Bruno Galy, facilitateur d’innovation sociale

Directeur général adjoint de la fondation des Apprentis d’Auteuil en Provence-Alpes Côte d’Azur, celui qui a commencé comme éducateur a à cœur de faire de la région un terrain fertile à l’innovation sociale et à l’émancipation de chacun. Pour ce, il encourage ses équipes à toquer à toutes les portes dont celles des entreprises, qui ont aussi beaucoup à y gagner.
(Crédits : DR)

La pièce est modestement meublée. Au milieu, une table ronde entourée de quelques chaises en plastique orange. Bruno Galy est là et il n'est pas seul. A ses côtés, Zoé Pons et Samir Tighilt, tous deux chargés de projet au sein de la Fondation. "Il ne veut pas le dire, mais c'est le patron de l'équipe", souffle, taquin, Bruno Galy à propos de ce dernier. A table, se trouve aussi Sarah El Keurti : "j'ai eu la chance d'intégrer le dispositif +2", explique-t-elle. En référence à ce programme de la Fondation qui permet à des titulaires de bac pro d'accéder à des écoles de commerce. "Nous aussi, nous avons de la chance de l'avoir intégrée", sourit le directeur adjoint régional. Il ne cesse de le répéter : "moi je ne fais rien. Ce sont eux qui font tout". Il est fier d'entendre Anasse, lui aussi à la table, raconter que le programme l'a remotivé après avoir vu ses dix vœux refusés sur Parcoursup. Que pour lui, "les écoles de commerce étaient réservées aux bacs généraux. Mais finalement, j'y arrive moi aussi". Leur présence à tous lui évite aussi "de trop parler. Car je suis très bavard".

D'ailleurs, pour ne pas se perdre en digressions, il a pris quelques notes sur un calepin. Des notes qui résument en quelques mots ce qu'est la Fondation des Apprentis d'Auteuil. Protection de l'enfance, éducation et scolarité, formation professionnelle, accompagnement des familles, porte-parolat de la jeunesse... Le spectre des actions est large mais elles ont un ADN commun : "lutter contre les inégalités, permettre des parcours, faire que des personnes découvrent qu'elles ont plein de talents", et montrer qu'avec un peu de solidarité, on peut dépasser les freins sociaux.

Vivre au service des autres

A l'origine de la Fondation, un prêtre, Louis Roussel. "Nous sommes en 1866. En marchant dans la rue, il voit des jeunes qui font les poubelles. Il les prend chez lui. Les Apprentis d'Auteuil naissent comme cela" raconte Bruno Galy. Cette histoire, ça lui parle. "J'ai toujours été impliqué dans le monde associatif", assure-t-il. ATD Quart Monde, le Secours catholique, le scoutisme. Mais c'est un soir de Noël que cet engagement prend une autre dimension. "J'animais un réveillon solidaire à Orléans. On n'avait ni eau, ni électricité. On a fait quelque chose de simple avec un quatre-quarts, une guitare et du chocolat chaud. C'était un moment très fort. Puis je suis rentré chez moi. Il y avait beaucoup à manger et des cadeaux". Le contraste est un électrochoc. "Là, j'ai su que ma vie serait au service des autres".

Il commence sa carrière comme éducateur chez les Apprentis d'Auteuil. Il accompagne des jeunes confiés par les juges. "J'ai toujours été attiré par les plus compliqués. Ils faisaient des trucs extraordinaires". De fil en aiguille, il devient chef de service puis directeur d'établissement, jusqu'à s'éloigner totalement du terrain. "Ça a été un petit deuil. Ça se voit, je ne suis pas un homme de bureau. Mais je me suis dit qu'il fallait en faire une opportunité". Après avoir essayé de tirer le meilleur des jeunes, il veut tirer le meilleur de ses équipes, se positionnant en "facilitateur". Il s'intéresse au management, faisant quelques crochets par les bancs de la faculté pour étoffer ses connaissances.

Quand le monde associatif rencontre celui de l'entreprise

En 2012, il débarque à Marseille. Il découvre une région aux besoins sociaux immenses. Il y a Marseille, bien sûr. Mais aussi Arles, Avignon, Tarascon, Nice. "Nice est une ville estampillée maison de retraite pour riches. Mais en fait, on y trouve une pauvreté extraordinaire en volume".

En région, il découvre un monde qu'il connaissait très mal : celui de l'entreprise avec qui ses équipes collaborent régulièrement. "On est sortis du seul champ social pour rentrer dans celui de l'innovation et de l'investissement. Cela m'a fait un bien fou. Rencontrer des gens qui osent, ça libère".

Il encourage ses équipes à oser elles aussi. "On expérimente. On met en place des idées. Quitte à prendre des risques financiers". Les dispositifs naissent les uns après les autres. +2, avec Kedge, l'EMD ou Skema. Impact Jeunes, un programme d'insertion pour l'emploi de jeunes issus de quartiers prioritaires. L'Ouvre-boite, qui accompagne à la création d'entreprise. Ou bien encore le Cloître, pôle d'innovation sociale co-construit à Marseille avec des entreprises et des associations. Beaucoup de ces innovations ont trouvé un écho ailleurs, essaimant dans d'autres régions. Et même au sein des équipes en charge de dispositifs plus classiques, il sent une émulation, une envie de faire autrement.

"Je n'y suis pas pour grand chose", insiste-t-il. "Ce sont les équipes qui ouvrent de nouvelles portes qui permettent d'ouvrir des portes aux jeunes". Il se contente de donner l'impulsion. Avec l'intuition qu'il faut bâtir des ponts entre tous les acteurs de bonne volonté, publics comme privés. Et il ne s'agit pas de charité. Chacun a à y gagner. "Si on fait sortir des personnes de leurs certitudes et de leurs jugements, on rend le monde meilleur". L'idée le fait avancer. "C'est mon carburant".

Après le coronavirus, être aux côtés de ceux qui perdront pied

Un carburant qui s'annonce nécessaire dans les mois à venir. "On va enlever les masques et se faire des câlins. Mais la société va en prendre un coup. Les entreprises et les associations sont en danger. Le chômage et la pauvreté vont créer de vraies difficultés". Sans parler des enjeux liés à la ruralité ou à place des femmes, pour qui le confinement a parfois été synonyme de violences.

"En tant que chef d'entreprise, je pense que c'est le moment d'investir pour continuer à être aux côtés de ceux qui perdront pied". Il a confiance en la force de frappe de la Fondation. "Les entreprises nous reconnaissent. On peut construire avec les grandes écoles, les lycées", assure celui qui croit "davantage à la transformation de la société par les gens qui y vivent que par ceux qui les dirigent". Il croit aussi beaucoup en Marseille, et souhaite mettre à mal les préjugés. "Comment on aborde cette ville ? Par la kalachnikov ou par la qualité des gens qui y vivent ? J'ai fait mon choix. Nous avons de vraies pépites, des gens extraordinaires". Des gens à qui il veut donner la parole pour influer sur la société, mais aussi parce que cela le rend fier. "Quand je vois nos jeunes pitcher, quand je vois sourire une mère qui ne croyait plus en elle, ça n'a pas de prix. C'est ce qui me fais me lever tous les matins". Si l'avenir est flou, une chose est sûre pour lui : "Je ne suis pas près de partir".

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