"Faut-il lancer une ICO ? "

Pourquoi cette nouvelle façon de lever des fonds fait mieux que les fonds de capital risque en amorçage.

Ça y est !  Un client vient de me demander si "on peut lancer une ICO" pour lever des fonds.

Pour ceux qui n'ont jamais entendu parler d'ICO ou "Initial Coin Offering", il s'agit d'une méthode innovante pour lever des fonds, fonctionnant via "l'émission d'actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d'un projet". En clair, la société vend contre des cryptomonnaies (Bitcoin, Etherum...) un droit à l'usage (le plus souvent futur) d'un service ou d'un produit qu'elle commercialisera grâce aux fonds levés.

Est-ce surprenant ? Pas vraiment quand on lit qu'en 2017, les ICO auraient permis de lever près de 3 milliards de dollars de financement. Soit plus que les fonds levés par les fond de capital risque en amorçage ! Une petite révolution dans le monde de la finance.

Alors pourquoi un tel succès ?

Une ICO présente plusieurs avantages indéniables pour les investisseurs et pour les entreprises qui y ont recours. Le premier est sans aucun doute la simplicité. En effet, les ICO ne sont aujourd'hui pas règlementées. J'invite à lire à ce sujet l'excellent article d'Alexandre Azoulay, président de SGH Capital.

Ce dernier rappelle tout d'abord qu'une ICO, à la différence d'une IPO, ne produit pas des titres mais des jetons (ou tokens en anglais), émis par l'entreprise à l'origine de l'ICO. Ces jetons peuvent être acquis par quiconque lors de l'ICO en échange de cryptomonnaie. Normalement, ces jetons permettent d'acheter sous forme de prépaiement le droit d'usage d'un produit ou d'un service développé ou à développer. Comme le note Alexandre Azoulay, "cela ressemble à du Kickstarter", la plateforme de crowdfunding qui permet de financer des start-ups en échange d'un droit d'accès prioritaire à leur produit avant sa mise sur le marché.

Fini les problématiques fastidieuses du pacte d'actionnaires, les discussions tendues sur la valorisation ou les clauses de liquidité. Il suffit de mettre sur le marché une offre : c'est-à-dire un produit, un prix et des avis d'experts qui vont vous encourager à investir, soutenue par un budget marketing significatif, pour lever les fonds.

Le plus simple pour comprendre, reste de prendre un exemple concret. La société Clermontoise Domraider spécialisée dans le rachat de noms de domaine expirés a fait l'objet récemment de nombreux articles et interview. A date, son dirigeant a réalisé la plus grosse ICO en France afin de financer un projet de plateforme de vente aux enchères exploitant la technologie blockchain. Il visait pour cela une émission de 35 millions de DRT (DomRaider Token) valant 35 millions d'euros. Ces jetons peuvent également être échangés contre d'autres jetons ou cédés sur une bourse spécialisée.

Avantage du mécanisme : la liquidité

D'ailleurs c'est sans aucun doute ce qui motive nos investisseurs à acheter ces jetons. On peut en effet supposer que la motivation principale de cet investissement pour le moins risqué réside dans l'espérance d'une augmentation du prix du jeton dont le nombre est limité. A la différence d'un titre d'une société non cotée, les investisseurs disposent ici d'une capacité à revendre rapidement leurs jetons lorsque ceux-ci sont listés sur une des bourses d'échange spécialisées comme Kraken ou Poloniex.

Reste que dans le cas de Domraider, la véritable bonne affaire est pour les parties prenantes - advisors, communauté, équipe - qui se voient attribués gratuitement 15% des jetons soit 15 millions d'euros au cours initial. Surtout ceux-ci pourront les échanger immédiatement - à hauteur de 500.000€ par mois - contre des euros sonnants et trébuchants dans un programme de rachat des jetons organisé par la société elle-même quand les investisseurs sont eux bloqués avec leurs titres pendant 8 mois.

Donc, l'ICO ça marche. La question est jusqu'à quand ?

Toujours selon Alexandre Azoulay qui se réfère au site Token Report, une étude basée sur l'analyse de 226 ICO montrerait que seuls "10% des jetons émis à ce jour auraient été utilisés par leurs acquéreurs pour profiter des services de l'entreprise émettrice. En clair, 90% des jetons seraient achetés uniquement dans une optique spéculative, pour être revendus ultérieurement à un prix plus élevé".

Ainsi, il faut garder à l'esprit qu'une ICO n'a de sens que si le business model de l'entreprise qui réalise la levée se prête à la monétisation de ses services par cryptomonnaie, ce qui concerne encore bien peu d'entreprises.

On pourrait aussi facilement affirmer que 90% des ICOs proposées au marché ne rencontreraient strictement aucun succès auprès d'investisseurs institutionnels. Quel investisseur avisé investirait dans des projets souvent en amorçage donc très risqués, sur des valorisations totalement déconnectées de la réalité et sans aucun encadrement juridique pour organiser une gouvernance ?

Derrière ce succès, les analystes pointent unanimement l'envolée des cours des cryptomonnaies qui bénéficient d'un incroyable buzz médiatique. Comme le souligne Virgine Gretz dans un très bon article de synthèse publié sur Frenchweb "ces tokens permettent finalement de diversifier leurs portefeuilles en restant dans l'écosystème qui les a initialement enrichis".

En conclusion, et pour revenir à notre client, nous lui avons déconseillé cette possibilité. Au-delà du coût très élevé de mise en place et du risque juridique inhérent à ces transactions, le marché ne nous semble pas encore suffisamment mature pour proposer une transaction "gagnant-gagnant" entre entrepreneurs et investisseurs quoiqu'en disent les "crypto-experts" abondamment relayés par les médias.

Bien évidemment, dans certains cas précis - notamment lorsque le projet à financer permet d'offrir un véritable service dématérialisé échangeable sous forme de jetons - l'ICO s'imposera comme la solution la plus attractive pour financer le besoin en financement.

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Smart-Entrepreneurs est une banque d'affaires implantée à Nice, Aix-en-Provence, Montpellier, Lyon et Paris, qui accompagne les dirigeants dans leurs problématiques de croissance : financement du développement, acquisitions ou cessions.

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