Le premier signe du changement - et pas n'importe lequel - a été l'arrivée au capital de la Caisse d'Epargne-CEPAC, en octobre 2019, sollicitée par le nouveau directeur général de la société de gestion. Une annonce qui n'est pas passée inaperçue. Et pour cause, c'était le premier indice visible de la mutation en train de  s'opérer au sein d'ACG Management. Spécialiste de l'investissement dans les PME non cotées, elle vient alors précisément de vivre en interne un autre changement d'importance, l'arrivée au capital d'Arnaud Chiocca, aux côtés, donc, de l'établissement bancaire. Un homme du terrain puisque investisseur depuis dix ans au sein de l'entreprise, qui gère donc aussi désormais,  les manettes opérationnelles.

Comme tout changement d'actionnariat et de direction le présuppose, redéfinition de la stratégie s'impose. ACG Management n'échappe à la règle. Mais c'est pour mieux réaffirmer les siennes et s'engager, ainsi que le dit son DG, "dans une nouvelle dynamique".

Regarder dans la même direction

Après deux décennies d'existence, ACG Management est clairement arrivée à une certaine maturité. Avec 30 collaborateurs, répartis à Marseille, Ajaccio, Bastia et Saint-Denis de la Réunion, 391 entreprises financées depuis l'origine et 300 M€ d'encours, la voici à "la bonne taille pour notre projet, pour la région", estime Arnaud Chiocca qui revendique la seconde place des sociétés de gestion après Paris si l'on tient compte des encours.

Son rôle, dans cette nouvelle dynamique, n'est pas anodin : Arnaud Chiocca connaît le terrain, l'investissement, et d'ailleurs il n'a pas stoppé son rôle d'investisseur. "C'est important pour les dirigeants à côté desquels nous avons investi. Cela change forcément le rapport, le regard, pour eux comme pour moi".

A ses côtés, un autre manager historique, Frédéric Connena, avec lequel il forme une équipe qui regarde ensemble, dans la même direction.

Nouvelle dynamique c'est bien l'expression pour changement. "Cette entreprise nécessitait des changements pour s'adapter à son marché", redit Arnaud Chiocca. Son terrain d'intervention est clairement défini, c'est "en proximité, car les bons deals sont ceux qui sont près de chez nous", comprendre en Provence Alpes Côte d'Azur, sur l'Île de la Réunion, en Corse, où ACG Management a su montrer son expertise en terme de déploiement des FPI dédies au financement des PME corses, parfois aussi en Auvergne Rhône Alpes ou à Paris.

C'est dans cet esprit par exemple, qu'un bureau a été ouvert à Nice il y a quelques mois. "Le bon investisseur à Nice est niçois", appuie Arnaud Chiocca. C'est-à-dire bel et bien en proximité. Et la proximité signifie connaissance du terrain, de l'écosystème, des partenaires potentiels, des erreurs à éviter... Autant d'éléments qui comptent dans l'équation de l'investissement. Autant que les besoins financiers eux-mêmes. Car avec la proximité, l'autre valeur sur laquelle ACG Management s'arc-boute c'est celle de la confiance. "L'instinct, le feeling, s'ajoutent à la technique", plaide le dirigeant.

"Dans mon ADN, on prend le temps de discuter, on crée du lien et après alors, on fait une bonne équipe". Parce que du point de vue du chef d'entreprise, "il faut que l'on donne autre chose que du financement". "Si l'on est soudés, si on se soutient l'un l'autre, alors nous ferons un bon mariage. Un mariage avec, en bout, un divorce, dont les conditions sont déjà écrites".

Non à l'opportunisme

Le contexte actuel, chamboulé, modifie-t-il l'approche des investissements à venir ?

"Concernant les fonds existants, les règles sont déjà définies". Sur les fonds à venir, il faudra tenir compte de la dévaluation du marché. Mais avec la possibilité de voir des entreprises, aux fonds propres solides, parfois d'envergure familiale, et qui n'étaient jusqu'alors pas intéressées par les fonds, se tourner vers eux.

"Dans un contexte de crise, le dirigeant est seul, le cercle de confiance est très restreint et avoir un investisseur à ses côtés, qui peut temporiser, c'est important".

Pour les investissements qui ont été déjà effectués, qui sont en cours, les échanges avec les dirigeants sont plus fréquents. "Nous avons assez bien maîtrisé l'existant, nous espérons que les actifs ne soient pas détériorés à long terme. Nous ne nous cautionnons pas les entreprises qui se tournent, dans ce contexte tendu, vers les PGE ou les fonds comme ACG Management, de façon opportuniste. Nous ne faisons pas ce jeu-là", insiste Arnaud Chiocca, qui espère "une reprise en V plutôt qu'en W".

Et qui espère que l'Etat soutienne l'hôtellerie de tourisme, sur un terme assez long, sous peine, si ce n'est pas le cas, de voir 2021 s'engager sur un chemin risqué avec une autre crainte, celle de la fermeture d'établissements ou du "rachat de ceux-ci par des acteurs opportunistes". Comprendre pas forcément bienveillants.

Plus largement, la crise engendre de nouvelles façons de consommer, de faire du sport, de manger... "Cela va faire naître de nouveaux besoins... Tout cela va changer le marché et donc notre façon d'investir. L'approche humaine sera également différente. Nous allons devoir aussi changer notre façon de travailler. Et tout cela va rapprocher le dirigeant de son investisseur".

Actif essentiellement dans les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie, des biotech ou encore des industries, Arnaud Chiocca estime que le "meilleur sourcing c'est le bouche-à-oreille". Et de revenir au travail d'équipe. "Notre métier c'est de gagner avec le dirigeant. Notre but n'est pas de tirer profit. On n'est pas là pour gagner là où les autres perdent. Investisseur est un métier où il faut être engagé. Si on s'intéresse à l'entreprise, c'est le plus beau métier du monde".