Christian Estrosi : "Le made in France et le patriotisme industriel sont plus que des slogans"

L'innovation, la nécessité de multiplier les brevets, le pari des écotechnologies... Le président de la Métropole Nice Côte d'Azur et président délégué de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur explique pourquoi sa stratégie se révèle payante et comment elle structure l'attractivité du territoire.
Christian Estrosi, maire de Nice et ancien ministre de l'Industrie.
Christian Estrosi, maire de Nice et ancien ministre de l'Industrie. (Crédits : Viglietti)

LA TRIBUNE - Alors ministre de l'Industrie, vous évoquiez lors des États généraux de l'industrie la place qu'allait prendre l'innovation dans le secteur. Président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur en 2016, vous insistiez sur la nécessité de partir à la reconquête industrielle. Depuis sont nées l'Alliance industrie du futur et la French Fab. Va-t-on dans le bon sens ?

CHRISTIAN ESTROSI  - Ministre de l'Industrie sous la présidence de Nicolas Sarkozy, je me suis en effet aperçu très tôt que certaines filières industrielles françaises, alors balbutiantes, avaient un extraordinaire potentiel de création de croissance et d'emplois. Et que ces acteurs pouvaient aller très loin, partir à la conquête de marchés internationaux si la puissance publique savait les accompagner avec intelligence. Le made in France et le patriotisme industriel étaient, pour moi, plus que des slogans. Ils devaient constituer le fil rouge de la mutation de l'industrie de notre pays, plus que jamais nécessaire pour réaffirmer la place de la France dans la compétition économique européenne et internationale. C'est ce qui guide mon action à Nice et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Je suis heureux d'avoir été précurseur, et de voir aujourd'hui que cet état d'esprit est partagé.

L'industrie tente de modifier son image, de montrer que, aujourd'hui, elle est propre, verte, innovante, exportable. Sur quel levier doit-elle s'appuyer ou sur lequel insister ? Comment concilier innovation et industrie ? Comment être meilleur dans la délivrance de brevets ?

L'industrie est à la fois la source et le vecteur de grandes innovations technologiques pour notre économie et notre société. Un territoire qui ne met pas les moyens pour soutenir l'innovation est un territoire qui ne prépare pas l'avenir et qui ne fait pas émerger d'emplois. C'est un territoire qui se meurt. Faire déboucher des brevets, c'est planter des graines fertiles. Dès 2015, j'ai fixé comme objectif à notre région de doubler le nombre de brevets déposés sur son territoire. Que ce soit dans les domaines tels que la santé, la mobilité, la sécurité et l'environnement, j'ai fait le choix de l'innovation. Je me suis notamment battu pour que le CEA Tech, premier organisme de recherche au monde en termes de brevets, s'installe en 2017 sur le territoire de la Métropole Nice Côte d'Azur. Aujourd'hui, il diffuse auprès des entreprises locales des outils technologiques et des compétences qui leur permettent d'innover et de conquérir de nouveaux marchés dans les domaines de la smart city, des technologies des éco-industries et de la santé connectée.

Cette industrie verte est le socle de la création de l'Éco-Vallée. Vous le répétez souvent, on ne vous a pas forcément cru lorsque vous évoquiez l'idée de faire d'une partie du territoire la vitrine des écotechnologies. Aujourd'hui l'Éco-Vallée est-elle telle que vous l'aviez imaginée ?

Quand je suis devenu maire en 2008, j'ai hérité d'un territoire tourné vers une monoactivité économique, à savoir le tourisme. Je suis au côté des professionnels locaux de ce secteur, je me bats pour eux et pour développer le tourisme de congrès. Mais il était de ma responsabilité aussi d'engager une diversification de notre économie locale. Donc, j'ai fait le choix de mettre tout le monde autour de la table et de tout mettre en oeuvre pour que Nice soit le territoire de développement de toutes ces nouvelles filières et des industries innovantes. J'ai voulu que l'Éco-Vallée soit, en effet, l'épine dorsale et la vitrine de ce nouveau modèle de développement, qui proposerait un idéal de cadre de vie, alliant logements écologiques et de qualité, transports en commun innovants, lieux de formation, pépinière de startups et d'emplois. Ce pari un peu fou, nous sommes en train de le gagner ici.

