Corsica Ferries - Corsica Linea : quelle stratégie pour les deux compagnies ?

Un peu à la manière d’un team détenteur de la Coupe de l’America, la compagnie Corsica Ferries veille à rester le leader incontesté sur la desserte passagers de la Corse. En face, le challenger Corsica Linea, née sur les méandres de l’ex-SNCM, a gagné des parts de marché l’an dernier, notamment sur le fret. Deux compagnies à la recherche du bon cap dans une lutte concurrentielle bord à bord…

Les deux compagnies se portent bien, merci. L'une a grignoté peu à peu des parts de marché jusqu'à s'imposer magistralement sur la desserte de la Corse et envisage à présent le déploiement sur d'autres lignes. L'autre, autrefois en situation de quasi-monopole jusqu'à 2002 sur cette même destination, fait office de phénix et renaît aujourd'hui de ses cendres, avec un bilan positif pour cette première année d'exercice. Il est vrai que l'image du bras de fer continuel entre Corsica Ferries et l'ex-SNCM, aujourd'hui Corsica Linea, a depuis le départ alimenté les chroniques... Mais selon Pierre Mattei, président du directoire Lota Maritime-Corsica Ferries, "nous n'avons jamais vécu cela comme la guerre dépeinte ici et là. L'opinion publique se forge généralement une mauvaise image d'une activité concurrentielle, mais son effet vertueux, c'est qu'elle motive tout le monde..." Alors certes, c'est sans doute plus facile à dire lorsqu'on a transporté, en 2016, 3,6 millions de passagers, réalisé un chiffre d'affaires à hauteur de 225 M€ et un résultat net de 49 M€ (les chiffres 2015... mais ceux de 2016 devraient rester du même ordre) et que l'on détient trois quart de parts de marché sur une desserte qui, dans un passé pas si lointain (avant le 1er janvier 2002), entrait dans le quasi-monopole de l'ancienne SNCM... Mais il n'empêche que les chiffres du bilan 2016 de Corsica Linea sont plutôt encourageants : 170 M€ de chiffre d'affaires avec une prévision de croissance de l'ordre de 12 % sur 2017, 470 000 passagers transportés toutes destinations comprises... et une "légère rentabilité", selon les termes du directeur général Pierre-Antoine Villanova. La jeune compagnie a grignoté des parts de marché par rapport à l'année dernière (45 % contre 40 sur le fret, 12 contre 10 pour le passager) sur tous les segments et prouve à tout le moins une chose : son modèle économique tient la barre.

Des politiques axées innovation et investissement

Elle compte par ailleurs un point fort : le fret. L'ex-SNCM enregistre en effet 875 000 mètres linéaires... "L'activité de fret, qui est à l'origine de la création de Corsica Linea, a notamment connu des résultats très encourageants en 2016", observe ainsi Pierre-Antoine Villanova, qui prévoit par ailleurs des résultats en hausse pour 2017, avec 1 million de mètres linéaires. Ce n'est pas le cas de la Corsica Ferries qui, elle, a perdu des parts de marché, avec un total enregistré de 100 000 mètres linéaires pour 2016. "Cela représente 10 % de notre chiffre d'affaires, ce n'est donc pas notre priorité", avance Pierre Mattei.

Mais en dehors de ces divergences, il semble indéniable que les deux compagnies entendent exploiter les mêmes recettes pour actionner les leviers de croissance. Une politique d'investissement conséquente, tout d'abord : du côté de Corsica Linea, ce ne sont pas moins de 22 M€ qui ont été injectés dans la flotte en 2016, et 23 qui le sont en 2017. Histoire de se positionner sans doute davantage dans l'offensive, "nous allons commencer à travailler l'évolution de notre flotte 18 mois en avance par rapport à notre plan de route initial", évoque le DG. D'autant que Corsica Ferries n'est pas en reste, avec l'acquisition du Pascal Lota, 13ème navire à voguer sous la bannière jaune, pour une somme de 100 M€, dont 10 de refitting. Et qu'elle entend se tenir au rythme d'un ferry acheté tous les ans, voire un an et demi. Les deux compagnies misent également sur l'innovation, et elle passe immanquablement par la digitalisation. Si chez Corsica Linea, cela fera partie des chantiers en cours, "2017 marquant aussi le lancement d'un plan de digitalisation de l'entreprise", elle est déjà effective chez sa concurrente. Ainsi, le site de réservation de Corsica Ferries s'est enrichi de nouvelles fonctionnalités, telles la possibilité de pré-enregistrer son embarquement avec le check-in online et de choisir sa cabine. De nouvelles prestations sont par ailleurs proposées, comme le petit-déjeuner en cabine et le late check-out. Enfin, une série de tutoriels mise en ligne au printemps guide les nouveaux clients pour leur réservation et la préparation de leur traversée. Des innovations numériques gérées en interne, comme tout ce qui est considéré comme stratégique par le directoire.

Quels autres terrains de conquête ?

Enfin, le développement économique des deux compagnies passera aussi par une diversification de l'offre. "Nul besoin d'un renforcement aujourd'hui sur la desserte de la Corse. Nous nous concentrons donc sur d'autres lignes. La grande nouveauté depuis 2016, ce sont les liaisons France-Sardaigne et Corse-Sardaigne. Et le succès obtenu sur ces nouvelles lignes nous a donc confortés dans l'idée d'en renforcer la desserte", annonce encore Pierre Mattei. Au total, 312 traversées vers la Sardaigne sont programmées en 2017. Sachant que Corsica Ferries en a effectué près de 8 000 au total, toutes destinations confondues l'année dernière. Et qu'elle étudie bien sûr la possibilité de mettre en place de nouvelles lignes... Un sujet stratégique sur lequel Pierre Mattei reste pour l'heure silencieux. Est-ce parce que la compagnie va défricher d'autres destinations peu desservies jusqu'ici, comme par exemple la Sicile ? Ou a contrario, parce qu'elle continuera de challenger Corsica Linea sur ses terrains de jeu historiques ? Autrement dit... après la Sardaigne, où l'ancienne SNCM officiait depuis l'origine et a, elle aussi, doublé les traversées cette année, posera-t-elle de nouveaux pions en direction du Maghreb pour garder l'avantage sur l'activité passagers ?  Les réponses viendront sans doute assez vite.

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Commentaires 4
à écrit le 29/05/2021 à 10:25
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Thank you

à écrit le 08/04/2018 à 14:42
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Vous avez bien noté que l'on est passé d'un "quasi monopole" de la SNCM (défunte compagnie publique d’État) à un quasi monopole privé de la Corsica Ferries. On nous promettait mont et merveilles de la concurrence. En réalité, rien n'a changé ou pres...

à écrit le 24/06/2017 à 0:44
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Pour ma part j'ai voyagé cette année sur un navire de Corsica ferries et ce fut vraiment une expérience détestable....Cabine vétuste et sale, personnel désinvolte et impoli, voitures garées dans des endroits exigus sous les vociférations du personnel...

le 27/06/2017 à 14:46
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Utilisateur des 2 compagnies depuis de nombreuses annees, je suis tres surpris de ce commentaire qui me semble plus refleter la qualite de Corsica Linea (ex SNCM) que de Corsica Ferries. Les navires de Corsica Linea sont obsoletes, souvent sales et l...

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