L'innovation est dans la vigne

Que ce soit pour doper les ventes, optimiser la production ou concocter des vins adaptés à la tendance du marché, l'innovation s'invite depuis quelques années au cœur de la bouteille. La solution pour que rouges, rosés et blancs conservent des voyants au vert ?
Vendanges manuelles, rotation des cultures, et recours au biocontrôle ont-ils de beaux jours devant eux ? D'aucuns ont tendance à le penser, face aux questions de sécurité alimentaire et de respect d'une planète parfois exsangue sous l'effet des produits phytosanitaires.

Une production de l'ordre de 4 millions d'hectolitres ces dernières années, 5. 284 exploitations professionnelles et 89 .500 hectares de vignes de cuve : sans conteste, la viticulture n'est pas le moindre des secteurs en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Si la région, grande productrice de rosés, couleur qui a la cote, a peut-être davantage tiré son épingle du jeu que d'autres face aux vicissitudes rencontrées ces dernières années - baisse de la consommation, concurrence des vins dits du Nouveau Monde... -, elle n'en cherche pas moins à coller aux tendances du marché pour se maintenir, voire trouver d'autres relais de croissance.

Pour ce faire, si un réflexe peut donner un coup de pouce en la matière, c'est bien le recours à l'innovation. Car le monde de la viticulture sait regarder vers l'avenir... et à tous les niveaux.

Jean-François Césarini, directeur général de la French Tech Culture, ne le dément pas. « En initiant notre concours national, nous nous sommes rendu compte que les startups innovantes émergeaient non seulement du domaine de la production du vin, mais aussi de celui de la promotion. Si bien que nous réfléchissons pour la prochaine édition à proposer deux prix et non plus un seul, afin de couronner les innovations prises sur ces deux orientations ».

Conjuguer le négoce et l'animation d'un club

C'est un fait, des vents nouveaux soufflent en aval, sur les méthodes de vente. De jeunes pousses sortent du bois et entendent bousculer l'approche commerciale (cf. encadrés). C'est par exemple le cas de l'avignonnaise Oenojet, qui a mis en place un service de livraison personnalisé de vins et spiritueux, selon le principe développé par une célèbre chaîne de fleuristes... L'idée étant de conclure des partenariats avec des cavistes se chargeant justement de porter le précieux cadeau en mains propres.Mais c'est aussi, à Marseille, le cas du Club de Vins by Tony Toméi, qui lui aussi fait tourner son entreprise sur un concept novateur : se positionner comme négociant tout en proposant l'approche et les services d'un club, comme son nom l'indique.

De fait, il cible prioritairement les réseaux d'entrepreneurs et autres clusters, sans pour autant négliger le particulier : il propose des événements visant à une sensibilisation du produit viticole et distille des conseils personnalisés.

Dans les deux cas, un tronc commun s'impose : la rationalisation des coûts via un recours accru à la Toile. Les premiers ont fait le choix de l'e-commerce... tandis que le second a très vite abandonné l'idée du négoce en dur pour privilégier les réseaux sociaux, le contact direct dans les clubs d'entreprise, le mail et le téléphone. Ses stocks restant chez les producteurs...

Autre similitude, si ces solutions marchent, c'est parce qu'elles font du bien à des professionnels qui souffrent de la mévente de leurs vins. « Les cavistes sont pris en étau par le Net et la grande distribution qui casse les prix des bouteilles... Ils ne sont donc pas hostiles à la solution qu'on leur propose, tant s'en faut. Nous n'avons donc aucun mal à conclure de nouveaux partenariats », avance Claire Ménétrier, cofondatrice d'Oenojet.

Même schéma du côté de Tony Toméi :

« J'ai commencé par démarcher les grandes exploitations professionnelles, mais je n'obtenais que des fins de non-recevoir, puisqu'elles sont déjà structurées, avec un service commercial. Tout a basculé lorsque j'ai ciblé des vignerons travaillant davantage selon une approche traditionnelle, et qui n'ont ni le temps ni les moyens de vendre leur vin. Je leur ai proposé une démarche gagnant-gagnant... Je travaille aujourd'hui avec une vingtaine de domaines de manière récurrente, et près de 200 au total en France ».

Estomper l'effet millésime

Mais les fées innovations savent aussi se pencher sur le berceau de la cuve elle-même. Des technologies synonymes de modernité qui permettent déjà de coller au goût du consommateur. Et celui-ci fluctue...

« Aujourd'hui, la demande générale va vers des vins très standardisés en termes de robe, de nez... Les rosés doivent être très clairs, plus sur le blanc taché que le saumon. Parce que les consommateurs établissent souvent un lien de cause à effet infondé entre la clarté et le fait que le vin soit léger en bouche. Les rouges sont préférés très filtrés, moins tanniques. Les saveurs, les arômes, quant à eux, doivent révéler très vite des notes de fruits reconnaissables pour le non-initié. Et tout cela peut se travailler via la technologie. La conséquence, c'est que l'on a tendance à voir l'effet millésime s'estomper », analyse Tony Toméi.