Le sujet de l'industrie du futur pose également celui des compétences. Comment former les actuels salariés de l'industrie et les futurs entrants ?

En faisant vivre un écosystème local et en faisant travailler ensemble sur des projets concrets les acteurs de la recherche et de l'enseignement, les grands groupes industriels, les startups et les acteurs publics. Par exemple, au cœur de cette Éco-Vallée, nous sommes en train de construire la technopole urbaine Nice Méridia. Desservi par la nouvelle ligne de tramway Ouest-Est que nous avons commencé à ouvrir en juin, ce quartier orienté croissance verte mêlera art de vivre, commerces de proximité, startups innovantes et établissements de recherche publique et privée, comme l'Institut méditerranéen du risque, de l'environnement et du développement durable (Imredd), établissement de 5.000 mètres carrés que nous construisons avec l'université Nice-Sophia-Antipolis et dont nous avons posé la première pierre, en mars dernier, avec le Premier ministre. Il ouvrira à la rentrée 2019 et accueillera 500 étudiants et 200 chercheurs, des formations autour de la smart city, et initiera ainsi concrètement les futurs ingénieurs à ces secteurs industriels prometteurs. Nous avons également engagé à Nice Méridia la construction du campus régional de l'apprentissage et de la formation qui accueillera chaque année des centaines de futurs salariés et dirigeants d'entreprise.

La structuration en filières, comme le permettent les opérations d'intérêt régional, est-elle une façon de faire émerger plus vite les projets industriels ?

Dès l'arrivée de notre équipe à la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, j'ai voulu engager une politique de reconquête industrielle en donnant à tous les territoires de la région les moyens de développer leurs spécialités, de faire grandir les clusters et de créer des emplois innovants. J'ai donc lancé plusieurs opérations d'intérêt régional (OPI) qui constituent le bras armé de cette stratégie économique de spécialisation. Elles rassemblent dans une logique de projet industriel l'ensemble des compétences nécessaires et des talents. Elles ont trois objectifs : générer 1 milliard d'euros d'investissement public et privé, créer 50.000 emplois et attirer 500 implantations d'entreprises. Nice en bénéficie et est soutenue notamment dans sa volonté de développer sur son territoire le secteur de la santé connectée et de bâtir la Cité européenne d'innovation en santé.

Vous avez attiré des industriels tels EDF, Cisco, IBM. Lesquels faut-il encore convaincre ? Comment concilier industrie du futur et attractivité du territoire ?

Pour moi, les choses sont simples : si un élu, par confort politique ou renoncement, ne se donne pas les moyens d'investir, il prépare un territoire rabougri qui perdra des emplois et qui n'aura pas de perspective à proposer à ses habitants. Donc oui, moi, je suis un élu qui assume d'avoir permis à Nice Côte d'Azur, par l'investissement, de se doter de grands équipements structurants qui faisaient défaut à Nice, ce qui la freinait considérablement dans son développement.

Quand j'engage un plan d'investissement sur le territoire de 140 millions d'euros par an, quand je dote Nice de deux nouvelles lignes de tramway innovantes, du nouveau stade Allianz Riviera ou du parc de la promenade du Paillon, quand je bâtis l'Éco-Vallée, quand j'accueille le plus grand programme de R&D d'Europe sur la transition énergétique avec Interflex, quand je mène chaque année des opérations de piétonnisation et d'embellissement de notre ville et de son patrimoine exceptionnel, quand je lance un plan de soutien aux commerces de proximité, quand je mène des opérations de rénovation urbaine dans nos quartiers populaires, quand je fais de Nice une terre de grands événements culturels, festifs et sportifs... Non seulement, j'améliore concrètement le cadre de vie des habitants, mais j'envoie aux grands acteurs économiques et industriels l'image d'un territoire qui innove, qui est attractif et qui leur donne envie d'investir, de s'installer et de créer des emplois. Je tiendrai bon ce cap, parce que ces choix ambitieux portent leurs fruits, pour le bien de toutes et tous.

Propos recueillis par Laurence Bottero

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Commentaire 1
à écrit le 19/11/2018 à 19:15
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mais oui investissez en france! passez vos 30 prochaines annees a ne pas voir grandir vos gosses car vous etes au travail si vous voulez vous degager un salaire, ca partira en irpp par contre vous cautionnerez les invetsissements avec votre maiso...

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