Jocelyn Meire, l’éclectique élégant

Arrivé à Marseille pour y suivre une formation en école de commerce, le fondateur de Fask a connu un parcours éclectique mêlant monde associatif et entreprises, passant de la formation à la mode, en faisant quelques détours par l’automobile. Aujourd’hui il a une ambition : redynamiser la filière mode en région pour y relocaliser une industrie.
(Crédits : DR)

Rue de la République à Marseille, un vendredi de septembre. L'artère qui relie le centre historique de la ville et le quartier moderne d'Euroméditerranée est rythmée par un flot continu de passants. Jocelyn Meire. débarque en scooter électrique qu'il gare devant les locaux de Fask, vitrine des métiers de la mode qu'il a créée il y a un an et demi. Il a deux minutes de retard mais s'excuse comme s'il en avait quinze. La ponctualité, c'est "primordial" pour lui. De même qu'être bien apprêté. "La façon dont on se montre dans le domaine public c'est important. Ce sont mes grands-parents qui m'ont inculqué cela. Ma grand-mère me disait : il faut toujours faire son lit avant de partir au cas où on ne revienne pas et que quelqu'un d'autre entre".

Alors lorsqu'il se lance dans la mode en 2018, cela n'étonne pas grand monde. "Mes potes, ma famille m'ont dit que ça m'allait comme un gant ".Y compris un de ses plus vieux amis rencontré sur les bancs de l'école puis retrouvé trente ans plus tard. "Il se rappelait que j'étais toujours sapé de manière hyper précise, avec des trucs que personne n'avait".

L'attraction du monde de l'entreprise

A cette époque, le vêtement est pour lui un moyen de se démarquer. Avec ses parents enseignants, il vit dans la vallée de la Chevreuse, un coin plutôt privilégié de la banlieue parisienne. "Parmi mes camarades, beaucoup avaient des parents chefs d'entreprise, ou du moins avec des carrières dans le privé. C'était assez sexy dans les années 90's, une époque où l'on a vu Bernard Tapie devenir ministre. Cela m'a donné envie de faire autre chose que mes parents, sans pour autant nier mes racines". C'est ainsi qu'il s'inscrit à l'École supérieure de commerce de Marseille qui deviendra Kedge.

L'école lui permet d'entrer en alternance au sein de l'Union pour les entreprises des Bouches du Rhône (UPE 13). Il commence à tisser un réseau qui lui sera utile par la suite. Réseau qu'il continue d'enrichir au cours de ses deux années chez EDF puis chez Clear Channel, avant d'être embarqué dans ce qui demeure aujourd'hui le plus long morceau de sa carrière : la Cité des métiers.

Douze ans à la tête de la Cité des métiers

Quelques personnes ont pensé à lui pour occuper la fonction de directeur de cette structure à bâtir. Il accepte sans trop hésiter. "C'était une décision assez instinctive. Les gens qui m'ont demandé de les rejoindre ont fait preuve d'une grande bienveillance à mon égard et nous avions un certain nombre de points communs. Et puis j'étais fier de devenir le patron de quelque chose à trente ans seulement". La Cité des métiers est pensée comme une vitrine des métiers, un moyen pour les différentes fédérations professionnelles de susciter des vocations et de faire perdurer les filières. Pour développer la structure, il s'appuie sur son réseau mais aussi sur une communication soignée. "Rien ne sortait sans avoir été contrôlé avant. J'étais très exigeant sur la communication, je voulais des propositions détonantes de promotion des filières". L'association est pilotée comme une entreprise et prend rapidement de l'ampleur. De 2 salariés en 2004, elle en compte 30 en 2016, avec un budget passé de 100 000 à 1,7 millions d'euros et un essaimage en région avec la naissance de 8 autres structures. Une petite barque devenue joli navire, qu'il finit par quitter en octobre 2016.

