Gaston Mille : l’innovation comme planche de salut

Installée à Courthézon, dans le Vaucluse, cette PME conçoit et fabrique des chaussures de sécurité, essentiellement à destination des professionnels. Face au coronavirus et à la concurrence asiatique, elle tente de s’en sortir grâce à son arme de prédilection : l’innovation. Une stratégie qui lui a permis de résister à bien des chocs par le passé.
(Crédits : DR)

Difficile de se projeter par les temps qui courent. "J'ai perdu ma boule de cristal", reconnaît Nicolas Mille, dirigeant de Gaston Mille. Il y a la crise liée au coronavirus qui a fortement impacté son activité et dont on peine à deviner la perspective. Mais il y a aussi un « malaise économique » sous-jacent ressenti par l'entrepreneur. "Quelque chose qui ne va pas et qui fait que l'on tend vers une crise majeure. L'argent pas cher a poussé les banques à s'endetter juste pour survivre". Face à ces incertitudes, une chose à faire : tenir, comme l'ont fait avant lui ses parents, grands-parents et arrière grand-parents.

Car ce n'est pas la première tempête que traverse le navire familial. Créée en 1912 par Gaston Mille qui a repris et industrialisé le commerce de chaussures de son père Emmanuel, l'entreprise doit d'abord affronter les deux guerres mondiales avant d'être reprise par Charles, grand-père de Nicolas. Charles Mille conclut un partenariat avec Doc Martens, développe le caoutchouc et lance une des premières semelles orthopédiques. Dans les années 1950-1960, la PME équipe les mineurs grâce à des embouts de sécurité dans les chaussures, faisant là encore figure de pionnière. Les deux décennies qui suivent s'écrivent sous le sceau de la modernité : un nouveau système d'injection permet d'augmenter considérablement les capacités de production. La PME prend une nouvelle dimension. Elle emploie 400 salariés. C'est alors que sonne la crise des chocs pétroliers. L'entreprise doit par ailleurs faire face à la vague de délocalisations en Asie, l'obligeant à affronter certains de ses anciens partenaires dans une concurrence acharnée. Elle est contrainte de licencier, passant de 400 à moins de 50 salariés, (ils sont 60 aujourd'hui).

Réactivité, innovation et export

Pour garder une place sur ce marché, elle brandit ses armes. La réactivité : "le fait d'être en France nous permet d'adapter nos produits à la demande". L'innovation : "nous avons cinq salariés à temps plein en recherche et développement". Ceux-ci s'attellent à suivre et anticiper les tendances du marché. En partenariat avec des startups, Gaston Mille a ainsi développé des chaussures connectées. "Cela sert aux travailleurs isolés comme ceux d'ERDF, en cas de risque de choc électrique. Nous avons aussi été sollicités pour équiper des vigiles avec un système de géolocalisation et d'alerte".

Autre produit phare : les sur-chaussures dont l'entreprise est l'inventrice. Originellement conçues pour un usage ponctuel, elles pourraient servir au personnel de la restauration rapide "à valeur ajoutée". Un secteur en plein essor et dont les salariés - souvent jeunes - recherchent des produits légers, confortables mais aussi d'une apparence "proche de ce qu'ils portent habituellement".

La PME planche aussi sur une gamme dédiée aux femmes car "beaucoup se plaignent de ne pas trouver d'équipements de sécurité adaptés à leur morphologie". Une gamme qu'aimerait beaucoup exporter Nicolas Mille, l'international étant un axe de développement stratégique.

"Le marché français est mature, il y a donc peu de possibilités de croissance à deux chiffres sans export". D'où l'installation d'une filiale à Chicago en 2015. "Celle-ci devrait être viable d'ici trois à quatre ans", se réjouit-il. L'entreprise est aussi présente en Malaisie mais à terme, elle souhaite se recentrer sur l'Europe. "Nous avons peut-être négligé nos partenaires européens alors qu'ils ont de forts potentiels. Il faut restructurer notre force de vente pour mieux occuper ce terrain".

Des opportunités liées à l'hygiène

Un terrain sur lequel elle pourra - épidémie oblige - répondre à un besoin de plus en plus prégnant : l'hygiène. "Tout le monde est focalisé sur les masques. On oublie que les pieds sont vecteurs de beaucoup de contaminations. Ce sont des nids à microbes". L'entreprise a développé des chaussures avec traitement antibactérien, des semelles faciles à nettoyer, ou encore des modèles lisses avec peu de coutures. Des produits qu'elle compte mettre sous le feu des projecteurs grâce à une campagne publicitaire dédiée.

Innover, s'exporter... mais aussi grossir. Gaston Mille - qui réalise aujourd'hui un chiffre d'affaire de 11 millions d'euros - nourrit des projets de croissance externe. "On travaille le dossier. Il pourrait s'agir du rachat de fournisseurs ou de distributeurs ». Car il faut atteindre une taille critique pour se solidifier face à la concurrence. "Malgré le coronavirus, je constate toujours une volonté de fabriquer en Asie", regrette-t-il. "J'ai été déçu de l'attitude du gouvernement. J'espérais une réaction plus protectionniste. Entre une fabrication chez nous et une autre en Asie, il n'y a que le coût de la masse salariale qui diffère. Il manquerait peu pour relocaliser. Il faudrait rééquilibrer les choses car pour le moment, nous ne combattons pas avec les mêmes armes".

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