Anton Lissorgues  : "Le touriste chinois est plus friand des nouvelles technologies que les autres"

La France accueille chaque année plus de 2 millions de touristes chinois et vise 5 millions à l’horizon 2020. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs attentes, et notamment celles de la nouvelle génération, plus indépendante que son aînée ? Comment l’industrie hôtelière s’organise pour les capter ? Eléments de réponse avec le R responsable de la filière Hôtellerie chez Mazars France.
(Crédits : DR)

Quel est le poids de la destination France sur le marché du tourisme chinois ?

Le marché français est le premier marché européen de destination avec plus de 2 millions de touristes chinois accueillis par an. Toutefois, la part de marché qu'elle occupe en Europe a tendance à s'étioler : elle était de quasiment 35% en 2006, elle stagne aujourd'hui aux alentours de 25%. Cela ne veut pas dire pour autant que la France devient moins attractive aux yeux de cette population, bien que les différents événements macro-économiques et sociaux aient pu altérer son image, mais que les destinations concurrentes se positionnent plus frontalement sur cette cible dont les dépenses à l'étranger représentent, selon l'Organisation mondiale du tourisme, 21% de l'ensemble des recettes du secteur touristique. Ceci dit, la France reste en haut du podium européen avec un tourisme chinois haut de gamme attiré par son histoire, sa culture, son art de vivre.

Quelle est sa spécificité ? Quelles sont ses attentes ?

On distingue deux tendances dans le tourisme chinois. Le touriste dit classique, lequel s'est ouvert au tourisme dans les années 80. Il privilégie les voyages organisés, des formules généralement courtes avec une durée moyenne de présence dans les villes étapes qui se compte plus en heures qu'en jours. D'où la recherche de services permettant d'accélérer la logistique, d'améliorer l'organisation du séjour comme les check in check out automatiques ou plus généralement le contrôle de la chambre et de ses équipements (TV, chauffage, lumière...) à distance. Et puis, il y a les dits millennials, ceux nés dans les années 2000, soit environ 420 millions de personnes (31% de la population chinoise). Eux ont tendance à privilégier le tourisme individuel. C'est lié à l'essor des nouvelles technologies, au fait de pouvoir planifier son voyage de manière autonome et au développement de services de paiement compatibles aux moyens de paiement chinois. A cet égard, une étude commandée par Hotels.com datant de 2018 met en exergue la capacité à prendre en charge les services de paiement tels que UnionPay ou Alipay comme l'un des principaux critères de choix d'un hôtel par un touriste chinois individuel.

Le touriste chinois s'avère-t-il donc plus friand des nouvelles technologies que les autres ?

Clairement. C'est une des leçons de notre étude "Artificial Intelligence : a gamer changer in the Hospitality industry". Nous avons demandé à des touristes américains, anglais, français, allemands et chinois s'ils choisiraient plus volontiers un hôtel proposant des services faisant appel à l'innovation et à l'intelligence artificielle plutôt qu'un autre. Les Chinois se disent à 75% influencés par ces services dans leur décision d'achat, contre 31% en moyenne pour les Occidentaux.

Quels sont ces services si influents ?

Pour le touriste chinois qui voyage en groupe, on l'a vu, les services plébiscités se concentrent sur la rapidité et la commodité. Les millennials vont plutôt chercher une expérience, de la personnalisation. En cela, ils se rapprochent des touristes occidentaux.

Le secteur hôtelier a-t-il pris la mesure de ces attentes ?

Tous les grands groupes internationaux ont clairement identifié cette clientèle au potentiel gigantesque. Pour rappel, la Chine est depuis 7 ans le premier pays émetteur de touristes dans le monde. De ce fait, tous ont mis en place des actions pour développer leur référencement sur les réseaux sociaux et moteurs de recherche chinois. Certains, comme Louvre Hotels Group, ont noué depuis plusieurs années déjà des partenariats afin de proposer dans leurs hôtels européens des solutions de paiement, en l'occurrence UnionPay. D'ailleurs, le fait que AccorHotels, Louvre Hotels Group ou encore Le Club Med aient ouvert leur capital à des investisseurs chinois plaide en ce sens. Ils peuvent accéder plus facilement à des partenariats structurants et à une plus grande visibilité en Chine.

Quid des hôtels indépendants, lesquels représentent 75% du paysage hôtelier français ?

Le tourisme chinois est un marché où la barrière à l'entrée est plus élevée que les autres. Pour la rompre, il y a nécessité d'investir fortement pour se faire connaître de la clientèle chinoise, la capter et lui proposer des services capables de la satisfaire. En cela, les chaînes et grands groupes hôteliers sont mieux armés que les indépendants, lesquels, à mon sens, doivent s'interroger sur les efforts à fournir au regard des résultats attendus. A moins de passer par des moyens alternatifs : contracter avec des petits tours opérateurs chinois, arriver à créer une communauté dédiée ou encore trouver des ambassadeurs comme cet hôtel du sud de la France qui avait accueilli le mariage d'une personnalité chinoise connue et qui depuis, le buzz sur les réseaux sociaux aidant, a pu développer cette clientèle.

Les territoires, offices de tourisme et autres comités régionaux du tourisme peuvent-ils aider les indépendants à cibler ce public ?

Je le pense. Pour développer l'attrait de l'hôtellerie indépendante auprès de la clientèle chinoise, il faut des organismes, des associations, des affiliations qui permettent le partage de moyens.

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