Edoardo Secchi, architecte de relations économiques entre la France et l’Italie

Avec son groupe de sociétés dédiées au développement économique entre la France et l’Italie, Italy-France Group, qui le fait être présent à Rome, Paris et Monaco, ce spécialiste des marchés tant français qu’italiens conseille les grands groupes, comme les ETI, les PME et les institutions. Et en termes d’innovation comme de relations BtoB, il y a encore beaucoup à faire entre les deux pays, qui se connaissent bien.
(Crédits : DR)

La Tribune - Quels sont les relations entre l'Italie et la France ?

Edoardo Secchi - On ne le dit jamais assez : les points en commun entre la France et l'Italie sont bien important que leurs différences. Leurs rapports culturels existent assez naturellement de très longue date. Ce sont deux pays qui se sont influencés mutuellement. Sur le plan économique également leur relation est très importante. La France est le deuxième client et le deuxième fournisseur de l'Italie. La France est également le premier investisseur dans le pays avec 22 % des investissements internationaux (81,5 milliards d'euros, sur un total de 372,4 milliards en 2018). Plus de 1 800 filiales françaises sont présentes en Italie avec plus de 280 000 emplois. L'Italie est à la huitième place parmi les plus gros investisseurs étrangers en France, avec 2 000 filiales opérant en France et environ 100 000 emplois. Au niveau d'échanges commerciales en 2019, malgré une conjoncture économique défavorable, les deux pays ont accru leurs échanges économiques à 86 milliards d'euros (soit 236 millions d'échanges par jour). Plus précisément, 36 milliards d'euros d'exportations françaises en Italie (+0,3% par rapport au 2018) et 49 milliards d'euros d'importations italiennes en France (+2,9% par rapport au 2018).

A votre avis comment ceux deux pays peuvent profiter mutuellement ?

La grave crise économique mondiale liée au coronavirus nous a montré la puissance de la Chine dans le commerce mondial et notre dépendance vis-à-vis de ce pays qui nous a affaiblit dans des secteurs stratégiques comme la technologie, l'innovation ou encore la médicine. La France et l'Italie doivent impérativement reprendre leur destin en main, gagner leur souveraineté économique et pour cela, il faudra récréer une souveraineté industrielle. Toutes les industries stratégiques doivent rester dans nos pays et se développer avec les partenaires européens. Et la France et l'Italie ont déjà de quoi créer leur avantage compétitif. Ces deux pays représentent les deux tiers du marché mondial du Luxe. Au niveau de la gastronomie, avec un total de 556 produits AOC et IGP, l'Italie et la France sont les leaders européens des produits de haute qualité. Dans le secteur de l'art et du tourisme, nos deux pays sont les plus appréciés et visités, en Europe comme dans le monde. Mais leur force réside également dans de secteurs qui sont moins « mainstream » comme la technologie, le secteur spatial, la robotique, la mécanique, le design, la manufacture, la pharmacologie.

En termes d'innovation, justement, la coopération peut-elle être plus structurée ?

Il faut créer de vrais clusters franco-italiens dans les domaines de la recherche et de l'innovation, comme par exemple des incubateurs et accélérateurs de startups entre la France et l'Italie mais aussi entre les districts industriels italiens et les pôles de compétitifs français. Il faut impérativement renforcer la coopération dans les domaines à forte valeur ajoutée pour éviter, comme c'est le cas aujourd'hui, que les jeunes aillent créer de la valeur ajoutée à l'étranger.  Il faut créer une véritable nouvelle stratégie industrielle et commerciale. Car il faut rappeler qu'aucun pays d'Europe ne peut s'en sortir seul face à des pays comme les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde.

D'autres domaines pourraient-ils suivre la même stratégie ?

Oui, davantage de coopération est nécessaire dans le secteur universitaire : l'Erasmus et les autres programmes d'échange ne suffisent pas. Chacun a ses propres systèmes et programmes, qui doivent être harmonisés avec des projets scolaires communs, pour augmenter le niveau de compétences et former les gens dans de secteur porteur du futur. La France et l'Italie disposent d'écoles d'excellence qui n'ont rien à envier aux écoles américaines ou anglaises. C'est l'écosystème économique et politique autour des écoles qui doit être réformé. Cela évitera que les mieux préparés n'aillent ailleurs créer de la richesse qui financée par nos impôts nous privant en même temps des ressources fondamentales à nos pays pour rester compétitifs.

Pouvez-vous nous citer quelques exemples de projets Franco-Italien d'envergure ?

Il y a trois grands dossiers franco-italiens qui peuvent apporter beaucoup en termes de croissance et d'emplois pour nos deux économies. Je cite par exemple la fusion FCA-PSA a donné la naissance au quatrième constructeur mondiale avec une capacité commerciale de 8,7 millions de véhicules par an, pour une valeur de 46 milliards d'euros, un chiffre d'affaires de près de 170 milliards d'euros. Puis la joint-venture « Naviris » de Fincantieri et Navalgroup fruit de vingt ans de coopération entre l'Italie et la France. Leur but est de créer un "Airbus" de la mer et sauver le secteur de la construction navale européenne, y compris militaire, face à la concurrence russe et asiatique. Enfin il y a le grand chantier ferroviaire européenne Lyon-Turin est un parfait exemple du type de grand chantier à privilégier dans le cadre d'un plan de relance économique après la crise.  Le chantier du tunnel international de la Lyon-Turin peut reprendre sans délai après la crise. Il représente 8000 emplois directes et indirects et 8,6 Md€ injectés sur 10 ans dans l'économie française et italienne. Chaque euro investi pourra rapporter 1,6 € pour les économies des deux pays.

Votre groupe est présent en France depuis 1993. Pouvez-vous nous décrire vos activités ?

Mon groupe opère dans le développement du marché français et italien pour des multinationales, ETI et PME italiennes et américaines. La particularité de mon groupe est d'avoir acquis divers compétences - dues à mon parcours dans les domaines de l'industrie et des services - qui m'a permis d'avoir une vision globale du business, peu importe le secteur où je dois intervenir. J'ai démarré mon activité en plein boom de la mondialisation. Pendant que les grands groupes quittaient le marché français et italien - pour aller en Chine, en Inde ou le Moyen Orient - j'avais constaté que ces deux pays (deuxième et troisième économie d'Europe) n'avaient presque plus des sociétés de conseil vraiment focalisées sur les deux marchés. Mon pari de m'installer en France fut donc pour moi le tournant de ma vie.

Quels sont selon vous les caractéristiques d'un entrepreneur d'aujourd'hui pour réussir ?

Bonne question ! Je dirais que les caractéristiques sont plutôt de nature psychologiques, humaines et sociales. Il faut changer de métrique et se dire que la seule instruction scolaire, certes importante, ne suffit pas pour réussir, car non seulement nous assistons à un véritable progrès technologique qui demande toujours de nouvelles compétences et nous oblige à apprendre constamment, puis on doit comprendre que à part des secteurs de l'économie stratégiques, il y eu toujours de secteurs qui ont payé cher le changement de cycle économique. La majorité des entreprises présent sur le marché n'arrivent pas à 20 d'existence. En travaillant ces derniers 27 ans au contact de grands patrons français, italiens et américain j'ai trouvé en eux les mêmes points en commun : une grande préparation, la capacité d'adaptation, dynamisme, habilités sociales, une vision géopolitique et géoéconomique, courage et détermination. Si vous regardez de près, 95% de ces qualités dépendent de la psychologie et non pas dans la simple compétence que tout le monde peut apprendre.

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