Lionel Servant – Le Negresco : “La sécurité santé sanitaire est désormais un label de qualité pour le futur”

A quelques jours de l’annonce de la date de réouverture des restaurants et cafés, le palace niçois, bijou Belle Époque de 125 chambres et suites, se prépare à reprendre du service avec, au cœur de ses préoccupations, la sécurité santé sanitaire, enjeu désormais capital pour tous les établissements recevant du public. Entretien avec le directeur général du Negresco, pour qui la reprise s’annonce lente et difficile.
(Crédits : DR)

La Tribune : Comment avez-vous vécu le confinement lié à la crise du Covid-19 ?

Lionel Servant : De différentes manières, en définitive. Au départ, de façon bienveillante et prévenante vis à vis de nos hôtes et collaborateurs, puis, très vite, l'inquiétude a pris le pas. Cette crise du Covid-19 n'a rien de commun avec les précédentes. Des 20 à 30% de perte de chiffre d'affaires que l'on a pu connaître après la crise boursière de 2008, on passe à 50, voire 70% avec celle-ci. L'échelle n'est pas du tout la même. Il a donc fallu se mettre en ordre de marche pour protéger l'entreprise et la maintenir dans une vision à moyen long terme, en actionnant notamment les différents leviers mis en place comme le chômage partiel. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une approche plus constructive avec une réflexion sur tous les process à mettre en place pour la réouverture que l'on adaptera si ceux-ci sont en-deçà du protocole sanitaire. La sécurité santé sanitaire est devenue notre priorité n°1. C'est désormais un gage, un label de qualité pour le futur.

Quels sont ces process ?

Ils sont de tout ordre, concernent tant notre hôtel que nos restaurants, vont de la prise de réservation jusqu'au départ du client et mettent bien sûr en exergue notre approche luxe avec des cérémonial de service repensés. Par exemple, nous avons choisi de délocaliser la réception et le check-in dans le grand salon royal où de petites tables seront installées à la manière d'un resort afin d'éviter le rassemblement de nos hôtes autour d'un même desk. Lesquels pourront prendre un verre tranquillement pendant l'enregistrement. Au petit déjeuner, le buffet est supprimé pour privilégier le service à la carte. Il y a aussi la mise en place d'un hygiène manager, en contact permanent avec la clientèle, chargé d'expliquer les process de sécurité santé sanitaire et de veiller au respect de ceux-ci auprès de nos collaborateurs (182 personnes à l'année, NDLR). Au total, une trentaine de process ont été pensés par un groupe de travail dédié, composé notamment de notre responsable qualité, des chefs de service et de l'ensemble du comité de direction.

Comment s'annonce la reprise ?

Lente et difficile. On continue de recevoir des annulations, toutefois on note depuis une dizaine de jours une très légère reprise des réservations. C'est un frémissement, rien de plus, et je le comprends. Nos clients sont dans l'attente d'une validation de la possibilité de voyager, de la réalité des lignes aériennes...

Quelle clientèle visez-vous ? Internationale ? Européenne ? Nationale ?

Certes, nous ne prévoyons pas d'accueillir beaucoup de clients américains et russes cet été (premier et troisième marché de l'établissement, NDLR) mais nous continuons d'entretenir des relations et activités commerciales, même ralenties, avec nos agences sur place. C'est important pour la suite. Après, de façon très pragmatique, nous faisons un focus sur les marchés européens, plus particulièrement frontaliers comme l'Italie, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique, l'Angleterre. Nous travaillons également au lancement d'offres particulières pour le marché français qui tient déjà une place importante chez nous (deuxième marché émetteur, NDLR), et notamment pour le marché local - Nice, la grande Métropole, Marseille - afin d'essayer de capter du court séjour. Mais soyons réaliste, la reprise va être lente. Nous tablons en juillet sur un taux d'occupation très faible, de moins de 15%, et un hiver 2020/2021 difficile. Ce sera, pour beaucoup d'entreprise, un moment clé.

La pérennité du Negresco est-elle en danger ?

Non, la pérennité du Negresco n'est pas en danger, sa trésorerie est bonne et solide. Notre stratégie, par contre, a été revue. Après trois exercices financiers très positifs, nous avions mis en place une stratégie de développement avec des investissements importants et autofinancés. Evidemment, ces investissements-là vont être certainement réduits ou gelés pour les deux prochains exercices de manière à supporter les conséquences de la perte de revenu.

Le secteur de l'hôtellerie doit-il être repensé ?

Oui et non. Oui dans le sens où, à court terme, notre secteur doit être capable de garantir la sécurité santé sanitaire des hôtes et collaborateurs dans tous les établissements. Ce qui implique des changements, notamment en matière d'offres de restauration. Les plats à partager, les buffets... doivent être repensés et proposés d'une manière différente. Ensuite, je fais partie de ceux qui pensent qu'à moyen terme, les attentes en matière de services, de voyages, de découvertes feront que nous repartirons sur les bases existantes. En tous cas pour le tourisme individuel, notre marché. Pour le tourisme dit corporate, en revanche, une réflexion sur les offres et prestations internes de nos hôtels sera nécessaire avec notamment le développement de la visioconférence et des webinars.

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