Philippe Pellaton, l’innovation en bouteille de vin

A 51 ans, ce Gardois vient d’être élu Président d’Inter-Rhône, l’interprofession des vins AOC Côtes du Rhône et Vallée du Rhône. Un nouveau défi pour celui qui n’a eu de cesse d’innover pour dynamiser l’appellation, même dans les coups durs.
(Crédits : DR)

De l'Isère au Gard en passant par la Drôme et le Vaucluse, les vignobles des Côtes du Rhône s'étendent sur 171 communes ensoleillées. En résultent des vins d'une grande diversité. Des rouges, des rosés, des blancs ; de la pétillante Clairette de Die au Rosé de Tavel qu'Honoré de Balzac couvrait de louanges.

Philippe Pellaton est de ce cru-là. Les Côtes du Rhône, ce sont ses terres, celles de sa famille installée depuis plusieurs générations à Laudun, dans le Gard. « Mon grand-père avait une exploitation pluri-cultures », raconte-t-il. « J'ai passé beaucoup de temps avec lui dans les vignes, les cerisiers ». C'est donc assez naturellement que ce « terrien », tel qu'il se définit lui-même, décide de marcher sur ses traces.

Il se lance dans une formation d'ingénieur agricole au sein de l'ISARA de Lyon et met un peu d'argent de côté en travaillant comme responsable commercial pour un laboratoire vétérinaire. « Cela m'a permis de mûrir pour projet d'installation comme viticulteur avant de m'installer en 1999 sous le label Côtes de Rhône village Laudun».

Attaché au collectif et à sa commune, le jeune exploitant est élu en 2003 Président de la cave coopérative de Laudun, « un élément fondamental du tissu local ». Mais le contexte n'est pas des plus enthousiasmants. L'année précédente, un violent épisode cévenol a détruit la quasi totalité des cultures. « Le peu de raisins qu'il restait était de qualité médiocre ». Et comme si cela ne suffisait pas, une grave crise économique s'abat sur le monde de la viticulture. Coup sur coup. « En 2003, tous les vins ont plongé en valeur. Cela s'est amplifié jusqu'en 2006 puis stabilisé les trois années suivantes. Il y a eu beaucoup d'arrachage. C'étaient des années noires. Mais cela nous a permis de générer des projets pour sortir par le haut. J'ai pris ma place de président et impulsé de nouvelles dynamiques ».

Des vins remis au goût du jour

C'est ainsi que la Cave fusionne avec d'autres, donnant naissance à Maison Sinnae qui devient « la première entité de production des Côtes du Rhône ». Ainsi, en quelques années, l'ancienne cave de Laudun passe de 40 à 130 hectares, de 12 à 55 salariés, de 5 à 25 millions d'euros de chiffre d'affaire. Elle réduit la part de la vente en vrac au profit du conditionnement et se fraye un chemin dans la grande distribution et à l'export. Le travail de la cave se professionnalise aussi via la contractualisation, si bien que « 90 % de la production est pré-vendue. Cela nous donne une meilleure visibilité et assure l'équilibre économique. On peut alors travailler sur des projets plus qualitatifs comme la certification, la responsabilité sociale des entreprises, le respect de la biodiversité ... etc »

Lorsque la situation s'éclaircit au début des années 2010, Philippe Pellaton prend la tête du Syndicat des Côtes du Rhône. Il travaille alors sur la valorisation et le repositionnement de l'appellation. « Grâce aux différentes appellations par village, aux assemblages qu'il est possible de faire, les vins Côtes du Rhône permettent de monter en gamme et d'atteindre des prix stratosphériques. Les vignerons peuvent naviguer entre tous les micro terroirs et monter dans l'échelle sociale pour avoir une reconnaissance supérieure ».

Le président du syndicat s'attelle aussi à rajeunir l'image des vins locaux, notamment en faisant doubler la production de vin blanc ou en facilitant les assemblages de cépages. « On est passé d'un vin alcooleux souvent assez ancien à un profil rajeuni qui est à la mode auprès des jeunes et des découvreurs ».

Apporter sa "propre philosophie"

Le 5 novembre 2020, après douze années de syndicalisme, Philippe Pellaton est élu Président d'Inter-Rhône, l'interprofession des vins AOC des Côtes et de la Vallée du Rhône qui regroupe négoce et production. Son âme d'entrepreneur a envie de se frotter à de nouveaux défis. « Mon but, c'est d'incarner cette structure et de lui apporter ma propre philosophie, d'être novateur en mettant l'accent sur de nouveaux points ».

Cette fois encore, le contexte n'est pas des plus aisés. La crise du covid-19 a bousculé la filière, avec des effets très hétérogènes. « Pour ceux qui vendaient au caveau ou dans l'hôtellerie-restauration, l'impact a été dramatique. Certains caveaux ont essayé le click and collect mais la dégustation reste pour beaucoup l'élément déclencheur de l'achat. En revanche, pour ceux qui vendent leurs bouteilles en grande distribution, la situation a été plus positive ».

Concernant l'export, l'impact a là aussi été variable selon les marchés, plutôt négatif dans l'ensemble, amplifiant les difficultés qui se sont cumulées ces dernières années. « C'est un marché sur lequel on a beaucoup investi. Inter-Rhône y consacrait 70 % de son budget et les performances étaient très bonnes. Les Côtes du Rhône sont très présents en Europe mais aussi aux États-Unis qui sont devenus le premier pays d'exportation de nos vins. Cela représente 17 à 18 % de nos volumes d'export ». Mais la taxe de Donald Trump sur les produits français a brisé cet élan. En Asie également, du fait de la crise économique chinoise et du confinement, on consomme moins de vins français. « C'est pour toutes ces raisons que l'on a décidé de recentrer notre budget de promotion sur la France ».

Des terroirs et un engagement environnemental à valoriser

Une promotion qui doit mettre en valeur la diversité des vins. « Je veux que l'on promeuve les différents étages, les appellations villages. Jusque-là, ils étaient souvent massifiés autour du label régional. Je veux valoriser le travail des vignerons dans les communes, le patrimoine, les savoir-faire locaux. J'ai aussi envie d'avoir une entrée thématique pour présenter les différentes couleurs, les différents usages ».

Philippe Pellaton tient par ailleurs à communiquer sur les démarches environnementales et sociales entreprises par les vignerons. « La viticulture s'est engagée dans une transition écologique puissante. Le bio se développe beaucoup. On travaille aussi sur la biodiversité avec des apiculteurs, des associations de défense des oiseaux... Il faut mettre en lumière ceux qui se sont engagés, faire de la promotion pour encourager des initiatives collectives et créer des synergies ».

Mais pour avancer sur ces sujets, les bonnes volontés ne font pas tout. Il faut aussi des connaissances. C'est pour cette raison que le nouveau président d'Inter Rhône souhaite réhabiliter l'Institut Rhodanien - qui est inféodé à l'interprofession- pour en faire un pôle de recherche appliquée. « C'était jusque-là une coquille vide dépourvue de ressources humaines et financières propres. Je veux les en doter ». L'Institut sera appelé à réfléchir à des sujets de court terme tels que l'adaptation des cépages mais aussi à des problématiques au plus long court. Les changements climatiques et tous les inconvénients qui en découlent seront à l'avenir un enjeu majeur pour les vignerons. Phillippe Pellaton compte bien les aider à s'y préparer.

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