Patrick Errard : "En santé, l'IA ouvre le champ des possibles"

De la télémédecine à la robotique, de la prescription à l'intervention chirurgicale, les nouvelles technologies infiltrent chaque segment de la santé. Avec ses promesses actuelles (et futures), l'intelligence artificielle apporte une brique à multiples facettes, comme le détaille le président d'eHealthWorld, le rendez-vous BtoB qui se tient à Monaco, par ailleurs co-président de la commission Innovation du MEDEF.
(Crédits : Pixabay (CC0 Creative Commons))

La Tribune - L'intelligence artificielle semble avoir pris une place prépondérante dans l'univers de la santé. Quels sont vraiment ses impacts ?

Patrick Errard - L'intelligence artificielle a une influence de trois façons. D'abord elle "ubérise" d'une certaine manière la médecine en permettant à des non-professionnels de la santé d'avoir accès à des activités interagissant avec le patient. En radiologie, l'IA algorithmique permet de faire une lecture automatisée, avec une finesse d'analyses des images bien supérieure à celle de l'œil humain. Elle offre aussi la possibilité de faire un dépistage des mélanomes et dire, par scanning de la peau, s'il existe un risque de dégénérescence. Tout cela entraîne l'arrivée de nouveaux métiers. L'intelligence artificielle promeut aussi une économie participative en imposant des partenariats entre l'industrie de la santé et les industries qui sont spécialisés dans le développement de solutions numériques ou d'IA, comme Watson ou Google par exemple. La troisième conséquence est l'augmentation de la mobilité. L'IA permet de réaliser à distance ce que l'on faisant auparavant en se déplaçant. C'est le cas de la télémédecine. La télémédecine qui est d'ailleurs une réponse à la désertification médicale, pour des consultations à distance, des premières opérations de dépistage.

L'IA bouleverse également le métier de médecin...

Il y a une grande promesse de l'intelligence artificielle qui est d'augmenter la performance du médecin et de l'homme. Elle permet de réaliser ce que faisait le médecin avec le bistouri, avec précision et pertinence. C'est ce que fait l'IRCAD à Strasbourg avec son champ opératoire virtuel qui permet au chirurgien de visualiser l'anatomie du patient. Autre élément, le transhumanisme - qui n'est pas l'eugénisme - offre la capacité de réparer le génome. On peut imaginer réparer des maladies génétiques avant même la naissance de l'enfant.

Ne faut-il pas distinguer les différents niveaux d'IA ?

En effet, lorsque l'on parle d'intelligence artificielle, il existe trois niveaux. Il y a d'abord l'IA faible qui est programmatique, verticale et algorithmique. Puis il y a la super IA, qui se différencie de la précédente par un détail, mais qui compte, qui est sa capacité à interpréter ce qu'elle voit en fonction du contexte et de l'environnement. Concernant les résultats d'un scanner par exemple, l'IA faible ne contextualise pas les informations. La super IA est une IA interprétative contextuelle, ce qui fait chuter la probabilité de se tromper. Cette différence peut paraître subtile mais elle est essentielle. Puis existe l'IA forte. Mais nous en sommes encore loin, elle ne devrait pas émerger avant 20 à 30 ans. L'IA forte est une IA qui a la conscience d'elle-même, qui est capable d'acquérir des fonctions cognitives et donc potentiellement des émotions. Y aura-t-il des conséquences de l'IA forte en médecine ? Probablement. Mais nous sommes encore loin de quelque chose de réaliste.

Lors d'eHealthWorld, vous évoquez la place de l'industrie pharmaceutique dans l'innovation...*

Est-ce le métier de l'industrie pharmaceutique de développer des solutions expertes ? Je ne suis pas sûr. Sur sa place dans l'augmentation de l'efficacité, je suis archi-convaincu. Cette collaboration avec des systèmes experts pour prédire l'efficacité du médicament est une évidence. L'industrie du médicament est condamnée à être collaborative.

Vous êtes également co-président de la commission Innovation du Medef. Comment travaillez-vous sur ce sujet ?

C'est une commission que je co-préside avec Anne Lauvergeon. Nous avons regroupé différents pôles experts en voiture autonome, développement durable, énergie, santé, des juristes spécialisés en droit brevetaire, des spécialistes de l'IA. Nous essayons de trouver un dénominateur commun. Nous travaillons à comment rendre la France plus compétitive. Nous regardons là où se situent les écarts les plus importants et nous proposons au gouvernement des solutions pour réduire les gaps. Il n'y a par exemple pas d'équivalent du MIT en France. Nous travaillons avec Frédérique Vidal (ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation NDLR) à une solution pour développer une formation d'excellence. A plus long terme, il faudra s'inspirer du modèle américain ou chinois, c'està-dire réfléchir à réunir les industriels, la recherche, l'enseignement et les experts sur un même site pour éviter la dispersion et que les progrès soient plus rapides. L'Europe est très en retard mais ça va dans le bon sens. Il faut développer les startups, l'essentiel de l'innovation se trouve dans un cocon qu'est la startup. D'ici la fin de l'année, nous devrions faire des propositions au gouvernement.

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