La zone industrielle de Carros cherche un nouveau souffle

Le poumon industriel de la Métropole Nice Côte d'Azur est là. Et c'est aussi, dans une moindre mesure - avec les parfumeurs à Grasse - le poumon du département des Alpes-Maritimes. Terre d'implantation de nombreuses entreprises - dont les ETI Arkopharma, Virbac ou Malongo -, la zone de Carros rencontre néanmoins des freins, dont un foncier au développement contraint et une mobilité peu aisée, compte tenu de son emplacement géographique, après Nice et avant l'arrière-pays, entouré de montagnes et du fleuve Var. Pourtant, retenu Territoire d'industrie pilote par le gouvernement en novembre dernier, Carros demeure une zone des possibles. À condition, évidemment, de lever les freins. Sur le sujet, tout le monde est d'accord.
(Crédits : DR)

C'est comme un seul homme qu'industriels, Métropole de Nice Côte d'Azur et Région Sud ont rapidement saisi l'opportunité de se pencher ensemble sur ce qui coince. Le 18 mars dernier, ils étaient tous venus pour se féliciter d'être le premier Territoire d'industrie à avoir mis sur pied - et à signer - un protocole d'engagement, posant par écrit les intentions liées aux besoins dont doivent désormais découler les actions. C'est bien le but de Territoires d'industrie : réindustrialiser le pays en permettant aux entreprises et aux élus locaux d'identifier ce qui manque et ce qui est nécessaire, et le financer. Évidemment, l'opération tombe à pic. À Carros, cela fait bien longtemps que la question du foncier est une problématique majeure.

À l'origine, c'est même ce qui a justifié sa création. Au début des années 1970, Nice ne pouvant plus fournir de possibilité de déploiement pour les industriels, ces derniers décident, en association avec la Jeune chambre économique, de créer une zone industrielle (ZI) hors de la capitale azuréenne, dans la Plaine du Var. Elle est mieux connue depuis la naissance, il y a dix ans, de l'Eco-Vallée, qu'elle prolonge.

Un foncier au développement contraint

Avec ses 188 hectares et ses 600 entreprises, la zone industrielle produit 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, à comparer aux 10 milliards d'euros que réalise l'industrie dans le département, mais aussi aux 12 milliards d'euros générés par le tourisme. Une mise en abîme qui démontre la force du secteur dans les Alpes-Maritimes et son potentiel, l'ancien ministre de l'Industrie Christian Estrosi et président de la Métropole prédisant même que « dans les trois, quatre années à venir, l'industrie dépassera le cap du tourisme ». Mais donc, quid du foncier ? Entouré du fleuve Var et borné par d'autres communes, la ZI doit faire avec ce dont elle dispose. Sauf que certaines entreprises ont des besoins d'extension de leurs locaux.

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Carros, zone industrielle

[Avec ses 188 hectares et ses 600 entreprises, la zone industrielle produit 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires. Infographie La Tribune, photo DR]

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C'est le cas notamment d'Arkopharma. Le laboratoire pharmaceutique spécialisé en phythothérapie a acquis il y a quelques années un terrain pour pouvoir ériger un nouveau bâtiment. Sauf que, aujourd'hui, « J'ai un pré », commente Jacques Chevallet, le président de l'ETI qui pèse 205 millions de chiffre d'affaires. Car il n'est pas possible de faire construire un nouveau bâtiment, la « faute » à un Plan de prévention des risques inondation (PPRI), effectif depuis 2008, qui établit des zones rouges, donc inconstructibles.

Avec ses 7 sites répartis sur la ZI, le laboratoire vétérinaire Virbac, autre ETI qui réalise 868 millions d'euros de chiffre d'affaires subit également cet empêchement de s'étendre en rond. D'autres entreprises tentent de contourner l'obstacle. C'est le cas d'Ineldea, laboratoire de compléments alimentaires et cosmétique, qui réalise 34 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont le PDG, Nicolas Cappelaere, explique que l'une des solutions consiste à dénicher du foncier sur d'autres communes plutôt que de vouloir tout concentrer sur la ZI.

