Coronavirus et business : ce qu'il faut faire… ou pas

Alors que le Covid-19 continue de nourrir des craintes, les conséquences qu'il engendre dans l'approvisionnement de produits et composants comme en termes de logistique ont de quoi crisper aussi le monde économique. Pour autant, cette période délicate n'est pas synonyme de mise en suspens des stratégies d'implantation, d'export ou de conquête du marché chinois. C'est ce qu'explique Armand Mazloumian expert de la Chine et fondateur du French Chinese Center à Aix-en-Provence.
(Crédits : Thomas White)

Le coronavirus aura-t-il raison du monde économique et du rouage bien huilé qui lie logistiquement ou industriellement certaines entreprises françaises avec les acteurs chinois ? C'est bien l'une des interrogations que pose la quarantaine provoquée par le Covid-19 en Chine et par voie de conséquence par l'arrêt des usines, des sous-traitances et des exportations. Une situation qui peut se tendre encore davantage et mettre à mal certes des grands groupes mais aussi une myriade de TPE et PME.

"Cette situation est terrible pour la Chine et pour le monde, globalement. Elle a déjà un impact sur le consommateur chinois en Chine", indique Armand Mazloumian, expert de l'Empire du Milieu et fondateur du French Chinese Center, à Aix-en-Provence, organisme conseil auprès des entreprises françaises.

En Chine justement le gouvernement a pris des mesures fortes. Dont cette diffusion de produit désinfectant dans l'air, effectué quotidiennement, à hauteur de bâtiment et qui entraîne une interdiction totale de sortir à l'extérieur. "Les habitants sont confinés et pas uniquement à Wuhan, à Shanghai aussi. Il n'est de toute façon plus possible de se fournir dans les magasins, dont les stocks sont vides". Une situation exceptionnelle qui engendre du coup un impact sur... la vente online. "Certains secteurs explosent. C'est le cas de la santé, du fitness, de l'éducation qui constituent les mots-clés les plus recherchés sur le web", indique Armand Mazloumian.

Evidemment ce ralenti imposé aura un autre impact, sur la croissance chinoise. Atteingnant 6,1 %, on estime qu'elle devrait être affectée de 1,2 point. "L'impact réel demeure encore difficile à mesurer précisément car nous sommes sur du court terme", édulcore Armand Mazloumian. Qui indique aussi que l'une des solutions d'éradication du virus pourrait venir de la... météo. "Les saisons sont très marquées en Chine. Or, il est avancé que le virus pourrait s'éteindre avec la chaleur. Le printemps pourrait voir les températures grimper de 8 à 10 degrés". Entraînant une possible fin de crise...

Adapter sa stratégie

En attendant des jours meilleurs, dans tous les sens du terme, quid des conséquences pour les entreprises tricolores et les autres ?

"Starbucks a annoncé la fermeture de 2 000 de ses 4 000 points de vente, Burberry, de 24 de ses 64 points de vente", indique Armand Mazloumian. "Moncler annonce une chute de 80 % de son chiffre d'affaires en Chine. L'impact sur le retail physique est immédiat. Mais il l'est aussi sur les livraisons". Car quarantaine, confinement, arrêt des lignes de production... tout cela pose la problématique de la livraison. Commander via le Net c'est bien mais quid du dernier kilomètre ? "Une solution est à trouver", confirme Armand Mazloumian.

En attendant, pour ne pas fragiliser encore davantage les entreprises et les relations avec les sous-traitants, les plateformes logistiques telles celle d'Alibaba baissent leur taxe, prolongent le temps de stockage sans faire payer à leurs clients ces délais anormaux.

Une situation exceptionnelle qui, si elle exige de l'attention et demande à s'adapter, ne doit pas pour autant être perçue comme une situation de blocage total. "Les marques ont intérêt à revoir leur stratégie", d'autant que "les Chinois sont les plus grands consommateurs de luxe". D'ailleurs 50 % de la consommation de luxe par les Chinois se réalise à l'extérieur du pays. "Les Chinois représentent 33 % à 35 % des achats du luxe dans le monde", ajoute Armand Mazloumian.

Détail autant amusant qu'inquiétant, le buzz de la Saint-Valentin le 14 février dernier s'est caractérisé par ses bouquets de masques en lieu et place de fleurs, et c'était encore mieux si, à l'intérieur, s'y était glissé du gel hydro-alcoolique.

Rebond de la consommation

Quoi qu'il en soit, les marques ne doivent surtout pas rester paralysées par la situation. Mais demeurer proactives. C'est le conseil du fondateur du French Chinese Center. "Elles doivent se réadapter, montrer leur compassion, revoir en conséquence leur stratégie marketing". Il est donc conseillé de produire du contenu en ligne afin de montrer son implication auprès du peuple chinois. Un peuple qui a de la mémoire et "qui se souviendra des entreprises les ayant soutenu". D'autant que si pour l'heure la consommation est freinée, lorsque la situation reviendra à la normale, il faut s'attendre à un rebond de celle-ci. "Les consommateurs chinois feront du bashing sur les marques qui ne les aurons pas soutenu, a contrario elles iront volontiers vers celles qui se sont montrées présentes et compatissantes". Le web qui constitue un relais non négligeable pour ces mêmes marques, les ventes en ligne enregistrant une hausse de 300 % sur la période.

Dans la même lignée, Armand Mazloumian prédit un "boom des réservations de voyage. Et les Chinois sont d'ores et déjà en train de préparer leurs déplacements. Il est donc essentiel pour les destinations touristiques de continuer à communiquer, à dire qu'elles sont prêtes à accueillir les touristes chinois. C'est maintenant qu'elles doivent insister sur leur communication, et pas dans trois mois".

Concernant le paiement en ligne - Alipay ou WeChatPay sont les moyens dématérialisés prisés - il est tout autant conseillé aux boutiques et magasins de s'équiper en prévision des futurs visites mais là encore, pas sans stratégie adaptée.

Accélération de la digitalisation

Autre conséquence, pas encore perçue, du Coronavirus, la probable accélération de la digitalisation de la Chine. "Lors de l'épisode du SRAS, Alibaba avait développé Taoboao, sa plateforme de vente en ligne, avec un chiffre d'affaires conséquent à la clé. D'autres plateformes vont continuer à se développer et d'autres encore vont émerger", prédit Armand Mazloumian. Qui conseille aux entreprises de ne pas abandonner leur stratégie d'implantation ou de partenariat avec l'Asie. "La Chine demeure un pays important pour le développement export. Le business s'y fera toujours, une fois la crise passée".

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Commentaires 3
à écrit le 20/02/2020 à 16:09
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Cet épisode est intéressant, il y a des années qu'on connait l'embourgeoisement des Chinois qui est logique, et que notre pays aurait du prendre des mesures pour réintégrer une partie de notre industrie car ils ne sont plus des concurrents indétrônab...

à écrit le 20/02/2020 à 14:45
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Sras...Covid 19...chaque fois une étape de plus est franchie en termes de morts et de personnes infectées. Il faut donc s'attendre à ce que la prochaine épidémie soit encore plus meurtrière. Avec le doublement des passagers qui voyageront en avion da...

à écrit le 20/02/2020 à 11:29
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""Les consommateurs chinois feront du bashing sur les marques qui ne les aurons pas soutenu, a contrario elles iront volontiers vers celles qui se sont montrées présentes et compatissantes"" Exactement, ce que ne peuvent pas comprendre les prêche...

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