La Camargue, laboratoire de la transition écologique ? Le tourisme 1/3

Si le tourisme est un pan considérable de l’économie camarguaise, il doit néanmoins être compatible avec la préservation d’un environnement fragile. Pour faire cohabiter ces objectifs, les pouvoirs publics locaux travaillent ensemble, par delà les frontières administratives et politiques.
(Crédits : DR)

On dit d'elle qu'elle est timide. Qu'elle ne révèle son charme qu'à ceux qui prennent le temps de l'observer, de l'écouter, de la connaître. La Camargue offre un relief d'altitude assez homogène mais des paysages d'une grande diversité. La verdure des rizières contraste avec la rougeur des salins. Ci et là, d'immenses étendues de dunes où subsiste une végétation atypique. Il y a les étangs, les marais, les roseraies et quelques zones boisées. La Camargue, c'est aussi une biodiversité exceptionnelle. Les emblématiques flamants roses, taureaux et chevaux à la robe claire illustrent la plupart des cartes postales que l'on trouve dans les villes de la région, d'Arles la Romaine aux dépaysantes Saintes-Maries de la Mer, en passant par le très balnéaire Grau du Roi.

Si le cœur de Camargue est enlacé entre les deux bras du delta du Rhône, à cheval entre le Gard et les Bouches du Rhône, sa zone d'influence va au-delà, jusqu'à Palavas-les-Flots dans l'Hérault. Car, aussi vrai que le Camargue se joue bien du rythme effréné de nos vies, elle se fiche tout autant des frontières administratives. Ce qui n'est pas une mince affaire lorsqu'il s'agit d'y promouvoir le tourisme.

Un tourisme construit dans la coopération

Ce n'est qu'en 2018 que les trois agences départementales du tourisme (Bouches du Rhône, Gard, Hérault) commencent à travailler ensemble dans le cadre du SPôTT, (Structuration de pôles touristiques territoriaux). Un changement de méthodologie qui ne se fait pas sans friction. «Les premières réunions étaient tendues », se rappelle Danielle Milon, présidente de Provence Tourisme. « Chacun voulait tirer la couverture à soi. Il a fallu un peu de temps pour comprendre que travailler ensemble est une force pour chacun ». Désormais, le climat semble s'être apaisé. « Cela se fait de manière très collégiale. C'est très intelligent et enrichissant de travailler entre départements et régions différentes », se réjouit Françoise Collet Jeanjean, chargée de mission au sein d'Hérault Tourisme.

Concrètement, un comité de pilotage composé des trois présidents d'agences se charge de fixer les objectifs et de valider des plans d'actions. Des plans d'actions établis grâce au travail des comités techniques composés d'un panel d'acteurs locaux (professionnels de l'hôtellerie-restauration, fédération des courses camarguaises, services des routes ...) en fonction des sujets traités, mais aussi de représentants des agences de tourisme.

C'est un de ces comités techniques qui s'est chargé de l'élaboration d'une carte commune, disponible dans tous les offices du tourisme, quelque soit le département. Un moyen de parler d'une seule voix dans le cadre d'une communication qui se veut modérée. Car si le tourisme est un moteur de l'économie camarguaise, il faut maîtriser son impact sur un environnement particulièrement vulnérable. « On cible des touristes particuliers. Des personnes qui se déplacent à vélo pour écouter le chant des oiseaux ». Un public essentiellement local, déjà sensible à la cause environnementale et peu gourmand des plages noires de monde.

Un tourisme local qu'il faut désaisonnaliser

Un des chantiers est de lisser la venue des touristes tout au long de l'année. « L'enjeu n'est pas de faire plus, mais mieux », résume Danielle Milon. Pour ne pas brusquer la nature mais aussi pour offrir aux visiteurs le calme qu'ils recherchent. « Cela permet de créer des emplois durables », pointe Isabelle Brémond.

Pour y parvenir, le SPôTT travaille en partenariat avec les professionnels de l'hôtellerie restauration mais aussi des loisirs afin qu'ils puissent proposer leurs services toute l'année tout en s'assurant une certaine rentabilité. Ce qui nécessite de développer les flux de touristes sur ces périodes grâce à une expérience visiteur plus riche.

« Nous misons sur le tourisme de loisirs mais aussi sur l'agrotourisme », explique Isabelle Brémond. « Il y a beaucoup de gîtes installés sur des riziculture, des manades qui proposent des balades en calèche ... Cela crée un complément d'activité pour les producteurs ». Le tourisme de nature est également un moyen de lisser la fréquentation, avec des espèces animales et végétales différentes à observer selon les saisons, de même que le tourisme gastronomique qui devrait bénéficier d'un coup de pouce grâce à une initiative venue d'Auvergne-Rhône-Alpes. « La Vallée de gastronomie ira de Vienne à Marseille, en passant par la Camargue. On a assisté à plusieurs réunions et cela correspond bien à l'identité des lieux », se réjouit Danielle Milon. « C'est une nouvelle richesse que de pouvoir découvrir la cuisine locale dans ce cadre, sans déranger les oiseaux magnifiques que l'on peut observer ici ».

Le SpôTT travaille aussi sur la question de la mobilité douce. Le vélo est bien sûr un incontournable. La Camargue est ainsi traversée par deux itinéraires dédiés : la Méditerranée à vélo ainsi que la ViaRhôna. « Nous travaillons sur un roadbook vélo. On s'appuie sur les circuits existants et on invite les cyclistes à faire de petites boucles ci et là », explique Françoise Collet Jeanjean.

Il y a aussi le cheval, mais également le transport fluvial que le SpôTT aimerait développer. « Nous mettons en place le premier comité technique dédié au fluvial. On veut proposer aux voyageurs, par des canaux, des haltes et des ports fluvio-maritimes de découvrir la Camargue autrement ». Des bateaux à taille humaine  embarqueraient de petits groupes invités à louer des vélos pour visiter un village, découvrir  un marché de produits locaux ou parcourir un sentier au cœur de la nature. « L'idée c'est de s'arrêter ». S'arrêter, se déconnecter. C'est précisément le message porté pour promouvoir un tourisme différent, local, plus respectueux de la nature et de l'humain. Ce vers quoi tendra, peut-être, le tourisme de demain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.