Chez Transcan, spécialisée dans la logistique et le transport, on se montre ingénieux. Comme le remarque son dirigeant Franck Cannata, c'est en sous-sol que l'entreprise est allée chercher de l'espace.

« Pour notre nouveau site, nous avons creusé à 4 mètres et le bâtiment mesure 21 m au au faîtage, soit au total 25 mètres de hauteur ».

Grâce à des systèmes de monte-charges, l'ensemble est optimisé et correspond à une surface de 12.000 m² alors que le bâtiment ne fait « que » 7.000 m².

"Si l'on veut s'inscrire dans l'industrie du futur, il faut un accès au très haut débit"

Qui dit entreprises qui poussent les murs, dit besoin en compétences. Et c'est là qu'intervient l'autre bât qui blesse, celui de la mobilité. Difficile d'accéder à Carros sans automobile. Avec certaines villes du département, aucune ligne de bus directe ne permet aux actifs de rejoindre la zone industrielle.

Depuis le 3 septembre dernier néanmoins, une ligne de T-Express mise en place par la Métropole relie Vence, située à vol d'oiseau à une dizaine de kilomètres, à la ZI résolvant une partie du problème. C'est ce que souligne Marion Bouthors, qui dirige Horizon, le site que possède Schneider Electric dans les Alpes-Maritimes. Elle déplore que « la ligne de bus entre Grasse [située non loin de Sophia-Antipolis, ndlr] et Carros n'ait jamais vu le jour ».

Le groupe spécialisé dans les automatismes industriels complexes a en effet réuni en 2011 l'ensemble de ses salariés à Carros dans un nouveau bâtiment, ramenant du côté de Nice, une partie du personnel installé à Sophia-Antipolis, à une trentaine de kilomètres de là. Des navettes privées ont fonctionné un temps avant de s'arrêter.

Au-delà du déplacement des salariés, ce problème d'infrastructures bloque aussi le recrutement de talents, rapidement dissuadés de rejoindre la zone. Et puis il y a une autre infrastructure qui demande à être mieux organisée, c'est le déploiement de la fibre optique, un point noir que met en avant Marc Raïola, le président du Club des entreprises de Carros-Le Broc et PDG du groupe de travail temporaire Interima.

« Si l'on veut s'inscrire dans l'industrie du futur, il faut un accès au très haut débit (THD). »

Territoires d'industrie et son protocole d'engagement arrivent donc au bon moment. Puisque des besoins identifiés découlent des actions couchées sur le papier.

Libérer du foncier

Ainsi un pôle d'échange multimodal avec parking silo implanté au début de la zone devrait permettre de libérer du foncier et résoudre en partie la mobilité contrariée. L'idée d'une navette autonome et électrique « avec une fréquence de passage incitative » séduit Jacques Chevallet qui copréside le comité d'engagement de Territoires d'industrie avec le maire de la ville. De quoi attirer des talents, surtout les jeunes. C'est ce que veut favoriser le Centre de formation des apprentis (CFA) - devenu métropolitain depuis quelques mois - où une expérimentation menée avec Pôle emploi vise à mettre en place des formations sur mesure pour combler les manques des industriels de la zone.

« Nous voulons que ce soit pragmatique et simple , note Marc Raïola, et que cela permette de préparer les entreprises à l'industrie 4.0 [un programme d'accompagnement est prévu dans le protocole d'engagement] tout en préparant les jeunes aux métiers de l'industrie ».

Une maison des jeunes travailleurs, disposant d'une centaine de logements, devrait voir le jour d'ici 2020.

« Carros n'est pas monolithique, notre tissu industriel est très diversifié, avec des entreprises solides, qui soutiennent la fabrication française. Mais nous devons faire venir de la high et de la new tech », souligne le président d'Arkopharma.