Car si un cru a été couronné de succès, les viticulteurs vont évidemment faire en sorte de produire un vin avec les mêmes caractéristiques d'une année sur l'autre... C'est possible en adoptant des méthodes de vinification modernes : depuis une quinzaine d'années, la majorité des producteurs jouent ainsi sur les températures, les intrants tels que les levures, et optent pour un élevage en barrique de bois puisque ce dernier, selon son espèce, va aussi conférer des arômes.

Le drone à l'assaut du champignon

Plus en amont encore, d'autres innovations permettent quant à elles d'optimiser la production, tant au plan qualitatif que quantitatif. Elles riment parfois avec le numérique : applications Web intégrant les données du terroir et du millésime à même de fournir à l'œnologue des informations décisionnelles pour une gestion du vignoble au jour le jour ; capteurs infrarouges visant à détecter les stress dont souffre le vignoble ; gestion modernisée de l'irrigation... C'est notamment ce que propose la Société du canal de Provence aux viticulteurs de son territoire :

« Nous sommes précurseurs dans l'installation de réseaux goutte à goutte. Notre système de télégestion a été conçu de manière à prélever le moins possible. Il fonctionne selon le principe de la régulation dynamique. Ainsi, nous gérons l'un des rares canaux dans le monde où l'on ne prélève dans la ressource eau que ce que nous délivrons aux clients », explique ainsi Bruno Vergobbi, directeur de la SCP.

Autre innovation, celle de la société vauclusienne Air Pixels, qui a su adapter le drone à la surveillance des vignobles.

« Au début, nous faisions la majeure partie de notre chiffre d'affaires sur de l'image technique. Mais notre ADN n'est pas tant d'être prestataire de services que fournisseur de solutions clés en main pour nos clients. Nous sommes innovateurs avant tout », expose Lilian Pérona, son fondateur.

Depuis peu, ce dernier se positionne donc sur le segment de marché de la viticulture. Sa solution : le couplement d'un drone du commerce, donc à bas coût, et d'une solution informatique permettant de guider l'exploitant là où la vigne subit l'assaut des maladies et autres champignons.

« Notre algorithme traite les images et fournit un rapport qui permet à l'exploitant de se rendre directement sur la parcelle suspecte. Cela lui confère un gain de temps. »

Retour à l'authentique ?

Toutefois, loin des sirènes de la consommation de masse et de la volonté d'optimisation de la production, « une autre tendance s'affirme aussi, en rupture avec tout cela : le retour à l'authentique », surenchérit Jean-François Méry, viticulteur en Côtes-du-Rhône au domaine des Clefs d'Or, à Châteauneuf-du-Pape. Œuvrant en agriculture raisonnée, l'homme n'a de cesse de constater, fort de sa participation à des salons professionnels, qu'il existe bel et bien aujourd'hui un marché pour des produits qui laissent davantage parler la nature.

Vendanges manuelles, rotation des cultures, et recours au biocontrôle ont-ils de beaux jours devant eux ? D'aucuns ont tendance à le penser, face aux questions de sécurité alimentaire et de respect d'une planète parfois exsangue sous l'effet des produits phytosanitaires.

Preuve que le vent tourne, « depuis dix ans, toutes les multinationales agrochimiques, à l'instar de Monsanto, Bayer ou Syngenta achètent des sociétés de biocontrôle. Pour l'heure, ce dernier ne représente que 5 % du marché total de la protection des plantes, estimé quant à lui à 2 milliards d'euros. Mais la volonté de faire baisser la chimie s'affirme de plus en plus, notamment chez nos politiques », observe Frédéric Favrot, président de Koppert France, première société à s'être lancée voilà cinquante ans sur ce créneau porteur.

Créneau qui a lui aussi évolué pour diversifier ses solutions : macro-organismes ou insectes, micro-organismes ou champignons microscopiques, phéromones et kairomones, substances naturelles, telles les extraits végétaux et d'algues, les enzymes, les huiles essentielles... Mais il n'y a pas qu'entre les ceps de vigne que le viticulteur du domaine des Clefs d'Or laisse parler la nature. C'est aussi le cas lors de la vinification. Paradoxalement, certaines technologies émergentes permettent aussi de flirter avec l'authentique : on revient en effet à des cuves en béton, celles-ci de forme ovoïde, de nouvelles gammes de pressoir et de pompes... Qui sait, peut-être que finalement, le vin conjuguera son avenir avec un retour à la tradition. La nature reprendrait-elle ses droits ?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 24/03/2017 à 9:35
Signaler
Arrêtez de nous raconter des histoires svp, pas de bol je connais deux viticulteurs de cette région et ils ne jurent que par l'agro-industrie, les produits chimiques et monsanto, tellement qu'ils affirment que les nombreuses nouvelles maladies qui s...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.