Françoise Berthelot : “Je n’ai besoin de plaire à personne. C’est ma force”

Présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes en Provence Alpes Côte d'Azur depuis 2017, l’Azuréenne présente un parcours atypique où l'indépendance se dispute à la liberté de ton, au point de pousser la Ville de Marseille à plier sur le dossier du “PPP des écoles”. Portrait d’une architecte pas comme les autres…
(Crédits : DR)

Il est des épisodes de vie qui font une vie. Quelle que soit la forme ou la place qu'ils prennent, ils impriment un parcours au point de le faire dévier de sa trajectoire initiale. Pour Françoise Berthelot, présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes en Provence Alpes Côte d'Azur, c'est à un festival de films à l'organisation initiatique qu'elle doit sa vocation. Nous sommes alors au début des années 70... "Je travaillais à l'Office de tourisme de Chamrousse", raconte-t-elle. "Avec une collègue, nous avions créé un festival de films qui a connu son petit succès, devenant le Festival du film d'humour revendu par la suite à l'Alpe d'Huez". Une réussite vite récupérée par "ces messieurs", lesquels "à l'issue d'une réunion en ont pris la présidence, nous laissant le secrétariat. Je me suis alors dis que je devais absolument trouver un métier différent, un métier où il n'y aurait pas de "messieurs" pour me dire : 'je vais prendre les commandes, et toi les outils' ". Avec ce "ces messieurs" lancé de sa voix légèrement traînante, Françoise Berthelot nous replace dans une époque que l'ère #metoo a relayé au siècle dernier. Sans toutefois la rendre complètement obsolète. Surtout, l'épisode révèle déjà une quête de liberté, d'indépendance, qui ne la quittera plus.

Sans ambages

"Je n'ai jamais eu de plan de carrière, ni même la volonté de monter un grand cabinet, j'avais juste envie de faire de l'architecture", se souvient-elle. A 34 ans, diplôme en poche après des études à Nanterre puis Grenoble, Françoise Berthelot fait donc ses armes chez les constructeurs et les aménageurs fonciers pour lesquels elle développe une expertise dans les permis de construire complexes qui la mènera à la maison individuelle, "le seul marché auquel j'avais accès, en fait". Installée du côté de Menton, elle se fait vite la réputation "de défendre les dossiers jusqu'à la gauche", comprendre "quoi qu'il arrive". Quitte à bousculer un peu le sérail. "Il est vrai que quand j'avais quelque chose à dire, à l'architecte des bâtiments de France ou à d'autres, je le disais". Sans ambages. "C'est un peu ma marque de fabrique. Je suis libre. Il n'y a pas d'enjeu en ce qui me concerne. J'ai mes clients, mes maisons, je n'ai besoin de plaire à personne. C'est donc plus facile pour moi. Et j'en profite."

Changer l'ordre de l'intérieur

C'est en effet cette liberté qui a permis à Françoise Berthelot, en tant que présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes en Provence Alpes Côte d'Azur, d'attaquer et de gagner - "en première instance et en appel" - contre la ville de Marseille dans le dossier dit du "PPP des écoles". Un partenariat public-privé choisi par la Cité Phocéenne pour la destruction de 28 écoles et la construction de 34 autres enterré par la Justice fin 2019, faute d'avoir su démontrer l'avantage de ce montage financier par rapport aux modes d'attribution plus classiques.

"Un gros morceau", sourit-elle, symbole du changement opéré au sein du Conseil depuis son arrivée en 2013 en tant que conseillère, d'abord en catimini, jusqu'à son élection en 2017 à la présidence de la délégation de service public, à l'issue d'une "vraie campagne" qui permettra à sa liste de remporter 11 sièges sur 12. "Lorsque nous avons rejoint le Conseil régional de l'ordre des architectes, Elisabetta Castellano, Véronique Toussaint et moi, on ne nous écoutait pas beaucoup", se remémore-t-elle. "Nous n'avions pas le profil, pas de gros cabinet, pas de commandes publiques, mais cela ne faisait rien. Nous avons bossé, sur beaucoup de sujets, avec l'objectif de changer cet ordre pour qu'il devienne autre chose qu'un vérificateur d'assurance, pour qu'il soit certes toujours le défenseur de la qualité de la création architecturale mais aussi un soutien quand les confrères en ressentent le besoin. C'est ça, l'état d'esprit de mon mandat". Qui devrait prendre fin en octobre prochain, si la crise du Covid-19 ne vient pas repousser l'échéance. "Quoi qu'il en soit, il n'y aura pas de deuxième mandat", affirme-t-elle. "Nous avons fait ce pour quoi nous avons été élus. Cela ne rime à rien de s'accrocher à un pouvoir qui par ailleurs n'existe pas. Je considère cette fonction plus en termes de devoirs que de pouvoirs. Laissons la place aux jeunes ! Ils ont des choses à dire, des envies de changer le monde".

Réflexion sur l'après

En attendant, c'est bien entendu sur le sujet du confinement et de ses conséquences que ce concentrent Françoise Berthelot et son équipe. "On s'active beaucoup sur l'ordonnance du 25 mars qui reporte au 24 juin toutes actions juridiques, y compris les instructions et délivrances de permis. Si cela reste en l'état, l'année 2020 n'existe plus", s'alarme-t-elle. Autre sujet d'inquiétude, la reprise des chantiers. "Une idiotie", juge-t-elle au regard de l'impréparation générale. "Au lieu de se précipiter, prenons ces quelques semaines qui nous séparent du déconfinement pour la préparer vraiment". Et ce, du point de vue sanitaire comme organisationnel, juridique comme financier... Et puis, "nous réfléchissons au monde de l'après", indique-t-elle. "Cette période n'est-elle pas l'occasion d'aider la transition écologique ? De montrer, par exemple, que l'emploi de matériaux locaux a un sens, qu'il faudrait peut-être arrêter d'aller en chercher jusqu'au Brésil ?" Certes, "il y a la nécessité de reprise, de croissance, mais ne peut-on pas trouver les moyens de modifier la société, même un petit peu, pour aller vers le mieux sans se focaliser uniquement sur l'économie ? Peut-être démontrerons-nous que l'économie se porterait mieux si les gens eux-mêmes se portaient mieux... Un vaste programme", souffle-t-elle. Et une réflexion que d'aucuns pourraient considérer comme "un grain de sable à l'édifice", mais qu'importe ! "Il en faut bien, du sable, pour faire du béton". N'en déplaise à ces messieurs.

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Commentaire 1
à écrit le 28/04/2020 à 23:00
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... en Harley Davidson ! Zoum tsoin tsoin

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