Grasse Expertise ou quand les parfumeurs se mettent au marketing territorial

Elle est jeune – moins d'un an – mais extrêmement volontaire. Lancée précisément pour valoriser son territoire et ses compétences, la marque, créée par le Club des entrepreneurs, réussit à réunir les professionnels de la filière arômes et parfum autour de leurs intérêts communs. Un challenge qui va au-delà de la notion d'image.
(Crédits : DR)

Grasse est fondamentalement associée au parfum. L'un se fond presque dans l'autre et c'est à la fois historique tout autant que volontaire. Entendre par là que d'une réalité industrielle, séculaire et donc de savoir-faire divers et complémentaires, le territoire a décidé d'en faire une marque. A l'heure où le marketing territorial est devenu un axe de différenciation tout autant que stratégique, il serait dommage de ne pas faire ici ce qui se fait ailleurs.

Grasse Expertise est donc d'abord née d'un constat. Pas dressé par une agence de conseil mais par les entrepreneurs eux-mêmes. Car à la manœuvre, c'est le Club des entrepreneurs de Grasse qui a posé la réflexion. "Il y a trois ans, nous avons établi que nous disposions d'un écosystème qui devait être valorisé et protégé", explique Jacques Pain, président alors du Club, désormais vice-président. "Nous avons donc créé un label spécifique qui concerne l'ensemble de la chaîne de valeur, du producteur au produit fini". Ce qui concrètement concerne la production de plantes à parfum, la création de parfums et d'arômes, la fabrication de produits aromatiques naturels, la connaissance des produits de synthèse, l'emballage, le packaging, la logistique, les produits cosmétiques, bougies parfumées et flacons de parfum.

Action disruptive

L'idée n'est alors pas tant de communiquer même si c'est bien sûr le cas en toile de fond, mais bien davantage de contribuer à la pérennisation de savoir-faire multiples. Grasse Expertise devient donc une marque collective. Qui plus est, son appellation fonctionnant aussi bien en français qu'en anglais, apporte la dimension internationale qui va bien. En filigrane, les objectifs reposent sur un triptyque : soutenir l'agriculture locale - notamment la production de plantes à parfum -, promouvoir les expertises locales et contribuer à la création d'emplois.

"C'est une action disruptive, nous sortons des schémas administratifs pour retrouver l'authenticité d'un territoire au travers de sa chaîne de valeur", détaille Jacques Pain. "Nous ne faisons que déployer les différents pétales qui viennent de la même racine".

Grasse Expertise est officialisée en juin 2017 après deux ans de réflexion et de coopération collective. C'est dire si les choses n'ont pas été laissées au hasard. Et c'est bien pour cela que ce label ne se galvaude pas. Pour y prétendre, il y a des règles à suivre ou plutôt des caractéristiques à posséder : être localisé véritablement en Pays de Grasse, contribuer de manière significative au rayonnement des savoir-faire et soutenir les producteurs de plantes à parfum. "Ce label n'est pas apposé comme on apposerait un coup de tampon sur un timbre que l'on oblitère" dit Jacques Pain. Les membres, une trentaine (28 exactement), recouvrent les différents métiers concernés, preuve s'il en est de l'obligatoire synergie entre chacun d'eux. "L'objectif n'est pas de reproduire le Grasse d'antan mais de mettre en place les éléments nécessaires à l'économie du futur" pose Jacques Pain.

"Exceptions" qui deviennent la règle

L'économie du futur voire le futur tout court, c'est bien cela que la marque a dans le viseur. Comme toute industrie, celle du parfum nécessite un écosystème fort, qui fonctionne par capillarité et qui soit capable d'anticiper les besoins de demain. Il est aussi forcément question d'attractivité. Chanel ou LVMH sont implantés en Pays de Grasse. Mais d'autres majors pourraient aussi trouver ici des réponses à leurs besoins en R&D, en approvisionnement de plantes à parfum ou tout autre compétences en biologie, en réglementation, en analyses... "Les groupes internationaux viennent par Grasse Expertise", assure Jacques Pain. Même Givaudan, naguère l'une des figures emblématiques de Grasse, revient au Pays à travers le rachat de la PME Expressions Parfumées. Surtout, c'est la démarche "Fleurs d'exception", en réalité le rassemblement des producteurs de plantes à parfum qui pèse dans la balance. Ce regain d'une activité ancestrale, portée par la propriétaire du Domaine de Manon à Plascassier, Carole Biancalana, est un peu le symbole de toute la démarche : partir des bases historiques pour construire l'avenir. "Nous avons accompagné l'installation de 14 agriculteurs en dix ans" revendique Jacques Pain. Côté économie de demain, l'implication récente du Club des Entrepreneurs au sein du mouvement French Tech Côte d'Azur est un autre signe à considérer. Comme celui de la reconnaissance de la démarche Grasse Expertise au sein de l'Opération d'intérêt régional consacrée à la naturalité et pilotée par la Région Sud Provence Alpes Côte d'Azur. "Tout cela c'est grâce à la stratégie des 3C", assure Jacques Pain. "Confiance, collaboration et collectif". Un mantra qui ne vaut sans doute pas que pour les parfums et les arômes...

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