"Je pense que rester trop longtemps au même endroit est sclérosant. J'avais peur de devenir mauvais, moins créatif, moins dynamique".  Il profite d'une opportunité au sein de la direction générale de l'Afpa pour faire ses valises. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. "J'ai été nommé par un président qui s'est fait débarqué. On a rompu ma période d'essai avant même que je sois intégré". S'ensuit une période de doute, celle de la recherche de d'emploi. Quelques mois plus tard, il se lance dans l'aventure entrepreneuriale avec un ami carrossier. "Il bossait pour la RTM avant de démissionner pour lancer sa propre carrosserie". Après avoir déjà monté deux affaires, cet ami songe à une troisième qui répondrait au besoin de souplesse des clients. C'est ainsi que naît Truck my car, une startup qui propose des réparations automobiles chez les clients ou sur leur lieu de travail. "Au départ, je le conseillais surtout sur le concept, le nom, la charte graphique, puis j'ai été intéressé par l'idée de découvrir un autre secteur avec ses spécificités".

Du cambouis aux paillettes

En 2018, sa capacité d'adaptation et sa connaissance des métiers finissent par attirer l'œil d'un cabinet de recrutement en quête d'un directeur pour la Maison mode Méditerranée (MMM). "C'était une belle histoire, une structure magnifique". Alors il y va, passant du cambouis aux paillettes. Mais l'aventure sera de courte durée. "Il y avait un questionnement sur la stratégie de ce lieu. Les choix qui ont été faits n'étaient pas ceux qui m'intéressaient le plus". En entrant à la MMM, il découvre néanmoins le potentiel de la filière en région. De grands noms tels que Kaporal, American Vintage, Sessun, Pain de sucre. Un bassin de population de 1,5 millions d'habitants à l'échelle de la métropole. Une lumière particulière qui attire les projecteurs. Mais aussi une sorte de résilience créative qu'il attribue au fort taux de chômage et au niveau de qualification inférieur à la moyenne nationale.

Pour tirer profit de ces atouts, il faut selon lui permettre à la filière locale de monter en compétence. "Et cela commence par le fait de se parler", affirme-t-il. "Quand on échange des bons tuyaux, on s'améliore, on se rassure". Sauf que la filière ne dispose à ce moment là d'aucun outil de convergence. C'est pour combler ce manque qu'il crée Fask. Une passerelle qui permet de faire se rencontrer "tous ceux qui, de près ou de loin, vivent du marché de la mode". Ce qui inclut le textile mais aussi les cosmétiques, la parfumerie, la maroquinerie, la bijouterie. Et ce, à tous les niveaux de la chaîne : du design à la distribution en passant par la confection.

Mais si discuter est un premier pas, cela ne suffit pas. Jocelyn Meire veut dynamiser la filière grâce à des projets structurants : une offre de formation adaptée, la rédaction d'un livre blanc de la transition écologique dans la mode et, à terme, sa relocalisation en région.

Jouer sur la pointe des pieds

Dans ce défi, Jocelyn Meire prend plaisir à accompagner entreprises et porteurs de projet. "Rien ne me passionne plus que quand on se pose des questions et qu'on y réfléchit ensemble". Il y trouve également un sens "politique", la sensation d'agir sur des choses qui le dépassent : l'emploi, le relocalisation d'une industrie majeure en France. Et tant pis si certains s'interrogent sur ses reconversions en série. "Certains pensent qu'en étant sur des domaines aussi variés, on est forcément mauvais en tout. Mais en réalité, qu'il s'agisse de l'automobile, de la mode ou de la formation, on trouve des problématiques similaires que j'ai toujours appréhendé avec la même méthodologie. Cela passe notamment par ce qu'on offre à voir aux autres, mais aussi par un travail sur l'estime de soi". Deux éléments très liés selon lui.

Ces changements de secteur professionnel sont aussi un moyen d'éprouver son agilité, une qualité que cet amateur de tennis juge essentielle. "J'essaie de mener ma vie sur la pointe des pieds, ce qui m'expose à de potentiels déséquilibres. Un peu comme Josiane Balasko quand elle dit : j'y vais mais j'ai peur. L'humain a toujours mieux réagi à son environnement lorsqu'il s'est montré agile. L'opéra, la littérature, et même la politique sont plein de ces gens qui savent rebondir. Et dans le monde d'aujourd'hui, c'est plus vrai encore".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.