"Afriques, entre puissance et vulnérabilité"

Les Afriques sont au cœur des jeux de représentations. Celles-ci oscillent entre les 3 parques mortelles de Malthus - les guerres, les épidémies et les famines - et un continent émergent nouvelle frontière de l’économie mondiale.

Les Afriques sont plurielles. Les processus sont ambivalents avec  vulnérabilité (résiliences face aux chocs) et puissance (enjeux politiques et géopolitiques, hard et soft power)

Trois principaux préalables méthodologiques s'imposent. Le premier renvoie aux limites de la métrique et du PIB. Le second concerne le traitement du temps. Il faut repérer, au-delà des trajectoires passées et actuelles, les ruptures en cours selon divers horizons temporels. Le troisième concerne le traitement de l'espace et la nécessité de typologies des territoires et d'emboîtements d'échelles du local au global et de prise en compte des fractures sociales et territoriales.

 Les principales transformations en cours : les Afriques qui bougent

Certains faits stylisés peuvent caractériser l'économie de l'Afrique : économie de rente, patrimonialisme, spécialisation subalterne, insertion dans bas de gamme des chaînes de valeur ,croissance peu inclusive et inégalitaire, trappes à pauvreté et à vulnérabilité, 8O% de la population travaille dans des petites activités rurales et urbaines non comptabilisées...

Il importe de comprendre, au-delà,  les interdépendances entre :

- les ruptures exogènes : diversification des partenaires, hausse et instabilité des prix des matières premières, accès aux financements, allègement de la dette, enjeux géopolitiques avec puissances émergentes, révolutions technologiques, NTIC

-les ruptures endogènes : démographiques, urbanisation (accroissement du taux d'urbanisation mais en volume la population rurale croit plus rapidement que la population urbaine), classes moyennes avec une part de classe flottante à la limite du seuil de pauvreté, constitution des marchés, démocratisation même imparfaite, climat des affaires, progrès de la santé et de l'éducation 200000 étudiants en 1970 contre 5 millions en 2015. Réalisation partielle des OMD avec prise en compte de la qualité au-delà des chiffres

Il importe de décliner ces héritages et ces ruptures selon les principaux territoires. Les typologies impliquent une multiplicité de critères : économiques (diversification, productivité, compétitivité ACET), démographiques (transition et dividende), sociaux (citoyenneté, ethnies, castes, clans), politiques (curseur démocratie parlementaire : Maurice ou Afrique du sud, Maurice à dictature (Erythrée Etat caserne, Swaziland, Zimbabwe), puissance semi industrielle de l'Afrique du Sud.

On peut différencier : les économies en conflits et post conflits ; les économies stagnantes (Madagascar) ; les économies de rente avec non régulation des instabilités (hydrocarbures, mines) ; les économies diversifiées (Botswana, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Ghana, Kenya, Maurice, Rwanda, Tanzanie).

Les défis actuels et du futur

Cinq grands types de défis peuvent être privilégiés :

-démographiques : rythmes, pression, mobilité, structure par âge, puissance (il n'est de richesse et de puissance que d'homme). Dividende démographique versus bombe à retardement. Différencier selon les territoires. La population de 15 à 24 ans devrait atteindre 400 millions en 2050 contre 200 millions. 30 millions de jeunes arrivent annuellement sur le marché du travail.

-environnementaux fortement différenciés selon les zones géographiques climat (4% des GES), pollution, dégradation biodiversité

-sécuritaire : contrôle des violences non réductibles au terrorisme, trafics, contrebandes emboîtement d'échelle.

-sociaux : fractures sociales et territoriales, vulnérabilités, cohorte de jeunes sans emploi .

-économiques : compétitivité, remontée en gamme dans les chaînes de valeur, industrialisation pour les late coming, coûts des transports, faible économie d'échelle, sauts technologiques.

Quels leviers d'action ?

Nécessité du sur-mesure et non des prêts à porter. Différentes manières de construire la modernité. Pas de convergence ni de rattrapage. Il s'agit de transformer les risques en opportunités : potentiel humain et naturel, opportunités des nouvelles technologies (numérique, énergies renouvelables, bio technologies) à coût décroissant.

Certains mots clés peuvent être mobilisés : résiliences face aux vulnérabilités, territorialité à diverses échelles emboîtées, inclusion face aux fractures sociales et territoriales et intergénérationnelles.

Les moyens renvoient aux fonctions régaliennes des Etats, aux liens entre sécurité et développement, aux leviers financiers : méso finance  à risque des TPME et PME missing middle à l' éducation de base et formation professionnelle, aux relations contractuelles grandes et micro unités (agriculture contractuelle, sous-traitance).

Il importe de lier les projets structurants et leading sectors des  grandes firmes et les myriades de micro projets, d'innovateurs, d'entreprenants ou entrepreneurs, ingénieux ou ingénieurs.  L'Etat pépiniériste aménage les pépinières et permet aux jeunes pousses de se développer.

Le développement durable consiste à tenir un cap et à naviguer en zig-zag en fonction des vents. "Il n'y a de vent favorable que pour celui qui sait où aller" Sénèque.

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Philippe Hugon est l'invité des "Mardis de la Villa" à la Villa Méditerranée à Marseille, ce 9 mai 2017 en compagnie de Gilles Dufrénot, professeur à l'AMU à partir de 19h.

Philippe Hugon a également publié "Afriques entre puissance et vulnérabilité" aux éditions Armand Colin.

Les Mardis de la Villa se déroulent en partenariat avec l'AMSE.

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