Christine Welter ou l’hôtellerie en mode reconquête

A la tête du Syndicat des hôteliers de Cannes et du bassin cannois depuis l'été, la dirigeante de deux établissements hôteliers souhaite moderniser l’image du secteur pour contrer le développement d’AirBnB et séduire la nouvelle génération de voyageurs et de travailleurs.
(Crédits : DR)

Cet été, le Syndicat des hôteliers de Cannes et du bassin cannois a vécu une petite révolution. Après 17 années de bons et loyaux services, l'inoxydable Michel Chevillon a en effet passé le relais, après élection, à sa vice-présidente depuis 3 ans, Christine Welter. C'est désormais elle qui sera l'image et la voix des 128 hôtels et résidences adhérents du syndicat, lesquels regroupent un total de 7 760 chambres toutes catégories confondues, soit 95% de l'offre du territoire. Une mission qu'elle aborde "de façon pragmatique" et collaborative avec la mise en place de commissions (Airbnb, Emploi, Digital, Loisirs, Affaires) afin d'exploiter au mieux les compétences de chacun. "Il y a eu toute une période de "faire" qui a placé ce syndicat comme un organisme partenaire reconnu de la Ville, des organisateurs de congrès, des institutionnels de la région. Il faut maintenant le "faire savoir" et casser cette image rigide que l'on peut avoir de l'hôtellerie pour partir à la reconquête des clients et du personnel", explique-t-elle.

Les "naufragés AirBnB"

"Reconquête" : c'est le maître-mot de la feuille de route de cette diplômée de l'Ecole Supérieure de Commerce (ESC) Lille, directrice commerciale et marketing une décennie durant dans de grandes chaînes hôtelières, à Paris et Bruxelles entre autres, avant de franchir le Rubicon à l'aube des années 2000 avec le rachat du Cavendish qu'elle transforma avec son mari en un luxueux boutique-hôtel 4 étoiles. "A l'époque, l'hôtellerie cannoise était beaucoup moins riche qu'aujourd'hui avec d'un côté les hôtels de la Croisette, de l'autre des hôtels de facture moyenne, essentiellement face à la gare. Il y avait donc un positionnement pour ces établissements qui se développaient alors beaucoup sur Paris rive gauche, au service plus personnalisé et prônant un art de vivre à la française", se souvient-elle. En 2007, le couple récidive en mettant la main sur la Villa Garbo qui deviendra une résidence-hôtel de 12 suites-appartements "au service 5 étoiles".

Son engagement syndical, Christine Welter le considère avant tout comme un moyen "de défendre nos métiers, nos valeurs et la ville dans laquelle nous sommes implantés". "Un écosystème complexe", explique-t-elle, "taillé pour l'événementiel" où l'hôtellerie est partie prenante de son développement et de son attractivité, ne serait-ce qu'à travers les chambres gracieusement mises à disposition des organisateurs auxquels les hôteliers reversent des commissions. "Le commissionnement de notre business fait partie de notre schéma depuis longtemps, il n'y a rien de choquant à cela. Ce qui est clivant, par contre, c'est d'accompagner les congrès depuis le début et de voir aujourd'hui la clientèle nous échapper pour AirBnB". La bête noire du secteur s'avère être aussi celle de Christine Welter. "Cannes intramuros, rappelle-t-elle, c'est 5 000 chambres d'hôtels et 8 000 appartements AirBnB, ce qui en fait la deuxième plateforme de France après Paris. Or, ces appartements, souvent du mono-local, ne sont pas tous flambants neufs avec un manque d'hygiène parfois terrible qui s'est traduit cet été par ce qu'on a appelé les "naufragés AirBnB" qui venaient nous voir le matin afin trouver une solution d'hébergement alternative. C'est une vraie problématique qui peut impacter l'image de la ville comme celle des congrès qu'elle accueille et qui demande que l'on travaille tous ensemble".

Pédagogie envers la nouvelle génération

Reconquérir donc. Les clients d'abord. "Il y a aujourd'hui une nouvelle génération de voyageurs qui ne sait pas ce qu'est un hôtel, qu'on est tenu à des normes d'hygiène et de sécurité, qu'on offre des services, une présence H24, une connaissance de la destination..." Un travail de pédagogie s'impose, mené de concert avec ReedMidem. "Il a en effet été décidé que les hôteliers interviendraient sur tous les congrès lors du petit-déjeuner organisé pour les first timers en début de manifestation". La clientèle loisirs n'est pas oubliée. "Nous devons mieux communiquer sur l'offre diversifiée de Cannes. Il y a certes les grands établissements de la Croisette, mais aussi et surtout une hôtellerie indépendante de qualité pratiquant des prix accessibles à tout budget et qui plus est entièrement rénovée". A cet égard, 900 M€ ont été investis dans l'hôtellerie cannoise ces dix dernières années.

Ancrage local et sponsoring

La reconquête passe également par celle du personnel et plus largement des Cannois. "Il faut que l'on renforce l'image locale des hôteliers, que l'on s'ancre mieux dans la ville, parce que finalement, les Cannois ne nous connaissent pas. Ils n'entrent pas dans nos hôtels, or sans nous, Cannes ne serait pas ce qu'elle est". Et Christine Welter de rappeler la contribution du secteur aux finances de la collectivité à hauteur de 4,5 M€ par an en taxe de séjour (quand AirBnB verse 450 000€ - chiffres 2018). D'où le choix de sponsoriser cette année l'équipe féminine de l'AS Cannes Football qui arborera sur son maillot un emblématique "Cannes Hotels Love You". "L'idée est de s'adresser à la jeunesse, de les accueillir pour leur stage de 4e, de faire passer le message que nous avons, dans l'hôtellerie, des jobs pour elles". A condition, toutefois, qu'un certain nombre de freins soit levé pour créer un "environnement propice". "Nous avons besoin de mettre en place des formations en anglais, de débloquer des places en crèches et en centres aérés, de mieux organiser les transports avec un BHNS aux horaires élargis". Les initiatives se doivent d'être là aussi développées en coopération avec, cette fois-ci, Pôle Emploi, les missions locales, la Ville et l'agglomération Cannes Pays de Lérins. "Il ne s'agit pas de réinventer la roue mais de répondre concrètement à des problématiques précises et identifiées". De façon pragmatique et collaborative. La touche Welter assurément.

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