A Marseille, les croisières, vrai-faux débat ?

Vilipendées pour polluer l'atmosphère de la Cité phocéenne en rejetant des fumées noires, les croisières se sont invitées, malgré elles, dans la campagne électorale. Pourtant, le port de Marseille est l'un des ports français les plus avancés en matière de mesures destinées à mieux protéger l'environnement. Dont l'électrification à quai est l'une d'elles.
(Crédits : JEAN-PAUL PELISSIER)

Croisières = fumées noires. Telle est l'équation qui fait régulièrement les gros titres de la presse, réduisant l'activité à un élément polluant qui vient abîmer l'air de la deuxième ville de France.

Une sorte d'image d'Epinal que traîne Marseille comme le sparadrap du Capitaine Haddock. Impossible de se détacher de ce qui apparaît tout de même comme un raccourci car dans faits, le port de la Cité phocéenne s'est depuis longtemps emparé du sujet.

Dès 2015 c'est avec la compagnie La Méridionale qu'est effectuée la première opération de branchement à quai. Une solution qui dispense les paquebots d'utilisation de leur groupe électrogène. Une première qui marque alors la volonté du Grand Port Maritime de se positionner comme un port durablement responsable.

Depuis l'initiative s'est développée, Corsica Linea suivant le mouvement pour cette année 2020.

L'électrification à quai, c'est tout le sujet aussi du plan Escale Zéro Fumée établi par la Région Sud. Un plan qui prévoit de faciliter la connexion électrique des paquebots de croisières en plus de celles des ferries et des cargos, de façon progressive à horizon 2025. Un plan doté de 30 millions d'euros. Avec une électricité tirée principalement d'énergies renouvelables. Et cela pour Marseille évidemment, mais aussi Toulon et Nice, le GPMM étant d'ailleurs le premier port de France à proposer cette solution pour les navires ferries et cargos.

L'enjeu de l'électrification à quai

L'une des pierres d'achoppement sur le sujet concerne donc la pollution atmosphérique. Un point qui mérite éclaircissement. En moyenne, un paquebot consomme tous régimes confondus, entre 500 et 2 000 litres par heure. A comparer avec la consommation d'un autobus ou d'un camion - 60 litres par heure - ou d'une voiture - 7 litres par heure. Ce qui vient contrecarrer une autre équation, celle qui pose un paquebot comme l'équivalent de 1 million de voitures. Et cette autre image d'Epinal, elle agace profondément - entre autres sujets - Jean-François Suhas. "Il est ridicule de continuer à taper sur les croisières en employant des arguments faux" pointe le président du conseil de développement du port, également président du Club de la Croisière Marseille Provence. Rappelant au passage que pendant le confinement - alors que 11 bateaux sont à quai - AtmoSud n'as pas relevé d'émissions élevées en conséquence. Rappelant aussi ce que ce qui est montré du doigt se résume pour ainsi dire à la phase transitoire de manœuvre d'arrivée et du départ. Soit une demi-heure ou 1 heure durant laquelle un panache de fumée noire chargée de suie est dégagé. Or pour les bateaux qui utilisent l'électrification à quai, cette phase critique est, de fait, inexistante. L'électrification à quai est donc bien l'enjeu majeur. C'est notamment pour pousser cette solution qu'une Charte Bleue a été signée en octobre dernier par MSC, Costa, Royal Carribbean et Ponant, une charte qui donne la marche à suivre : le branchement à quai, l'utilisation d'un diesel marin à un taux maximum de soufre à 0,1 %, le développement d'une filière d'avitaillement au GNL en local et la réduction de la vitesse à 10 nœuds maximum.

"Tous ces engagements pris par les compagnies ne sont absolument pas remis en cause par la crise", tient à préciser Jean-François Suhas, qui, comme pilote, vit la navigation "sur l'aileron", et que donc, les émissions dégagées, ça le concerne tout de même un peu.

Poids économique

"Oui la croisière pollue mais d'autres activités polluent également. Et l'activité des croisières c'est de l'économie et de l'emploi". En l'occurrence 2 450 emplois en Provence Alpes Côte d'Azur, 430 M€ de retombées directes, indirectes et induites. Dont 57 M€ de retombées directes, c'est-à-dire celles qui concernent les prestataires portuaires et touristiques. Voilà ce que génère le 1,7 million de passagers qui débarque à Marseille. Et qui participe aux 12 % du PIB que représente le tourisme dans la région.

Autre réponse du berger - ou du marin - à la bergère. En l'occurrence au Printemps marseillais qui base une partie de sa campagne sur le haro sur les croisières. Jean-François Suhas rappelle qu'à Barcelone, dont le maire Ada Colaua élue depuis 2015 a mené une liste réunissant plusieurs partis de gauche dont Podemos (soit une configuration similaire à Marseille), la croisière a augmenté de 40 %. Alors même qu'Ada Colau voulait bouter les croisières hors de son port... "Entre le discours et la réalité économique, il y a une différence", souligne le président du conseil de développement du port.

Et puis il y a un autre chiffre qu'il est intéressant de ne pas négliger. C'est la part des bateaux de croisières dans le monde sur l'ensemble de la flotte. Soit 330 au total, contre 50 000 navires marchands. Une donnée qui dit que tout ne doit pas être mis sur le dos des croisières. Il ne faudrait pas que qu'elles soient l'arbre qui cache la forêt...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.