Philippe Renaudi - UPE06 : " Nous devons être fiers de nos capitaines d'industrie comme nous sommes fiers de nos sportifs qui gagnent"

Alors que le MEDEF fait sa rentrée dès ce 28 août avec une Université d'été désormais dénommée sous le nom de REF, acronyme pour la Rencontre des Entrepreneurs de France, le patron des patrons des Alpes-Maritimes parle des changements à effectuer – mentalités comme habitudes – de pression fiscale, de solutions pour créer de la croissance et de commerce. Histoire de concrétiser "Nos futurs".

Geoffroy Roux de Bézieux avait promis un MEDEF de chargement. La REF en est l'une des concrétisations. Le thème général s'intéresse à "Nos Futurs" et pose la question de quel capitalisme demain. Quel peut être le rôle de l'entreprise et du chef d'entreprise dans cette quête d'un monde nouveau, plus égalitaire et respectueux de son environnement global ?

Sur le capitalisme, nous pouvons avoir deux niveaux de réflexion : franco-française et mondiale. En France, le capitalisme est un capitalisme modéré. On compte beaucoup de PME dont les salariés sont actionnaires ou intéressés au résultat. Le politique oriente vers cela. Au niveau mondial, ce n'est pas tout à fait pareil. Les pays émergents pratiquent un capitalisme très dur, qui se préoccupe très peu de l'humain. Certaines grandes puissances économiques se referment également sur elles-mêmes, comme les Etats-Unis, l'Italie ou la Grande-Bretagne. La France, se retrouve donc, avec d'autres pays, en décalage par rapport à la mondialisation. Il est certain que nous devrons faire des réformes et cela est non négociable. Sur certains acquis sociaux, il va falloir accepter d'y renoncer. On ne peut pas refuser certaines réformes. Oui, cela passe par l'entreprise. Mais cela ne se fait pas sans le rôle du politique.

La confiance est-elle de mise chez les entrepreneurs ? Vous évoquiez notamment le sujet dans une tribune que vous avez publiée avant l'été évoquant le pouvoir d'achat et l'attitude de l'Etat qui reprend d'une main ce qu'il a donné de l'autre.

Ce que nous avons mesuré au travers de certaines structures comme le Codefi ou le comité des finances publiques du département, c'est que tous les indicateurs étaient à la hausse. Les entreprises ont retrouvé de la compétitivité, les voyants sont au vert, cela signifie que les entreprises ont retrouvé de la confiance. Emmanuel Macron a modifié la Loi Travail qui, si elle n'est pas allée au bout de nos espérances, est tout de même allée dans le bon sens. Sauf que dernièrement, le gouvernement a pris des positions, qui ne vont pas dans le bon sens, qui fragilisent cette confiance. C'est par exemple le bonus/malus sur les contrats courts.

L'une des conférences proposées par la REF pose la question de la baisse de la pression fiscale. Que faudrait-il pour que l'entrepreneur dispose d'un environnement encourageant ? Quelles sont vos suggestions ?

Selon moi, il existe deux leviers. Le premier est de redonner du pouvoir d'achat aux salariés. La différence n'est pas assez nette entre les personnes qui travaillent et celles sans emploi qui sont indemnisées. Il faut davantage marquer la différence. Et cela peut passer par un effort de l'Etat sur les charges salariales puisque une baisse aurait forcément un impact sur le salarié. Le second levier concerne les taxes de production - CVAE, taxe foncière... - qui reviennent à payer un impôt avant de créer de la richesse. Or cela la concurrence étrangère ne l'a pas. Si on ne paye plus toutes ces taxes, on gagne en compétitivité, on retrouve du chiffre d'affaires et donc on fait du résultat. Et on peut alors conserver une taxation de l'impôt sur le revenu à 28 %. D'autre part les entreprises, de plus en plus, se dirigent vers l'apprentissage et l'alternance. Ce sont deux dispositifs dont il faut redorer le blason, car ils permettent à ceux qui optent pour ces voies, d'obtenir une bonne rémunération. L'Education Nationale va devoir accepter cela. Nous essayons avec Pôle Emploi d'être présent dans les collèges et lycées. Les proviseurs et les conseillers d'orientation sont plutôt convaincus mais c'est surtout les professeurs qu'il faut convaincre car ce sont eux qui peuvent faire changer les jeunes de mentalité.

L'un des débats de la REF s'intitule "que les gros salaires lèvent le doigt" et aborde le sujet de la rémunération des patrons et de la difficulté des Français à voir la richesse d'un bon œil. N'y a-t-il pas d'évolution sur cette impression qu'a le citoyen que le patron de PME n'est pas le PDG de multinationale ?

En France, on a tendance à focaliser sur un cas et à en faire une généralité. On ne prône pas la réussite entreprenariale et cela suscite la jalousie dès que c'est le cas. Dès qu'une entreprise gagne des parts de marchés, on demande immédiatement combien gagne le patron mais on ne se focalise pas sur les succès à l'étranger. Il ne faut pas tout confondre, le CAC 40 porte bien son nom, ce ne sont que 40 entreprises parmi des millions d'autres. On note un changement néanmoins avec les startups. Ce n'est pas le cas avec les capitaines d'industrie, alors qu'ils créent de la richesse. On admire les sportifs qui vont ensuite s'installer à Monaco ou en Suisse mais dès qu'un capitaine d'industrie se verse des dividendes, on le cloue au pilori, sans se poser la question de ce qu'il a fait pour mener son entreprise à l'international, pour lui faire gagner des marchés. Nous devons être fiers de nos capitaines d'industrie comme nous sommes fiers de nos sportifs qui gagnent.

L'UPE06 va consacrer ses Entrepreneuriales en novembre prochain au thème du commerce. Pourquoi ce thème, finalement assez vaste qui évoque notamment la transition numérique et la vitalisation des centre-ville ?

Nous avons décidé de nous focaliser en 2019 sur le commerce.  Il faut redonner vie à nos centre-ville, enrayer la tendance à la désertification. Les Entreprenariales vont permettre de mener des réflexions autour de cela. Aujourd'hui le commerce de proximité comme la grande distribution ont une problématique commune qui est les géants du Net. La question est comment les commerces doivent retrouver leur attractivité ? Pour cela, ils doivent aussi se remettre en question, être inventifs et innovants, proposer tout ce ne propose pas Internet, s'adapter aux nouveaux modes de consommation. Peut-être se spécialiser.

Où en est l'idée de créer un Club des 50 + ?

Une commission dédiée planche sur le sujet. L'idée est de réunir les entreprises de plus de 50 ans et de créer de l'animation autour d'elles, leur permettre des rencontres, des échanges avec des personnalités de la sphère économique avec lesquelles n'ont pas l'habitude d'échanger. Faire en sorte qu'elles puissent s'exprimer. Nous devons aussi les aider à se réinventer. Nous allons également créer un Club Jeunes dans les Alpes-Maritimes, qui emboîte le pas au Comex 40, instauré par le Medef et dont Cédric Messina, le PDG de MyCoach, startup niçoise, est vice-président. L'idée est de faire émerger les nouveaux dirigeants engagés.

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