Jean-François Suhas : « Je crois beaucoup à l'hybride, batterie-hydrogène"

Président du Club de la Croisière et du conseil de développement du Grand Port Maritime de Marseille-Fos, ce pilote pousse à la transition écologique dans le monde maritime. S’il est convaincu que les nouvelles énergies doivent devenir la norme y compris en mer, il reste prudent sur l’hydrogène qui n’en est encore qu’au stade des expérimentations.
(Crédits : DR)

La Tribune : De nombreux organismes pointent l'importance de la pollution dans le secteur maritime, la transition verte n'est aujourd'hui plus option ?

Jean-François Suhas : Absolument ! Personne ne conteste le danger du carbone, même si les conséquences exactes sont encore difficiles à évaluer. Maintenant, le sujet est de savoir qui l'on veut protéger, si c'est la planète il faut s'attaquer au CO2, si ce sont les populations locales c'est à l'oxyde d'azote et de soufre.

L'hydrogène a le vent en poupe, c'est l'énergie du futur ?

C'est très dur à faire fonctionner et sa production est déjà compliquée car obtenir une molécule pure est difficile et coûteux. Ensuite il faut le stocker à des températures très froides, ce qui consomme de l'énergie, puis réussir à le transporter car l'hydrogène prend cinq fois plus de place que du gasoil. C'est un élément très petit et extrêmement volatile. A Fos, nous produisons entre 10 et 15 tonnes d'hydrogène que nous brûlons car c'est trop cher à transporter. Je crois beaucoup à l'hybride, batterie-hydrogène. On en trouvera en plaisance, car là c'est possible. Mais cela coûte une fortune et il y a un manque d'infrastructure ne serait-ce que pour s'approvisionner.

Certaines expérimentations sur des bateaux plus importants ont pourtant déjà eu lieu...

Les expériences se font en Europe du Nord avec des ferry de 80 mètres de long qui font de petits voyages. Cela nécessite plutôt des batteries avec 4 ou 5 heures d'autonomie, soit la durée du trajet, mais si c'est sur pile cela veut dire que l'hydrogène n'est que vecteur. Une pile possède une puissance de 500 KW à 1MW, un bateau de croisière à quai a besoin de 10 MW. Et puis pour les alimenter lors de la navigation sur des longues distances il faudrait fabriquer des stations de relais au large, cela serait n'importe quoi. Aujourd'hui ce qui est fait, c'est du test, cela reste très expérimental. Personne dans le maritime ne dit que les bateaux navigueront à l'hydrogène ou autre en 2030 ou 2050. Nous ne sommes qu'au début de la solution.

Quelles autres énergies pourrait remplacer celles utilisées aujourd'hui ?

Le GNL (gaz naturel liquéfié) est un début de solution car c'est moins dangereux. Mais il ne s'agit pas d'une solution miracle contre le CO2. Il existe aussi le méthane vert, qui commence à se mettre en place. Mais la piste dans laquelle je crois c'est le recombiner. Cela consiste à brûler le méthane, récupérer le carbone, puis recombiner la molécule pour recréer un combustible afin d'avoir un système d'économie circulaire avec un bilan neutre en carbone. Mais pour l'instant, ce n'est encore que de la chimie de laboratoire.

Comment inciter les armateurs à accélérer leur transition ?

Il y a plusieurs stratégies et chacun à un rôle à jouer. Au Port, si nous disons à un de nos clients ce qu'il doit faire il ira ailleurs. En revanche, nous pouvons créer une filière avec un avitailleur de gaz. Nous avons les molécules à Fos et fin 2021 nous aurons une barge qui ira les récupérer pour les amener aux navires (une première manœuvre a été réalisée en mai NDLR). Nous sommes un acteur majeur de la mise en place de cet écosystème, le résultat est d'être aujourd'hui le seul port européen avec un bateau dédié à apporter le gaz, c'est une vraie innovation. En termes de compétitivité, le marqueur vert est important, cela nous donne un coup d'avance.

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