Virginie de Barnier : "C’est la fin du marketing de masse"

La directrice de l’IAE Aix-Marseille, chercheuse au laboratoire spécialisé en Sciences en Gestion d’Aix-Marseille Université, publie Marketing et création publicitaire. Un condensé de conseils pratiques issu de ses travaux sur les liens entre psychologie et marketing.

LA TRIBUNE - Pourquoi écrire ce livre ?

VIRGINIE DE BARNIER - Ce livre a pour ambition de démystifier le processus de création publicitaire, de montrer que le talent artistique n'est pas l'unique clé pour une campagne de pub réussie. Au contraire, la communication demande avant tout un travail d'analyse des besoins de son entreprise et de ceux de la clientèle visée. Ce livre, qui s'adresse aussi bien aux grands groupes qu'aux jeunes PME et aux étudiants, permet de comprendre les mécanismes en jeu dans ce processus et d'apprendre à les analyser correctement pour passer sans heurt de l'établissement d'une stratégie marketing pertinente à la mise en place d'une campagne publicitaire efficace.

Quelle lien faites-vous entre commerce et psychologie ?

Connaître et comprendre la psychologie du consommateur est indispensable pour trouver les bons mécanismes de persuasion. En fait une erreur de communication, une mauvaise campagne publicitaire s'explique bien souvent par une mauvaise analyse psychologique de sa cible. De plus, la psychologie est extrêmement utile au manager qui doit parvenir à fédérer les membres de son équipe autour de projets communs.

Vous parlez des pièges de la création publicitaire, quels sont-ils ?

Le piège principal est celui de l'ego. Le plus dur est de réussir à se mettre à la place du consommateur cible tout en se distanciant complètement de ses propres envies et désirs. Pour une campagne publicitaire efficace, il faut se détacher de soi-même et ne garder en tête que les objectifs de l'entreprise et l'analyse de la cible.

La marketing a souvent la vie dure. On le diabolise volontiers en criant à la manipulation, à la publicité mensongère. On l'accuse de créer des besoins que nous n'avons pas initialement...

Ces préjugés existent et je crois que les responsables de cette diabolisation sont l'ensemble des personnes travaillant et ayant travaillé dans le marketing. Car il y a eu des abus. Concernant l'image de la femme par exemple. Ou encore ces publicités qui vantent les mérites d'un produit en omettant de signaler que son obsolescence est programmée à dans deux ans. En fait, ce paradigme d'hyperconsommation, de concurrence exacerbée, d'obligation de vente en a fait oublier l'éthique à certains.
Pour ma part, je pense que le marketing devrait être plus régularisé encore pour éviter ce genre d'abus.

La RSE est une valeur qui vous est chère. Comment adopte-t-on une attitude RSE en marketing ?

Des entreprises comme Nature & Découvertes ou Malongo, y parviennent brillamment en tablant sur une politique de développement durable forte. Certes, c'est un engagement intéressant à long terme. Mais je suis persuadée que dans peu de temps, les entreprises ne pourront plus se passer d'une politique RSE. Cela est dû à la prise de pouvoir croissante du consommateur sur leur consommation. Grâce à internet, aux forums, aux plateformes de notation type TripAdvisor, il peut s'exprimer, donner son avis. Le consommateur n'est plus impuissant face aux géants de la production de biens et de services. Le rapport de force est en phase de devenir égalitaire. A terme, les entreprises seront obligées d'adopter une attitude éthique et responsable pour satisfaire leur clientèle.

C'est la 4ème édition de votre livre déjà. Cela démontre d'une forte évolution du secteur. Comment le voyez-vous évoluer d'ici quelques années ?

C'est bientôt la fin du marketing de masse. Nous arrivons dans l'ère du marketing personnalisé, du one-to-one. Ce besoin de congruence entre le produit et la personnalité du consommateur s'affirme de plus en plus fortement. Prenons un exemple : l'Iphone d'Apple. Pourquoi un tel succès ? Chacun peut le configurer à sa manière, choisir ses applications, leur place, leur ordre sur l'interface, la musique qu'il contient, les photos. Et cette tendance à la personnalisation ne s'applique pas qu'aux objets high-tech. Longchamp ou Nike s'y mettent aussi en proposant des sacs et des chaussures à composer soi-même.

Pensez-vous que que le paradigme d'hyperconsommation actuel va changer aussi ?

 Non, je ne pense pas que ce système soit prêt de changer pour l'instant. Ce qui change par contre c'est l'apparition d'un marché secondaire, celui des produits de seconde main. Désormais, au lieu de jeter, on a tendance à donner une seconde vie aux objets et ce malgré les tentatives des grandes entreprises de le stopper. Encore une preuve de la prise de pouvoir du consommateur qui ne cesse de croître.

Ce livre envisage ces évolutions là. J'y évoque d'ailleurs l'apparition de nombreux nouveaux métiers qui y sont liés, comme le community management, la gestion de l'e-réputation...

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Commentaire 1
à écrit le 16/06/2016 à 9:41
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Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette analyse après les années B to B et maintenant one-to-one, l'évolution est constante, OK pour le RSE et la position du consommateur acteur, en revanche l'exemple de l'Iphone d'Apple est mal choisi en réal...

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