Territoires d’industrie : la reconquête des espaces et des emplois

Lancé il y a un an, le dispositif, qui associe élus et entrepreneurs dans un travail d’équipe peu commun, semble tenir ses promesses. Où il est question de valorisation des friches et de projets très concrets.
Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, le 30 octobre dernier, lors de la convention de l'Assemblée des communautés de France, à Nice. À cette occasion, lui ont été transmises 10 propositions pour accompagner la renaissance des friches.
Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, le 30 octobre dernier, lors de la convention de l'Assemblée des communautés de France, à Nice. À cette occasion, lui ont été transmises 10 propositions pour accompagner la renaissance des friches. (Crédits : SIPA)

L'idée sur le papier avait tout pour bien fonctionner. Dans la réalité, c'est même encore mieux. Lancé par Édouard Philippe il y a tout juste un an, le dispositif Territoires d'industrie joue à plein la carte de la proximité. Une maille fine que celle de ces territoires qui ont toute légitimité à travailler de concert car, historiquement, culturellement, économiquement, c'est ce périmètre-là qui fonctionne ensemble.

Lorsqu'il est officiellement lancé le 22 novembre 2018, Territoires d'industrie a la vocation d'être un maillon supplémentaire dans la fameuse reconquête industrielle. Si les initiatives nationales, plus larges, sont essentielles, aller regarder ce qu'il se passe dans les intercommunalités est non moins indispensable. De 124 territoires identifiés préalablement, ils sont aujourd'hui 144. Un ajustement qui a dû se faire pour être au plus près de la réalité du terrain et des besoins. Une première preuve que le dispositif, finalement, touchait bien sa cible. C'est aussi ce que disent les chiffres remontés par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET).

Ainsi 87% des 144 territoires ont lancé la démarche, installé la gouvernance (un binôme composé d'un élu et d'un entrepreneur, Ndlr) et finalisé un plan d'action. Trente-huit de ces 144 territoires ont signé un protocole d'accord, et cela dans 10 régions métropolitaines sur 13, plus deux régions d'outre-mer (la Guyane et La Réunion) sur quatre. Soit un total de 474 projets remontés du terrain.

« Nous disons aux territoires : ne vous censurez pas !», dit Guillaume Basset, sous-directeur des mutations économiques au CGET, qui suit le dossier Territoires d'industrie.

Car  le dispositif est venu ajouter un maillon supplémentaire là où les appels à projets habituels  contraignaient les territoires à s'adapter au cahier des charges. Territoires d'industrie, c'est exactement le contraire, c'est le dispositif qui s'adapte aux besoins du terrain.

À Annecy par exemple, il permet de financer des logements temporaires, afin d'accompagner l'activité locale. Dans la vallée de l'Huisne, où convergent trois régions (Normandie, Centre- Val de Loire et Pays de la Loire), il permet, entre autres, de travailler sur des outils pour aider à l'emploi du conjoint, ce qui constitue parfois une barrière à l'attractivité des talents. « Territoires d'industrie peut considérer des sujets microterritoriaux », ajoute Guillaume Basset. Globalement, se pencher sur tout ce qui peut constituer des freins, des obstacles au développement.

Avec un effet inattendu, celui de voir des projets se construire autour des friches industrielles.

« Certains territoires reprennent leurs marques avec leur passé industriel, ce qui passe par la reconquête des friches. »

Un mouvement si fort que, fin octobre, lors de la convention de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) qui s'est tenue à Nice, ces territoires ont remis à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, 10 propositions qui permettent de mieux identifier et accompagner cette renaissance des friches, pour lesquelles il n'existe aucun référentiel. Des propositions qui devraient contribuer aux travaux du Conseil de défense écologique et à la feuille de route du gouvernement, d'ici à la fin de l'année.

Dans le même ordre d'idée, les initiatives nées dans les 144 périmètres définis sont susceptibles de nourrir la feuille de route gouvernementale comme de donner des idées à d'autres.

« Certaines actions, qui fonctionnent parce que les acteurs économiques font du sur-mesure, peuvent être dupliquées à grande échelle, et apparaissent comme des solutions qui passent sous les radars des grands ministères », acquiesce Guillaume Basset.

Une somme d'externalités positives

Des résultats qui sont à confronter à l'étude(*), publiée ce 4 novembre par la Fabrique de l'Industrie, rédigée par Philippe Frocrain, lequel coordonne par ailleurs l'Observatoire des Territoires d'industrie. D'où il ressort que la question de la cohésion territoriale est centrale, parce que les emplois industriels sont partie prenante dans le maintien d'une dynamique au sein des territoires ruraux par exemple, et parce qu'ils sont aussi des emplois de qualité, dont la rémunération est égale ou supérieure à celle des emplois dans les services. Un argument qui démontre que la question de la taille du périmètre concerné n'est pas primordiale. Et de citer des territoires extrêmement dynamiques, comme Figeac, Saint-Nazaire ou Toulouse, qui ne sont pas des hyper-métropoles.

« La performance industrielle est autant déterminée par les spécificités territoriales que par les indicateurs macro-économiques. »

Ainsi, 40% de la performance doit tout, non pas au secteur d'activité ou à la taille de l'entreprise, mais à la spécificité... du territoire. C'est-à-dire, plus concrètement, aux infrastructures existantes telles que les gares et les aéroports, à l'ambiance locale, au « travailler ensemble ». Toute une somme d'externalités positives qui ne se mesurent pas avec un calculateur mathématique. Une sorte de supplément d'âme. D'ailleurs, pour Philippe Frocrain, il est évident que le dispositif Territoires d'industrie est efficace là où élus et entrepreneurs se parlaient déjà. « Dans d'autres cas, il peut aussi servir de déclencheur de confiance et permettre aux acteurs qui ne se parlaient pas de s'asseoir autour de la table. »

Dans ce paysage parfait, quelles peuvent être les limites ? Un trop grand nombre de Territoires identifiés ? Une enveloppe globale (1,3 milliard d'euros jusqu'à 2022) trop faible pour « permettre de frapper très fort à certains endroits », avance Philippe Frocrain.

Et qu'en sera-t-il après 2022 ? « C'est un dispositif gouvernemental », rappelle Guillaume Basset. Bien malin celui qui peut dire ce que sera demain Territoires d'industrie. Une sorte de label de reconnaissance, comme a su le devenir la French Tech ? « Ce n'est pas aussi vendeur », tempère Philippe Frocrain. « Il n'est pas certain que Territoires d'industrie soit un label qui dise la performance du territoire. » Pour l'heure, servir la reconquête des espaces, c'est déjà mettre des étoiles dans les yeux des industriels... et de la France.

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(*) « L'étonnante disparité des territoires industriels. Comprendre la performance et le déclin », par Philippe Frocrain, Nadine Levratto et Denis Carré. www.la-fabrique.fr

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