Aix-Marseille : ce rapport qui dit… ce que l’on sait déjà

Diffusé à grande échelle, le document détaillé qu’a produit l’Institut Montaigne met noir sur blanc les faiblesses (beaucoup) et les forces (présentes mais inexploitées) de la métropole, née aux forceps rappelons-le, ce qui en dit déjà pas mal sur le sujet. En pointant un territoire qui doit absolument rattraper son retard, le rapport émet une piqûre de rappel, pas inutile. Mais surtout il porte une parole qui compte, et qui n’est pas toujours entendue, celle des entrepreneurs.
(Crédits : DR)

160 pages, un diagnostic complet - entre manquements et avantages identifiés - des axes pour s'inscrire dans une dynamique de croissance forte... Tel est le rapport édité par l'Institut Montaigne, avec le soutien de l'agence d'influence Stan, basée à Marseille et les témoignages des patrons locaux qui comptent.

Dresse-t-il un état des lieux surprenant ? Non. Mais en revanche, il relaye la parole, les besoins, les desiderata de ceux qui contribuent, de différentes façons, à la métropole : les patrons. Des chefs d'entreprises et dirigeants pas toujours entendus ni écoutés.

Les patrons veulent aller plus vite

Les points noirs, on les connaît : des inégalités avec un centre-ville souffrant davantage de pauvreté que sa périphérie, une mobilité contrariée, un manque de foncier disponible qui freine la croissance des fleurons locaux sans parler de l'habitat, dont on connaît l'état indigne dans certains quartiers, une Métropole encore fragile qui doit trouver son équilibre et des finances qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le tableau, dressé ainsi, n'est pas très reluisant. Et pourtant, les atouts sont au moins à la hauteur des faiblesses. Un positionnement géographique qui l'ouvre vers la Méditerranée, sous-entendant de nombreux potentiels, une excellence en matière de santé et de numérique, sur ce dernier point notamment grâce aux câbles sous-marins, une attractivité qui ne se dément pas, malgré les images d'Epinal qui monopolisent l'attention, un Grand Port Maritime concurrentiel, attractif...

Aix-en-Provence souvent présentée comme la ville « riche » et Marseille, considérée comme plus « pauvre », constituent donc une métropole hétéroclite - certes construite à marche forcée en 2016 - mais une métropole au potentiel sans doute inégalé. Reste à transformer les discours en réalité.

La substantifique moelle du document repose bien sur ceux qui en parlent le mieux... les patrons.

Car les propositions que présente l'Institut Montaigne sont celles que les dirigeants des grandes entreprises du territoire aimeraient beaucoup voir concrétisées. Certains l'ont clamé haut et fort, d'autres distillent leur petite musique plus discrètement mais pas sans moins de constance... Sauf que si l'unanimité se fait dans les discours, elle ne se fait pas dans les actes.

La mobilité est le réel talon d'Achille de celle qui vaut quatre Grand Paris. Au point de répercuter sur l'emploi : sans voiture individuelle, impossible de se rendre d'un bassin à l'autre. Si l'institut Montaigne encourage au co-voiturage, l'association Cap au Nord Entreprendre avait déjà tenté l'expérience, avec une navette baptisée Nord We Go notamment dès 2019, cependant l'initiative avait encore du mal à trouver preneur, preuve que dans les faits c'est toujours un peu plus compliqué. L'expérimentation menée avec thecamp et la Métropole via « Demoiselle », une navette intelligente reliant le campus du futur aux gares d'Aix-en-Provence pourrait dessiner une solution d'avenir. Car en sous-jacent, la mobilité n'est pas étrangère à la problématique du recrutement de compétences.

Ceux que voudraient bien les chefs d'entreprise aussi, c'est avoir accès facilement à un foncier capable de s'adapter à leurs besoins de croissance. Las, nombre de PME performantes et fleurons de l'économie se trouvent fort dépourvus... Un foncier disponible et accessible c'est tout une entreprise qui peut embarquer avec elle ses talents sans déménager de quartier ou partir encore plus loin. Où on en revient (encore) à la question de la mobilité.

Pourquoi il faut structurer les points forts

L'un des secteurs phares d'Aix-Marseille, c'est la santé. La filière pèse 92 000 emplois (source étude CCI MP/Eurobiomed), concerne 4 000 établissements, le tout pour un chiffre d'affaires généré, estimé à 10 milliards d'euros. La santé qui est aussi le premier employeur du territoire. Les expertises en cancérologie ou immunologie, la bonne structuration des biotechs confèrent à créer un écosystème très bien structuré. L'absence de grands groupes, comme le souligne le pôle Eurobiomed, reste peut-être le trou dans la raquette qui manque au paysage. Cela n'a pas empêché le pôle basé à Marseille à prendre part activement à la création de la filière nationale du diagnostic in vitro, aux côtés de Lyionbiopôle et Medicen. Ce qui signifie bien qu'Aix-Marseille est considérée à hauteur des autres acteurs d'importance.

Cependant, le bât qui blesse est avant tout financier et les besoins en monnaie sonnante et trébuchante sont réels en santé, comme le répète Eurobiomed qui connaît les besoins de la filière. Le fonds First est déjà un début de réponse. Mais un début seulement.

En numérique aussi, Aix-Marseille est bien placée et pour cela elle peut dire merci aux neuf câbles internet sous-marin qui arrivent à la Cité phocéenne. Profitent-ils assez aux jeunes pousses, jouent-ils l'effet attractivité ? Sans doute pas à plein. Mais du point de vue numérique, la métropole ne manque pas de ressources et l'installation récente de Ippon Technologies, venu exprès pour l'écosystème numérique local, en est un exemple.

La fusion Métropole-Département, (enfin) une réalité ?

Autre manque - malgré la volonté et les discours affichés - l'ouverture concrète et des liens noués avec l'Afrique ont tout intérêt à devenir réalité. Certes AfricaLink joue sur le pôle mise en relation avec les entreprises africaines et provençales, la CCI MP envisage une Maison de l'Afrique pour faciliter les interactions mais il manque une action commune, comme un seul homme.


Et puis reste la question de financement des projets. On sait sur ce point, la fragilité de la Métropole Aix-Marseille Provence. L'Institut Montaigne recommande une fusion avec le Département. Le projet avait été un temps dans les tuyaux, servant même de « laboratoire », le préfet de région en poste à ce moment-là, Pierre Dartout ayant réalisé un rapport sur la faisabilité, à la demande du Premier ministre d'alors, Edouard Philippe. Entre temps, le projet a été abandonné (définitivement ?), d'autres dossiers prenant le pas.

Clairement le rapport de l'Institut Montaigne dresse dans sa vision prospective, le portrait de la métropole idéale. Certes, tout ne sera pas possible à un horizon de dix ans. Reste néanmoins à espérer que tout ne restera pas de bonnes idées sur le papier. La plus grande métropole de France mérite un plan de développement à sa hauteur...

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