La stratégie "exotique" de Cannes et David Lisnard

Destination BtoB par excellence, Cannes entre en phase de résilience. C'est le sens du plan établi par le maire de la Ville qui s'y connaît plutôt bien en stratégie de conquête touristique. Et qui parie entre autres sur la consommation locale, dans tous les sens du terme. Une stratégie de réponse à la crise, certes, mais qui n'est pas si éloignée des habitudes de consommation qui pointaient déjà avant l'épidémie.
Le plan de promotion de la destination Cannes mise tout sur l'expérience locale.
Le plan de promotion de la destination Cannes mise tout sur l'expérience locale. (Crédits : DR)

500 M€ de pertes enregistrés par la destination. Voilà pour l'impact chiffré. Un chiffre conséquent, rond et qui dit aussi le poids du tourisme dans l'économie du territoire cannois, 25 % du PIB précisément pour le périmètre de l'agglomération Cannes Lérins. Ce qui est plus que pour le département - 15 à 18 % - et pour le territoire national, 7,5 %.

Il faut dire que Cannes, c'est la ville des salons professionnels, des rencontres BtoB bien loin des célèbres paillettes du Festival du Film même si ce rendez-vous mondial est évidemment un fort contributeur à l'image et à la notoriété de la destination. D'ailleurs Cannes est la seconde ville après Paris sur ce segment, un "titre", que "l'on ne nous dispute plus en ce moment", souligne par ailleurs David Lisnard.

Passage à l'offensive

Cannes impactée, touchée - avec un Palais des Festivals à l'arrêt - mais Cannes pas pour autant anéantie. Car depuis deux mois, la Ville prépare déjà le plan d'après. C'est ce plan de relance, appelé plutôt de soutien et de promotion, que David Lisnard a présenté ce matin à la presse. Où il est question d'investissement conséquent : 13,4 M€ au total, 10,1 M€ étant consacrés aux aides économiques, ce qui comprend 2 M€ d'exonérations tandis que le plan de promotion de la destination concentre 3,3 M€ auxquels s'ajoutent 2 M€ pour la Côte d'Azur. A cela s'ajoutent les campagnes de communication en soutien aux commerces, des packages estampillés "tourisme local", des packages hôteliers qui permettent de profiter de 4 nuitées au prix de 3, du loisir original et décalé - comme rejoindre les Îles de Lérins en pirogue polynésienne - des happy hours, de l'événementiel culturel... soit un vaste portefeuille d'offres qui doit permettre de séduire toute catégorie d'âge et toute catégorie de classe sociale.

Un plan qui est ambitieux, offensif, mais qui dispose d'atouts pas forcément visibles au premier regard.

Enjeux de "l'autre" tourisme

D'abord, ce plan bénéficie de l'expérience de David Lisnard en matière de stratégie d'attractivité de la destination. Il ne faut pas oublier que le maire de Cannes a aussi été aux manettes durant onze années de la SEMEC, la société d'économie mixte pour les événements cannois, qui pilote entre autres le Palais des Festivals, et qu'il a une connaissance fine des tenants et des aboutissants, du marché, du potentiel de la destination, de la concurrence, de ce qu'il se fait ailleurs... Bref de tout ce qui est tactique. Et en l'occurrence, c'est précieux.

On n'oubliera pas non plus l'apport du directeur général de cette même SEMEC, aujourd'hui aux manettes, Didier Boidin, venu de l'hôtellerie, passé par l'international... Une expertise du secteur comme de la concurrence qui s'ajoute donc à la précédente.

Et puis surtout, c'est dans la volonté de promouvoir une destination "exotique" que ce plan de relance puise toute sa substantifique moelle. Exotique c'est-à-dire locale. Un "oxymore" comme dit David Lisnard qui vise à faire de "Cannes, notre bout du monde". On le sait, la fréquentation touristique été 2020 sera probablement très tricolore et moins internationale. Avec peut-être des profils différents qui viendront trouver l'évasion dans la Cité des festivals, sans oublier les autochtones. Une façon de se comporter qui n'est pas si éloignée du slow tourisme. Cette façon de vivre le tourisme en prenant son temps, "le hors saison en haute saison" dixit le slogan choisi qui donne à voir la destination dans ses aspects parfois méconnus, cachés, gommés par la fréquentation estivale traditionnelle. Un pari qui finalement pas si éloigné de la tendance que l'on voit poindre depuis deux ans, qui dit stop à un tourisme envahissant et débordant. Venise en est l'un des meilleurs exemples. Presque pour conforter la chose, David Lisnard a avoué une demande accrue pour les places dans les ports, demande qui a agréablement surpris. Et qui conforte.

Prospective active

Au-delà de tout cela, c'est bien la stratégie de conquête qui est le point d'orgue de la relance. "Il va y avoir une compétition ardue entre régions", prévient le maire de Cannes qui sait de quoi il parle. A laquelle s'ajoute celle qui viendra des destinations européennes, concurrentes habituelles. Car il faudra bien, à un moment donné, repenser international. Le sujet est déjà sur la table. Didier Boidin l'a dit, "nous travaillons déjà sur le salon 2030". Autant dire que le brainstorming est accéléré. Une cellule de réflexion, sorte de club d'ambassadeurs, va être mise en place pour participer à l'élaboration de ce qui est déjà un futur pas si lointain. Exotisme comme nouveauté, changement et fraîcheur. Qu'on appelle aussi renouvellement. Et en terme de stratégie, c'est souvent malin.

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