C'est-à-dire faire venir des startups, typologie d'entreprises quasi absente de la ZI, hormis HPreC, fabricant de composite embouti que dirige Cécile Crassous. Laquelle ne tarit pas d'éloge sur Carros, implantation choisie exprès lors de la création de la jeune entreprise en 2015, justement pour son environnement industriel. « Le club des entreprises anime très bien la zone. Beaucoup de services sont mutualisés via un CIE qui permet à nos salariés d'avoir accès à des services que nous n'aurions pas pu, en temps que startup, leur offrir ».

Un village entreprenarial devrait être créé pour attirer les jeunes pousses et les autres. « Il faut renouveler le tissu existant », affirme Jacques Chevallet. Et combler un autre manque : la visibilité. L'idée de créer un nom, une marque comme l'Éco-Vallée, pour définir l'Opération d'intérêt national (OIN) niçoise permettrait de mieux positionner Carros urbi et orbi. « Il faut valoriser la zone », insiste Jacques Chevallet. « Si nous voulons donner une compréhension à l'extérieur, il faut un nom qui rayonne plus loin que le département », rajoute Marion Bouthors. La visite, ce 21 mars à Matignon avec les 20 autres Territoires pilotes, a prouvé qu'il était difficile pour qui n'est pas maralpin de placer Carros sur la carte.

Quasi parfait sur le papier, le protocole d'engagement doit absolument « passer à l'action » répètent les industriels en cœur.

« C'est un sceau national qui marque enfin notre département comme une terre industrielle. Outre ces grandes enseignes de l'industrie qui ont choisi cette terre azuréenne pour domicile, ce sont aussi 97% de TPE qui peuplent notre industrie locale et fournissent une part légitime des besoins de sous-traitance. Il reste à définir à présent, la vision à moyen et long terme de cette reconnaissance nationale en formulant le vœu qu'elle conduise collectivement au développement à la croissance et aux emplois de demain », martèle Michel Manago, le président de l'APPIM, l'Association des partenaires pour la promotion de l'industrie méditerranéenne.

Ramener des forces vives

« Le plan d'action peut aussi évoluer avec le temps », précise Bernard Kleynhoff avec sa casquette de président de la commission Industrie, innovation, numérique et nouvelles technologies à la Région Sud, mais lui aussi un industriel de Carros.

« Nous avons la chance d'avoir une seule intercommunalité, en l'occurrence la Métropole Nice Côte d'Azur, dans les discussions, ce qui permet d'avoir une vision unique ». La politique de marque « est une bonne idée » à condition de s'intégrer dans les dispositifs d'agence d'attractivité existants, dit l'élu. « L'avantage de Territoires d'industries est de tout mettre à plat. »

Cela pourrait non seulement faire venir de nouvelles forces vives, mais aussi en ramener certaines. C'est ce qu'explique Pierre Ippolito, directeur général d'Azur Trucks, concessionnaire poids lourds et utilitaires basé à Villeneuve-Loubet, à une dizaine de kilomètres, qui dispose à Carros d'activités de négoce de pièces détachées, d'ateliers mécanique et de carrosserie, et qui se verrait bien, en cas de libération du foncier véritablement acté, « implanter une activité d'usinage et de mécanique de précision », soit une quinzaine d'emplois. « Il faut donner un coup d'éclairage à notre industrie », répète Jacques Chevallet. « Le moteur de la croissance d'un pays, c'est l'innovation industrielle », a rappelé Christian Estrosi lors de la signature du protocole d'engagement. Les planètes sont alignées. Reste néanmoins à ne pas trop demeurer la tête dans les étoiles...

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Commentaire 1
à écrit le 04/04/2019 à 5:22
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Le pb de cette zone est qu'il est difficile de multiplier les espaces deja congrus sur le lit du Var. Les contreforts des Alpes tout proches de l'estuaire empechent l' extension. Seule possibilite, construire en hauteur.

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