Lionel Canesi : "Plaidoyer pour un ministère des TPE/PME"

Par Lionel Canesi, président de l'Ordre des experts-comptables Marseille PACA  |   |  549  mots
(Crédits : DR)
Monsieur le Président, il est urgent de créer le Ministère des TPE et PME. Non pas dans l’objectif d’opposer de façon démagogique, inutile et stupide les multinationales et les structures à taille humaine, mais simplement au nom d’un principe de réalité et, nous sommes nombreux à le penser, d’efficacité économique.

C'est aujourd'hui un constat désolant : Bercy raisonne, réglemente, encadre, façonne l'économie en limitant le spectre de sa réflexion aux seules spécificités des entreprises du CAC 40 ou du SBF 120. L'immense majorité des lois votées par le parlement n'intègre pas la notion de taille des entreprises, comme si l'EURL de 3 salariés fonctionnait selon les mêmes règles qu'une multinationale de 300 000 collaborateurs.

Ce n'est pas faire injure aux hauts fonctionnaires que de souligner leur absolue méconnaissance de l'univers, simple, réactif, pragmatique des TPE/PME. Mode de management, implication personnelle du dirigeant, nature des contrats,  structure juridique et capitalistique, relations sociales, implantation géographique, règles comptables...  l'inventaire des différences aurait pu inspirer Prévert. Il est urgent qu'il inspire celles et ceux qui légifèrent, qui réglementent et qui décident.

Pourquoi l'urgence d'un Ministère des TPE et PME ? Parce qu'il en va de l'emploi, de la croissance, mais aussi du lien social, de l'équilibre urbanité/ruralité aujourd'hui mis à mal.

3 millions de TPE/PME sont dans les starting blocks

Un Ministère disposant d'une compétence transversale, en capacité d'agir sur tous les domaines qui impactent la vie quotidiennes des structures à taille humaines (droit social, droit fiscal, volet environnemental, normes, financement, etc.) et d'inspirer des lois adaptée à ces entreprises de proximité créatrices d'emplois non délocalisables et ancrées dans leurs territoires.

3 000 000 de TPE/PME, sont aujourd'hui dans les starting blocks et font la démonstration de leur agilité et de leur réactivité dès lors que l'occasion se présente. L'exemple de la prime de 1 000 €, sans charges ni impôts devrait balayer les doutes des plus sceptiques. Dès le lendemain de l'annonce de cette mesure, des milliers d'entrepreneurs ont contacté leur expert-comptable pour connaître les modalités de mise en œuvre de ce dispositif et faire ainsi bénéficier leur équipe de cette prime exceptionnelle.

Plus de souplesse dans le droit du travail pour les entreprises de moins de 50 M€ de CA, allégement de la fiscalité, des charges sociales, des normes qui pèsent sur leur activité, mesures d'incitation à l'apprentissage et à l'alternance... La France aurait tout à gagner à remettre son tissu économique de proximité au centre du jeu.

Dans ces entreprises, contrairement aux grands groupes, les salariés constituent bien souvent le capital le plus précieux, jamais une variable d'ajustement en cas de contraction du carnet de commandes. Quand un patron de TPE PME doit se séparer d'un collaborateur, c'est bien souvent une déchirure.

Un Ministère des TPE et PME aurait aussi le mérite de réhabiliter l'image et par ricochet, l'attractivité de ces entreprises. Nombre d'entre elles ont du mal à embaucher aujourd'hui, leurs offres d'emplois ne sont pas pourvues ce qui devient choquant et à bien des égards inquiétant dans un pays où le chômage reste scotché à 9% de la population active.

Faisons confiance aux TPE PME pour faire grandir la France. Développons un environnement juridique et social adapté à leur besoin et soyons ambitieux,  mais réalistes : si une TPE sur dix embauchait un nouveau salarié, ce seraient au total 300 000 Français qui retrouveraient le chemin de l'emploi.  Un tel enjeu, Monsieur le Président, vaut bien un Ministère !