La Tribune - Quelle est la philosophie de la Commission nationale du débat public ?
Chantal Jouanno - La commission se positionne comme garante d'un droit du public, celui de connaître les projets qui touchent son environnement. L'objectif de la Commission est de tout faire pour que le public est toute l'information, compréhensible, que tous ceux qui ne s'expriment pas, puissent le faire. Dans toute démarche d'élaboration de projets, il est important qu'il y ait un échange. Nous rétablissons, en quelque sorte, un équilibre entre ceux qui ont accès à l'information et ceux qui n'y ont pas accès. Pour les grands projets ayant un impact sur l'environnement, débattre de son utilité ou pas, est important. Et il est toujours plus facile de revoir la copie en amont ou de l'abandonner. Intégrer le public dès le départ, c'est une démarche d'élaboration de projet. Nous sommes dans un rôle de tiers de confiance, pour le public comme pour les parties prenantes. Nous sommes neutres. Ce qui ne plaît pas forcément.
La CNDP est née sur le principe de renforcement de la protection de l'environnement en 1995. Aujourd'hui, la préoccupation environnementale est intrinsèque à tout projet...
La question environnementale, même il y a encore 3, 4 ans, était un sujet parmi d'autres. Aujourd'hui, tous les projets sont vus sous l'angle de l'environnement. C'est vrai que la question environnementale est devenue première aux yeux du public. Et les meilleures décisions que l'on prend sont celles qui le sont avec le public.
Quelle est la culture du débat public en France ?
La France est l'un des pays les plus développés en la matière. Il existe de nombreux dispositifs. Et il existe une vraie tradition de participation. L'ensemble des procédures existantes fonctionne hyper bien ! La saisie de la Commission au cours de ces trois dernières années a été multipliée par 7. Cela prouve une aspiration, un désir très développé.
Quels sont les enjeux du débat public sur la liaison routière Fos-Salon qui se tient de ce mois de septembre à décembre ?
Ce projet a toutes les caractéristiques du débat. C'est un projet très territorialisé, avec une implication forte des collectivités. Il s'inscrit vraiment dans l'expérience de la Commission Nationale du débat public. Sur ce sujet on hérite d'années de tergiversation. Ce projet est intéressant car il regroupe différentes problématiques, dont celles de la mobilité, de la pollution, de l'impact sanitaire, du développement économique... Le débat est intéressant par son histoire, les images qu'il véhicule, les problématiques qu'il concentre. Nous allons discuter de l'opportunité du projet, qui est un vieux projet puisqu'il date de 1976. Nous allons débattre des options du projet. 80 entretiens préalables ont été menés. Ce qui nous permet d'ouvrir le champ du débat.
Les réseaux sociaux ne sont-ils pas aussi une sorte de place publique où l'on débat de tout ?
Nous utilisons aussi les réseaux sociaux. Nous les utilisons comme outils de mobilisation, pour ramener le public vers la plateforme. On peut tout dire sur les réseaux sociaux, on peut exprimer son opposition, mais le problème c'est la violence, la diffamation. Avec la Commission nationale du débat public il est aussi possible de prendre un pseudo pour s'exprimer. Il n'est pas possible d'être anonyme en revanche car nous avons besoin de comprendre les argumentations. Nous regardons aussi ce qui se dit dans le contre débat et nous pouvons en faire une synthèse dans notre rapport. Ne rien dire, c'est aussi tronquer le débat. Nous avons été créé pour cela, pour être indépendant. Par exemple l'Etat ne peut pas décider d'arrêter le débat. Le droit est avec nous. L'Etat a l'obligation de répondre à ce que dit le rapport. A la fin du débat nous nommons un garant afin que les études d'après soient bien portées à la connaissance du public. Pour le citoyen, c'est important.
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