Comment le Negresco entend traverser le XXIe siècle

A la tête de l’iconique palace niçois depuis l’automne dernier, Lionel Servant s’engage sur une ligne de crête, entre modernisation et conservation du patrimoine. Avec comme impératif d’assurer son indépendance financière pour perpétuer l’esprit de Jeanne Augier, son ancienne propriétaire.
Lionel Servant dirige le Negresco depuis novembre dernier.
Lionel Servant dirige le Negresco depuis novembre dernier. (Crédits : Marie Genin)

C'est au sein du bar anglais aux boiseries en noyer du Negresco que Lionel Servant reçoit. Silhouette élancée, sourire avenant, l'homme dirige depuis cet automne le mythique établissement hôtelier niçois : "Un hôtel atypique comme il en existe peu dans le monde", insiste-t-il. Il faut dire qu'avec ses 6 000 œuvres d'art retraçant les grandes périodes de la France de Louis XIII à nos jours, collectionnées sur le long cours par son ancienne propriétaire Jeanne Augier, décédée en janvier 2019, la maison aux 125 chambres et suites érigée en 1912 détonne face aux produits plus ou moins standardisés et épurés du secteur, entretenant une ambiance où "l'histoire transpire", accentuée par l'accueil d'hôtes des plus prestigieux, de Salvador Dali aux Beatles, de Harry Truman à Xi Jinping.

Tout ceci contribue au rayonnement de la marque Negresco, particulièrement influente sur la clientèle française. "Contrairement à d'autres grandes maisons de la Côte d'Azur, le marché français tient une place importante chez nous. Il arrive en deuxième position, après les Etats-Unis et avant la Russie et la Grande Bretagne." Une marque inscrite à l'INPI qu'il s'agit de "conserver" - le dirigeant entend la protéger au niveau européen - pour "passer le XXIe siècle de façon sereine".

Réflexions collectives

Tel est donc l'objectif de cet Auvergnat, ancien des groupes Barrière et Rezidor, pour qui perpétuer l'esprit Augier, l'un des axes forts de sa mission, revient avant tout chose à assurer l'indépendance financière du 5 étoiles. "L'activité du Negresco est en progression constante depuis 2016. En 2019, son chiffre d'affaires a dépassé celui d'avant-attentat", détaille-t-il. Surtout, "l'établissement est rentable et il se doit de le rester pour financer sa rénovation, son développement en termes d'investissement, de services, de boutiques..." Car, pour traverser le XXIe siècle, l'hôtel-musée doit impérativement se moderniser tout en préservant son ADN qui en fait un "produit d'exception".

Pour résoudre cette équation complexe, Lionel Servant mise sur une réflexion collective. Un comité est ainsi en cours de création, regroupant personnels de la maison, architectes et certains membres du Conseil des Sages de l'hôtel, pour se pencher sur le devenir des chambres, dont treize seront rénovées cette année. Autre comité de travail en chantier, celui consacré à l'approche environnementale et sociale de l'établissement, validée par les labels EcoLabel, obtenu en 2014, et Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV), en 2015, dont le renouvellement interviendra à la fin 2020 et pour lequel un ingénieur qualité a été recruté. "Comme dans toutes vieilles maisons, les dépenses énergétiques ne sont pas aussi bien maîtrisées que dans certains autres bâtiments plus modernes. Toutefois, on peut les limiter en apportant de la technologie. Il s'agit donc de mener une réflexion sur l'existant et sur ce que l'on peut faire dans le futur pour aller plus loin". Et ce, aussi bien sur les sujets très techno de la domotique et de la communication que sur des sujets d'ordre plus comportemental comme l'usage du plastique et l'acceptation par la clientèle des distributeurs (type savon...).

De nouvelles offres de services

La modernisation visée passe également par les services, et notamment par la création dans les deux ans à venir d'une offre spa, avec une piscine intérieure, "qui fait partie des attentes des clients", précise le directeur. Lequel entend par ailleurs redynamiser les vitrines des boutiques intérieures dont une devrait être rapidement dédiée à la vente de produits logotypés Negresco. Histoire de faire vivre la marque autrement. Enfin, la façade emblématique du 37, promenade des Anglais va, elle aussi, faire l'objet d'un coup de jeune. Des chantiers dont le montant, pour l'heure non chiffré, viendra s'ajouter à l'enveloppe de 2 à 5 M€ que l'hôtel investit chaque année dans ses murs.

Une politique d'investissement que la succession de Jeanne Augier, pas encore close, "n'impacte aucunement", assure Lionel Servant. Idem pour le climat social, malgré le placement sous administration judiciaire de l'établissement depuis 2013 et les rebondissements qui s'en sont suivis. "L'équipe (182 personnes à l'année) est fidèle, particulièrement attachée à cette maison et à ses codes tournés vers l'excellence à la française qui nous permettent d'attirer les meilleurs éléments". Pour preuve, l'arrivée en 2018 aux commandes du restaurant Chantecler de la cheffe doublement étoilée Virginie Basselot, Meilleur ouvrier de France (MOF). Laquelle "crée des émules puisque nous allons présenter cette année trois candidats au concours", annonce le dirigeant pour qui "c'est en combinant et en modernisant nos atouts que nous conserverons notre positionnement de leader sur le marché local".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.