie par des faux", relève Agostino Pesce. La même opération re-séduction est donc également menée aux Etats-Unis ou en Asie.

Autant dire qu'il y a du "pane" sur la planche.

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